A la faveur du soutien de plus en plus fervent affiché à l’égard de la population civile de Ghaza et, par ricochet, envers la cause palestinienne, l’idée de reconnaissance de l’Etat de Palestine (qui a vu le jour à Alger en 1988) est en train de faire son chemin en gagnant de plus en plus de terrain à l’échelle mondiale.
Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU s’est décidé enfin à réagir après plus de cinq mois de massacres et à appeler à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza, un véritable front diplomatique est en train de se constituer sur la scène internationale pour élever le niveau des revendications entourant la question palestinienne.
Ce front diplomatique gagne de plus en plus de terrain à la faveur de l’élan de sympathie auquel l’on assiste à l’échelle mondiale envers les Palestiniens.
Un peu partout, en effet, les sociétés civiles et les opinions publiques, y compris dans les capitales occidentales, montent au créneau pour dénoncer les crimes de masse perpétrés chaque jour contre la population civile de Ghaza, et dont la preuve la plus irréfutable est le massacre de plus de 13 000 enfants et adolescents depuis le 7 octobre, selon les chiffres de l’Unicef.
Et au-delà de l’émotion, cet élan de sympathie se traduit désormais par une volonté de plus en plus affirmée d’aller vers un règlement définitif de la question palestinienne en la posant enfin comme un problème d’autodétermination et ne pas se limiter à décréter un cessez-le-feu à Ghaza en réduisant la question palestinienne exclusivement à la séquence du 7 octobre et ses retombées humanitaires.
Un «horizon politique» pour les Palestiniens
De fait, il se dessine ces derniers temps comme un «horizon politique» pour les Palestiniens. Comme un désir d’en découdre politiquement. Et de la part de la «communauté internationale», il y a un début d’évolution dans le sens d’une relance du «processus de paix» sur les décombres d’Oslo. Bien sûr, il est trop tôt pour en cerner les contours.
Les boucheries se poursuivent à Ghaza, il ne faut pas l’oublier. Mais des voix, de plus en plus de voix, s’élèvent pour dire «ça suffit !», et de plus en plus de voix militent pour une paix durable en Palestine, au-delà du cessez-le-feu dans la bande de Ghaza. Et cela passe par la mise en œuvre d’une solution à deux Etats, insistent ces bonnes volontés. Même les Etats-Unis se mettent à y croire et même à le prêcher.
Dans cet esprit, l’idée de reconnaissance de l’Etat de Palestine est en train de faire son chemin en gagnant de plus en plus de soutiens. Parmi les derniers renforts gagnés à cette cause, quatre membres de l’UE. En marge du dernier sommet européen qui s’est tenu les 21 et 22 mars à Bruxelles, les dirigeants de l’Espagne, de l’Irlande, de la Slovénie et de la République de Malte, se sont dits prêts à reconnaître l’Etat palestinien.
«Les dirigeants des quatre pays se sont réunis en marge d’un sommet à Bruxelles vendredi pour ‘‘discuter de leur volonté de reconnaître la Palestine’’», rapporte, en effet, Euronews sur son site officiel. «Nous sommes d’accord pour dire que le seul moyen de parvenir à une paix durable et à la stabilité dans la région est de mettre en œuvre une solution à deux Etats, avec des Etats israélien et palestinien vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité», ont-ils fait savoir à travers une déclaration commune.
Les dirigeants de ces quatre pays ont toutefois précisé que cette reconnaissance se fera «lorsque cela pourra apporter une contribution positive et que les circonstances y seront propices», indique l’agence turque Anadolu.
Mais cela n’enlève rien au fait que, sur le principe, la reconnaissance de l’Etat de Palestine pour eux est acquise, et sa traduction effective en termes diplomatiques et procéduraux est juste une question de temps.
A ces quatre pays s’ajoute la Belgique qui est dans les mêmes dispositions. Commentant la déclaration commune du quatuor suscité, la cheffe de la diplomatie belge, Hadja Lahbib, a déclaré ce mardi, selon des propos rapportés par le quotidien belge Le Soir : «Il y a un plus grand nombre de like-minded que ces quatre pays.
