La Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le déploiement de blindés de la gendarmerie pour faire face aux violences. L’ONU a demandé hier à la France de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l’ordre.
Nahel M., 17 ans, jeune adolescent d’origine algérienne, est tué à bout portant, mardi, lors d’un contrôle routier mené par deux motards de la police à Nanterre, près de Paris. Il était au volant d’une voiture lorsque l’un des motards a ouvert le feu sur lui arguant, plus tard, un «refus d’obtempérer». La mort du jeune homme a provoqué une vague d’indignation en France et déclenché de violentes émeutes dans plusieurs régions. Depuis, c’est l’embrasement dans les banlieues françaises, où la question du racisme au sein de ses forces de l’ordre resurgit de la manière la plus tragique.
Le président français, Emmanuel Macron, a dû quitter prématurément, hier dans la matinée, le sommet européen de Bruxelles pour superviser une réunion du comité interministériel de crise. Il a annoncé, lors de cette réunion, que «des moyens supplémentaires» allaient être déployés par le ministre de l’Intérieur après trois nuits d’émeutes urbaines dans presque tout le territoire français, selon des médias. Il a, par ailleurs, appelé «tous les parents à la responsabilité» et a également demandé aux réseaux sociaux le «retrait» de contenus et l’identification d’utilisateurs liés à ces violences urbaines.
Il a aussi dit attendre un «esprit de responsabilité» des grandes plateformes des réseaux sociaux, citant notamment Snapchat et Tik Tok, où, selon lui, s’organisent «des rassemblements violents» et qui suscitent «aussi une forme de mimétisme de la violence, ce qui conduit chez les plus jeunes à une forme de sortie du réel». «On a le sentiment parfois que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués», a-t-il estimé.
La Première ministre française, Elisabeth Borne, a, de son côté, annoncé le déploiement de blindés de la gendarmerie pour faire face aux violences. Des «forces mobiles supplémentaires» vont en outre être déployées, a-t-elle indiqué, ajoutant que des «événements de grande ampleur mobilisant des effectifs et pouvant présenter des risques d’ordre public en fonction des situations locales» seraient annulés. Et, dans les rues des villes françaises, les dégâts provoqués par de jeunes émeutiers sont importants.
2000 véhicules brûlés, 875 interpellations
Radio France Inter, citant un bilan du ministère français de l’Intérieur, actualisé hier à la mi-journée, a fait état de 875 personnes interpellées dans toute la France dans la nuit de jeudi à hier, dont 408 à Paris et en proche banlieue. Au total, 2000 véhicules ont été brûlés et 3880 incendies de voie publique ont été allumés la nuit dernière (jeudi, ndlr), a ajouté la même source. Aussi, 39 locaux de la police nationale, 24 locaux de la police municipale et 16 casernes de gendarmerie ont été attaqués, ainsi que 119 bâtiments publics (dont 34 mairies et 28 écoles). En Île-de-France, trois villes avaient mis en place un couvre-feu : Clamart dans les Hauts-de-Seine, Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) et Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis).
Ailleurs, «quasiment toutes les communes» de Seine-Saint-Denis ont été touchées, selon une source policière, avec de nombreux pillages dans des centres commerciaux, notamment à Drancy, où les émeutiers ont utilisé un camion pour forcer l’entrée d’un centre commercial. Mais c’est Nanterre qui reste l’épicentre des violences : une agence bancaire y a été incendiée, des bâtiments publics, des écoles et un centre des impôts y ont été pris pour cible. Le cœur de Paris a également été visé : au moins deux boutiques ont été vandalisées dans le quartier des Halles. Plus en périphérie, des voitures ont été incendiées le long du tramway, entre la Porte de Vanves et la Cité internationale universitaire, dans le 14e arrondissement.
D’autres villes en France ont été le théâtre de manifestations de rue : Lille, Roubaix, Rouen, le Havre, Nantes, Metz, Pau, Marseille, Poitiers, Amiens, Reims, Charleville-Mézières, Strasbourg, Nîmes ou encore Annecy.
Jeudi dernier, le policier auteur du coup de feu a été inculpé pour «homicide volontaire» et placé en détention provisoire. Dans la matinée, le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache, avait indiqué que le parquet considérait que «les conditions légales d’usage de l’arme» de l’auteur du tir n’étaient «pas réunies».
«Discrimination raciale»
La disparition tragique de Nahel a fait réagir plusieurs personnalités, qui ont apporté leur soutien à la famille. Le footballeur Kylian Mbappé a déploré une situation «inacceptable», alors que l’acteur Omar Sy a réclamé à ce qu’une «justice digne de ce nom» soit rendue. Une marche blanche en mémoire de la victime avait rassemblé, jeudi, 6200 personnes à Nanterre. Avant l’incident de mardi, plusieurs affaires de violences policières ont éclaté en France grâce à des vidéos, souvent d’amateurs, contredisant les déclarations des policiers.
Diffusées moins de deux heures après le tir qui a atteint Nahel au thorax, les images du contrôle routier ont pratiquement changé le cours de l’enquête. Virale et rapidement authentifiée, la vidéo montre le policier situé sur le côté du véhicule conduit par Nahel faire feu lorsqu’il redémarre, alors que des sources policières avaient d’abord affirmé que l’adolescent avait foncé sur les forces de l’ordre.
La mort du jeune Nahel a, par ailleurs, provoqué des réactions de plusieurs pays, dont certains – la Grande-Bretagne – ont mis en garde leurs ressortissants contre les émeutes. L’Organisation des Nations unies (ONU) a, quant à elle, demandé hier à la France de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l’ordre. «C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre», a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Après trois nuits d’émeutes un peu partout en France, qui ont occasionné d’importants dégâts matériels, «nous appelons les autorités à garantir que le recours à la force par la police pour s’attaquer aux éléments violents lors des manifestations respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité», a souligné la porte-parole. Les obsèques de Nahel sont prévues aujourd’hui, a indiqué Patrick Jarry, le maire de Nanterre.
L’Algérie suit avec «une très grande attention» les développements de cette «affaire tragique»
Le gouvernement algérien continue à suivre avec «une très grande attention» les développements de l’affaire de la disparition «brutale et tragique» du jeune Nahel en France, a indiqué jeudi le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger. «Le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a appris avec choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel et les circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes dans lesquelles elle est intervenue», lit-on dans un communiqué du ministère. Il a exprimé «ses très sincères condoléances à la famille du défunt et l’assure que son deuil et sa peine sont largement partagés» en Algérie, a-t-on ajouté de même source.
Le ministère dit «faire confiance au gouvernement français à assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil». Il a assuré que le gouvernement algérien continuait à suivre avec «une très grande attention» les développements de cette «affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve». R. N.