Le président russe, Vladimir Poutine, a proclamé hier que son armée combattait en Ukraine pour défendre «la patrie» face à la «menace inacceptable» que représente son voisin soutenu par l’Occident, devant des milliers de soldats russes défilant sur la place Rouge pour marquer l’anniversaire de la Victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie.
Peu auparavant, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, promettait de son côté que son pays ne laisserait pas Moscou «s’approprier la victoire sur le nazisme» et se disait confiant dans une victoire prochaine de l’Ukraine contre les forces russes.
Quant au président du Conseil européen, Charles Michel, en visite surprise à Odessa avec le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, il a dû rejoindre un abri en raison de frappes de missiles russes sur cette zone du sud de l’Ukraine. «Vous n’êtes pas seuls. L’UE est à vos côtés» face à l’«agression» russe, a-t-il dit aux Ukrainiens.
A Moscou, lors du défilé militaire sur la place Rouge, Vladimir Poutine a réitéré ses arguments au cours des commémorations de la victoire sur le nazisme. «Je m’adresse à nos forces armées : vous vous battez pour la patrie, pour son avenir», a-t-il lancé. Revenant sur sa décision de lancer ses forces en Ukraine le 24 février, il a répété que les autorités ukrainiennes préparaient une attaque contre des séparatistes prorusses dans l’est du pays, voulaient se doter de la bombe atomique et étaient soutenus par l’Otan. «Une menace absolument inacceptable se constituait, directement à nos frontières», a-t-il affirmé, accusant encore une fois son voisin de néonazisme.
Les forces de l’ordre, déployées sur le parcours du défilé à travers le centre-ville, portaient à l’épaule droite la lettre «Z», devenue un symbole des partisans de l’offensive en Ukraine, car elle orne les véhicules d’unités russes déployées dans le conflit. Loin de Moscou, dans le défilé de Novossibirsk, en Sibérie, des véhicules datant de la Seconde Guerre mondiale, frappés d’un Z, ont roulé à travers la ville.
«20 000 cercueils»
Après son discours, 11 000 soldats, des dizaines de véhicules, dont des lance-missiles stratégiques, des chars sont passés sur la place Rouge. Parmi eux, des unités revenant du front ukrainien. La partie aérienne a dû être annulée à cause d’une météo défavorable. Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, la traditionnelle parade du 9 mai célèbre autant la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie que la puissance russe retrouvée après l’humiliation de la chute de l’URSS. Le président russe s’efforce aussi de placer le conflit en Ukraine dans la droite ligne de 1945, qualifiant l’adversaire de néonazi.
Deux mois et demi après l’entrée des forces russes sur le territoire de leur voisin, les combats se concentrent dans l’est, la Russie ayant dû revoir à la baisse son ambition de prendre le pays et Kiev, sa capitale, face à la résistance acharnée des Ukrainiens, armés par les Occidentaux. «Poutine aurait mieux fait de faire participer des dizaines de soldats russes blessés à ce défilé en Russie», a ironisé Ievguen Ienine, Premier vice-ministre de l’Intérieur ukrainien, dans une vidéo postée sur le compte Telegram du ministère. «Ou bien de faire porter 20 000 cercueils à travers la place Rouge afin que les mères russes voient comment leurs fils sont morts ou ont été estropiés en Ukraine», a-t-il poursuivi.
Sirènes à Kiev
«Les pays de l’Otan n’avaient pas l’intention d’attaquer la Russie. L’Ukraine n’avait pas l’intention d’attaquer la Crimée. L’armée russe est en train de mourir non pas en défendant son pays, mais en essayant d’en occuper un autre», a déclaré Mikhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne dans un tweet en réponse aux arguments réitérés hier par Vladimir Poutine.
«Il n’y avait aucune raison rationnelle à cette guerre, à l’exception de douloureuses ambitions impériales de la Russie», a-t-il ajouté.
Sur le terrain hier, «des batailles très intenses se déroulaient autour de Roubijné et de Bilogorivka» dans la région de Lougansk, a indiqué le gouverneur Serguiï Gaïdaï.
«De féroces batailles font rage à Bilogorivka. L’aviation, l’artillerie et les mortiers y sont actifs. Beaucoup de combattants des deux côtés», décrit-il.
La Russie n’a jusqu’à présent pu revendiquer le contrôle complet que d’une ville d’importance, Kherson (sud), et l’offensive militaire que nombre d’experts prédisaient comme fulgurante a été marquée par des déconvenues, notamment logistiques.
Après avoir échoué aux portes de Kiev face à des forces ukrainiennes plus motivées que prévu et armées par les Occidentaux, l’état-major russe a dû revoir ses objectifs à la baisse en resserrant l’offensive sur l’est et le sud du pays.
A Marioupol, port du sud-est de l’Ukraine presque entièrement sous contrôle russe, les militaires ukrainiens qui résistent toujours dans l’immense aciérie Azovstal ont exclu de se rendre.
«Capituler n’est pas une option, car notre vie n’intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas», a déclaré dimanche Ilya Samoïlenko, un officier du renseignement.
LES SÉPARATISTES PRORUSSES DÉFILENT À MARIOUPOL POUR LE 9 MAI
Un gigantesque ruban de Saint-Georges, symbole patriotique russe, a été porté hier par les séparatistes prorusses à travers Marioupol, port ukrainien conquis presque entièrement par l’armée russe. La manifestation a eu lieu à l’occasion des célébrations du 9 Mai qui marquent la victoire sur les nazis en 1945. Le ruban aux rayures orange et noire est arboré depuis le début des années 2000 par des millions de Russes en souvenir des soldats soviétiques tombés face aux nazis. Une version de 300 mètres a été portée lundi dans Marioupol par un cortège conduit par le dirigeant séparatiste Denis Pouchiline, selon un message publié sur son compte de la messagerie Telegram. Une photo accompagnant la publication montre M. Pouchiline, tout sourire tenant le ruban géant avec des personnes présentées comme des habitants de la cité qui a connu les pires combats depuis le début de l’offensive russe contre l’Ukraine. M. Pouchiline arbore aussi sur sa veste un petit ruban de Saint-Georges en forme de lettre «Z», signe de reconnaissance des blindés russes devenu le symbole des partisans de l’offensive. «Ensemble avec des habitants de Marioupol, aujourd’hui, le Jour de la Victoire, nous avons porté un immense ruban de Saint-Georges, de 300 mètres de long», a écrit M. Pouchiline.
Marioupol, grande ville portuaire du sud-est de l’Ukraine, est presque totalement sous le contrôle des forces russes, qui affrontent désormais les derniers défenseurs ukrainiens retranchés dans une vaste aciérie, Azovstal. Après plusieurs semaines d’un siège meurtrier, la ville est en grande partie détruite.