Nous sommes quasi au même stade. Ce sont quasi les mêmes termes que ceux que nous utilisons dans l’accord de gouvernement». Et d’affirmer avec conviction : «Bien sûr, cette reconnaissance (d’un Etat palestinien, ndlr) viendra.» Interrogée par l’agence Anadolu, elle confirme : «Nous avons un accord qui va dans ce sens (reconnaissance d’un Etat palestinien) entre les administrations régionales en Belgique.
Nous l’envisageons sérieusement.» Mme Lahbib a souligné que «le gouvernement fédéral belge attendait le ‘‘bon moment’’ pour reconnaître l’Etat de Palestine» explique Anadolu. «Si la Belgique seule reconnaît l’Etat palestinien, il n’en résultera qu’une déclaration symbolique.
C’est pourquoi je suis disposée à accueillir une conférence qui relancera les négociations politiques, une conférence de paix qui débouchera sur une solution à deux Etats», a suggéré la cheffe de la diplomatie belge.
«La Déclaration d’indépendance» rédigée par Mahmoud Darwich
Euronews précise que l’Union européenne «soutient la solution dite à deux Etats, mais elle n’a pas encore soutenu unanimement la reconnaissance d’un Etat palestinien».
«Depuis le début de la guerre à Ghaza, l’Irlande et l’Espagne ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté de reconnaître la Palestine et ont été les fers de lance des efforts visant à durcir la position de l’UE à l’égard d’Israël face au nombre de victimes des combats dans l’enclave palestinienne», relève le média européen.
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, avait déclaré dès le mois de novembre qu’il «ferait de la reconnaissance du statut d’Etat palestinien sa principale priorité en termes de politique étrangère», indique la même source. Il convient de noter également la position courageuse de l’Espagne dans «l’affaire de l’Unrwa».
Alors que plusieurs pays donateurs ont coupé les vivres à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens suite aux allégations israéliennes l’accusant d’abriter des «terroristes», l’Espagne a assuré qu’elle maintenait sa contribution au financement de l’Unrwa. Récemment, le gouvernement espagnol a même annoncé qu’il allouait une aide supplémentaire de 20 millions d’euros à l’agence dirigée par Philippe Lazzarini.
L’Irlande est également connue pour son engagement indéfectible dans la défense de la cause palestinienne. A telle enseigne que d’aucuns tiennent le pays de James Joyce pour le plus pro-palestinien des membres de l’UE. Il faut savoir que «dès 1980, l’Irlande avait appelé à la création d’un Etat palestinien», écrit l’agence Anadolu (dépêche du 18 octobre 2023).
Il convient de rappeler que c’est à Alger que l’Etat de Palestine a été proclamé. C’était le 15 novembre 1988 à l’occasion de la tenue de la 19e session extraordinaire du Conseil national palestinien, dans la foulée de la Première intifadha qui s’était déclenchée le 9 décembre 1987.
La «Déclaration d’indépendance» avait été rédigée par Mahmoud Darwich et lue par Yasser Arafat. Elle a été traduite en français par Elias Sanbar et en anglais par Edward Said.
Extrait : «Aujourd’hui, nos cœurs sont illuminés par la flamme de l’Intifadha, par la grandeur de ceux qui ont mené la résistance dans les camps, qui ont supporté la dispersion et l’exil, et de ceux qui lèvent l’étendard de la liberté : nos enfants, nos vieillards, notre jeunesse, nos prisonniers, nos blessés, tous accrochés à notre terre sacrée, dans chaque camp, dans chaque village, chaque ville.
Nous rendons hommage à la femme palestinienne, héroïque gardienne de notre pérennité et de notre existence, et du feu qui nous anime. Devant nos martyrs, devant notre peuple palestinien dans sa totalité, devant notre nation arabe et devant tous les hommes épris de paix et de dignité dans le monde, nous faisons le serment de poursuivre la lutte pour mettre fin à l’occupation, établir notre souveraineté et notre indépendance.»