Le mouvement sportif est sur le point de vivre des moments difficiles, à l’occasion des prochains Jeux olympiques de Paris 2024, dans un contexte de tension politique matérialisé notamment par les conflits guerriers en Ukraine et à Ghaza. Le CIO (Comité international olympique), qui gère ces événements sportifs, a inscrit, dans sa charte, la nécessité de protéger le sport des manipulations et turpitudes politiques, allant même jusqu’à exiger la non-ingérence des Etats dans la gestion des institutions et mouvements sportifs nationaux.
Cette décision prise sur la base d’une autonomie financière des instances internationales et nationales européennes principalement, grâce au sponsoring des entreprises économiques privées, a été généralisée, sans tenir compte de la dépendance matérielle de nombreuses fédérations sportives nationales vis-à-vis de leurs gouvernements respectifs. Cette situation engendre des relations conflictuelles, au niveau de nombreux pays où le sport en général, le football en particulier, constitue un moyen de manipulation des foules et de contrôle de la stabilité sociale.
Les instances sportives mondiales (CIO et FIFA particulièrement), qui ont inscrit dans leurs chartes et règlements respectifs la neutralité politique du mouvement sportif pour permettre à ce dernier de favoriser et encourager le rapprochement et le respect intercommunautaires, ont, malheureusement, violé ce pacte éthique et moral à travers des positions discriminatoires.
Le conflit russo-ukrainien et la barbarie guerrière imposée au peuple palestinien ont démontré l’absence totale de neutralité politique des dirigeants sportifs internationaux, encouragée par le silence complice des instances sportives nationales, dont les responsables sont davantage préoccupés par leurs ambitions personnelles. L’interdiction de participation aux Jeux olympiques, formulée à l’égard des athlètes russes, alors que ceux de l’Ukraine y sont invités et chaleureusement encouragés, témoigne d’une prise de position flagrante des instances organisatrices de ces Jeux, dans une confrontation éminemment politique, violant ainsi leurs propres chartes et règlements. Ces mêmes instances manifestent une scandaleuse indulgence à l’égard de l’Etat sioniste qui mène une guerre honteuse et barbare contre un peuple démuni, sans faire de distinction d’âge ou de sexe, en permettant à ses athlètes de participer aux prochains Jeux olympiques.
Pourquoi cette discrimination immorale ? N’aurait-il pas été plus simple et conforme à la Charte olympique de permettre la participation de toutes les nations, en espérant l’apaisement par le rapprochement de tous les pratiquants ? Les organisateurs de ces joutes sportives ne sont-ils pas conscients que le traitement discriminatoire favorise les tensions et discrédite totalement l’esprit olympique ? La Russie, privée de la participation de ses athlètes aux prochains JO de Paris, envisagerait la programmation de jeux sportifs, dits de l’amitié, sur le schéma des joutes olympiques.
Ce projet pourrait mettre dans la gêne les nations sympathisantes de Moscou qui risqueraient des sanctions du CIO en cas de participation, ou de froideur relationnelle avec le pays de Poutine en cas de boycott. Les instances sportives mondiales, qui exigent la non-ingérence de la politique dans le mouvement sportif, gagneraient à respecter ce même principe, en ne s’impliquant pas dans la politique. Elles pourraient ainsi poursuivre la noble mission de rapprochement des populations et de contribution à la promotion de la paix dans le monde. Les associations olympiques, notamment au niveau continental, devraient unir leurs forces pour imposer au CIO l’obligation de respecter sa propre charte. Dans le cas contraire, le code éthique et moral devrait conduire au boycott des JO de Paris 2024, car aucune médaille ne saurait faire oublier les vies innocentes arrachées aux familles, par les guerres de domination.
Les instances sportives nationales, particulièrement les Comités olympiques nationaux, ont le devoir moral et statutaire de sortir de leur mutisme complice en exigeant de la tutelle internationale le respect de la Charte olympique et de la neutralité politique. Dans le cas contraire, l’histoire les condamnera et retiendra que pour leurs dirigeants respectifs, la gestion d’ambitions personnelles prévaut sur celle de l’éthique et de la dignité.
Par le Pr Rachid Hanifi , Ancien président du Comité olympique algérien