Le Pr Sadok Belaïd est l’un des premiers spécialistes tunisiens en droit ayant marqué la formation des juristes en Tunisie indépendante. Cet éminent expert a été nommé le 20 mai 2022 par le président Saïed comme président coordinateur de la commission consultative pour la nouvelle République ; le décret de nomination prévoyait de remettre le projet de la Constitution au président de la République au bout de 30 jours. L’étroitesse des délais n’a pas empêché le Pr Belaïd et sa commission de respecter le deadline. La surprise fut que le président Saïed a largement modifié le projet initial, poussant le Pr Belaïd à crier aux «risques considérables de défaillances» et à considérer «dangereux» le projet de Constitution soumis au référendum populaire du 25 juillet 2022.
- Y a-t-il un véritable risque de dérapage dictatorial ?
Oui, il y a un fort risque, de l’avis d’une bonne majorité d’experts constitutionnalistes qui ont examiné le projet. Les experts sollicités par l’UGTT ont décortiqué le projet et exprimé des critiques solides, tout comme moi. Il y a surtout une concentration du pouvoir entre les mains du Président, en l’absence de tout contre-pouvoir réel, ouvrant la voie à tous les dérapages.
- Regrettez-vous d’avoir été embarqué dans le projet du président Saïed ?
Loin de là, je ne regrette pas… Notre expérience a montré qu’il existe une alternative d’élite intellectuelle qui aurait pu aider à l’installation d’un véritable pouvoir démocratique en Tunisie. Nous avons préféré relever le défi malgré l’étroitesse du temps dédié, le Pr Amine Mahfoudh et moi-même, ainsi que toutes les personnalités ayant travaillé avec nous.
Nous avons proposé un projet de Constitution à vocation socioéconomique, le premier du genre. Une vingtaine d’éminents économistes ont contribué avec nous pour tracer les grandes lignes de la Tunisie de demain. Ce projet restera donc pour révéler qu’il y avait une autre alternative, à part celle du président Saïed.
- Comment voyez-vous la solution ?
Je ne suis pas un prophète, ni un devin. Personne, donc, ne sait ce qu’il va advenir de la Tunisie de demain. Néanmoins et connaissant la personnalité du Président, Il y a plus de chance que les choses tournent mal.
Malheureusement, le Tunisien espère mais il ne voit pas plus loin que le bout de son nez et c’est justement pour cela que nous allons perdre la bataille du 25 juillet. Mais nous devons éviter de perdre la guerre et le combat doit continuer.