Il y a quelques jours, des photos montrant le massacre d’un loup doré font le tour des réseaux sociaux. S’il est difficile de déterminer la date exacte ainsi que le lieu du drame, les chercheurs assurent tout de même que les faits sont réels et les massacres récurrents.
Malheureusement, ce massacre n’est pas isolé. Il y en a bien eu d’autres, encore plus massifs par le passé», se désole le chercheur. A cet effet, il ajoute : «Il y a 3 mois de cela, un ami m’a signalé un abattage de loups par des chasseurs professionnels.» Reste encore à déterminer s’il s’agit du loup doré ou du loup dit «standard».
Pour Ahmed Eddine, enseignant chercheur à la faculté des sciences de la nature et de la vie de l’université de Sétif et auteur d’une thèse de doctorat sur l’éco-éthologie et diversité génétique du loup doré d’Afrique en Algérie, le loup doré est une espèce qui occupe tout le Nord du continent africain.
«Le loup doré et le loup gris sont deux espèces systématiquement différentes. «D’ailleurs, les analyses moléculaires qu’on a faites ont montré que ces deux dernières sont des taxons sœurs. Auparavant, les chercheurs ont considéré que le loup doré est proche du chacal doré (d’Eur-asie) que du loup gris (d’Europe) mais les analyses moléculaires ont montré l’inverse.
Avant 2015, on a considéré l’existence des deux espèces en Algérie (loup doré et chacal doré) mais actuellement on compte qu’une seule, celle du loup doré d’Afrique», ajoute-il. De son côté, M. Ahmim estime que jusqu’à un certain temps, on pensait qu’on avait le chacal doré Canis aureus en Algérie, mais avec l’avènement d’une nouvelle spécialité qu’est la génétique moléculaire, qui s’intéresse au génome des espèces, il y a eu un chamboulement total concernant certaines espèces. Et c’est justement ce qu’il s’est passé pour le chacal.
«Des études récentes faites par un chercheur français d’abord ont montré que nous avons Canis lupaster à la place de Canis aureus. Et en 2015, une étude d’envergure effectuée par un panel de chercheurs conduit par Koepfli a démontré que finalement l’espèce que nous avons en Algérie est le loup doré ou Canis anthus», précise-t-il. Toutefois, le chercheur reste persuadé que l’Algérie compte deux espèces de Canidés «et nous sommes en train de travailler dessus», confie-t-il.
De son côté, Ahmed Eddine explique que le loup doré d’Afrique est une espèce emblématique, notamment d’un point de vue systématique où il a connu de nombreuses nominations scientifique à travers son aire de répartition (Canis aureus, C. aureus lupaster, C. lupus lupaster, C. lupaster et C. anthus). A noter que l’appellation scientifique adoptée actuellement est C. lupaster.
«Cette espèce fait fasse, depuis longtemps, à une grave persécution qui menace sa population. Et d’après les fermiers et les chasseurs, la raison de cette persécution est les attaques des loups à la faune domestique mais également les dégâts causés pour certains produits agricoles», poursuit-il.
A cet effet, le chercheur explique : «L’étude du régime alimentaire qu’on a fait a montré la présence d’une part de la faune domestique dans le spectre alimentaire du loup dans la région de Tlemcen.» Toutefois, le chercheur reste persuadé que la grande partie de cette proportion (faune domestique) a été prélevé auprès des décharges. «Nous avons d’ailleurs rencontré des chasseurs ‘‘illégaux’’ qui nous ont confié qu’ils tuaient les loups beaucoup plus pour le plaisir que pour défendre les propriétés», ajoute-t-il.
Drame
Si, pour l’heure, le loup ne fait pas partie de la liste des animaux en voie d’extinction, cela pourrait bien changer si ces massacres s’intensifient. Et cela constituerait un drame. En effet, de nombreuses études démontrent que la présence du loup est hautement bénéfique pour les écosystèmes. «Le loup est un carnivore, ce qui fait de lui un prédateur», explique M. Ahmim.
Il s’agit d’un mesopredateur, qui est un prédateur de taille moyenne qui se trouve au milieu de la chaîne trophique, prédatant généralement des petits animaux, y compris des insectes. Autrement dit, chaque espèce a un rôle dans son écosystème, et celui des loups en Algérie est la régulation des populations des proies. «Ils sont généralement omnivores et prédatés par les superprédateurs, qui régulent l’abondance de leurs populations. Chez nous, il n’a pas de prédateurs vu l’absence de grands carnivores d’où ses effectifs assez importants», précise-t-il.
«L’extinction du loup en tant que mesopredateur induirait la prolifération de ses proies telles que les rats, les mulots, des insectes et beaucoup d’autres animaux de petite taille et cela engendrerait beaucoup de désagréments et aussi une éventuelle apparition de maladies émergentes qui vont être dorénavant un fléau mondial», prévient le spécialiste.
Un avis largement partagé par M. Ahmed Eddine qui confirme que l’extinction des loups conduira à un déséquilibre énorme dans la chaîne trophique qui se traduira par la pullulation de nombreuses espèces de ravageurs des cultures.
Plus loin encore, un phénomène que l’on appelle une cascade trophique se produit dans les endroits privés de grands prédateurs, comme les loups. Cela a d’ailleurs été observé dans plusieurs parcs nationaux aux États-Unis et au Canada.
En l’absence de prédateurs, une chaîne d’événements se produit dans l’écosystème, affectant la végétation et plusieurs autres animaux, et provoquant des déséquilibres d’habitat. L’absence de loups a entraîné une augmentation des cerfs. Tous ces éléments affectent grandement la végétation. Et justement, la perte de végétation peut entraîner le déclin de plusieurs autres espèces importantes pour l’écosystème, comme les castors et les oiseaux.
Celles-ci sont impactées négativement par la concurrence avec les grands herbivores, qui consomment de grandes quantités de ressources végétales. Si les loups ne figurent pas dans la liste des espèces protégées par décret, M. Eddine affirme que «l’un de nos objectifs de recherche actuellement est de fournir des arguments solides pour développer une stratégie de gestion et de conservation de cette espèce après avoir listé cette espèce dans liste des espèces non domestiques protégées».
Et dans le but d’assurer sa protection, M. Ahmim propose tout d’abord de lui changer de statut. «Il paraît que le loup est considéré comme une espèce qui peut être tirée par les chasseurs et cela doit changer.» En second lieu, le chercheur recommande de faire un travail d’approche, surtout auprès des éleveurs et leur expliquer que le loup est un animal sauvage qu’on peut faire fuir au lieu de l’abattre. A titre d’exemple : ces derniers doivent avoir des chiens accompagnateurs qui feront en sorte que le loup ne se rapproche pas des troupeaux.
Selon lui, il y a aussi un grand travail à faire concernant la protection de la faune sauvage forestière, surtout celle qui constitue la nourriture des loups, car malheureusement l’homme a soit abattu, soit empoisonné la grande majorité des petits mammifères qui sont les proies du loup, et de ce fait il ne va pas sortir de la forêt pour s’attaquer au bétail. Les pays européens ont trouvé des solutions concernant le loup, alors pourquoi pas nous ?