Comme chaque année depuis 2972 ans, Yennayer, ce qui signifie en berbère le premier mois de l’année, pointe son nez en cette période correspondant au 12 janvier. Une date pour interpeller, par essence, chaque individu sur son bilan annuel en vue d’améliorer ses performances à l’avenir, avant de chapeauter la fête par un dîner convivial autour d’un repas copieux et parfois réconciliateur.
Une tradition calquée à l’identique sur la 22e dynastie pharaonique sous le règne du roi Chachnaq, intronisé en l’an 950 av. J.-C., qui, pour tenir tête à ses rivaux, procéda à chaque Yennayer à l’organisation d’un dîner spécialement préparé à la viande de coq, symbole de virilité, mais aussi de ponctualité, du fait que c’est cette bête qui réveille les gens pour aller au travail, et donc pour ne pas sombrer dans le besoin et la précarité. Yennayer est un événement hautement symbolique, ancré dans la mémoire collective de notre société et célébré comme il se doit dans les us et coutumes de chaque région, avec comme objectif de consolider la cohésion sociale tout en s’inspirant de la persévérance des ancêtres pour mieux se projeter dans l’avenir.
Dans les quatre coins de la wilaya de Bordj Bou Arréridj, Yennayer est fêté différemment, mais l’esprit est toujours le même. Au sud, comme à l’est, à l’ouest au nord, les habitants gardent jusqu’à nos jours les traditions héritées depuis des millénaires qui leur permettaient l’autonomie économique. Ils procédaient au crépissage des maisons anciennes, tondage des bêtes et la construction de nouveaux récipients en argile sans se passer du repas annuel convivial.
Habituellement, avant la crise sanitaire, Yennayer était célébré comme il se doit, avec des conférences-débats, des expositions matérielles et immatérielles, des activités culturelles. Cette année, le programme a été réduit pour éviter d’éventuelles contaminations. En dehors des visites de courtoisie chez d’anciens moudjahidine et le recueillement dans les cimetières des martyrs, n’empêche que certaines bourgades ont bénéficié, en cette nouvelle année, de projets de développement.
Un réservoir d’eau de 4000 m3 a été mis en service à Tafighout, dans la daïra de Djaâfra, pour alimenter les communes de Colla, Djaâfra et Theniet Ennasr. Le projet d’un autre réservoir de 1000 m3 à Ath Khelifa a été lancé. Une centaine de foyers à Bounda, dans la même daïra, ont été raccordés au réseau du gaz et l’inauguration du tronçon routier reliant la RN 5 et la RN 106, à la périphérie nord de Bordj Bou Arréridj.
Pour la célébration de Yennayer, des bœufs sont, comme à l’accoutumée, sacrifiés dans les différentes régions des Bibans, dans une opération appelée «Timechrat». Riches comme pauvres, tout le monde met la main à la poche, mais aussi à la pâte pour l’achat des bêtes à sacrifier et distribuer ensuite à tous, sans exception, des rations de viande et d’abats, suivant les membres de la famille. Histoire de faire disparaître le creux social, ne serait-ce que l’espace d’une fête. Tel est l’esprit de Yennayer par essence.