De plus en plus accros au café, les Algériens le sont bel et bien. Si en Europe, la Finlande demeure le premier gros consommateur, l’Algérie est, elle aussi, en voie de trôner sur le marché africain de la consommation. Les données de l’Organisation internationale du café (OIC) le confirment.
Par ordre d’importance, si dans le monde quelque 175,6 millions de sacs (Ms) – 1 sac équivaut à 60 kg – ont été consommés au cours de la campagne 2021/2022, sur le continent noir en revanche, où près de 13 Ms, seuil inédit devant être franchi en 2023, c’est notre pays qui occupe la deuxième place après l’Ethiopie. Il est suivi par l’Egypte, le Maroc, l’Afrique du Sud et la Tunisie. Les six pays pesant, à eux seuls, environ 75% du volume total bu, fait ressortir Coffee Report and Outlook (CRO), le nouveau rapport de l’OIC, organisation intergouvernementale, basée à Londres.
Dans les détails, y est-il indiqué, chaque adulte algérien consomme 3 à 4 kg de café, bon an mal an, soit le quasi même volume que le consommateur français ou américain, contre 5,8 kg pour les Libanais, les leaders dans le monde arabe. Avec 7,4 kg, la Finlande demeure à la tête du peloton mondial, suivie par les Pays-Bas (7,3 kg), la Suède (6,9 kg), la Norvège (6,1 kg), le Canada (5,7 kg), le Brésil (5,6 kg), l’Allemagne (4,8 kg), la Belgique (4,65 kg), l’Italie (4,4 kg) et le trio Suisse/Estonie/Portugal avec 4,1 kg. Globalement, les rapporteurs de l’OIC, où siègent, sous la supervision de l’ONU, 43 pays exportateurs et 7 pays importateurs, représentant respectivement 98% de la production et plus de 83% de la consommation mondiales de café, feront remarquer que, considérant la dynamique croissante notable y étant affichée ces quelques dernières années – hausse constante de plus de 2,6%/an, en moyenne, depuis 2017/2018 –, le continent, qui produit plus de 19 Ms, environ 11,4% de parts sur le marché caféier mondial, est en passe de talonner l’Europe et l’Amérique, dont la consommation est historiquement l’apanage.
Revenant à l’Algérie, toujours selon le même document, pas moins 130 000 tonnes de grains de café, d’une valeur d’environ 300 millions de dollars, sont annuellement importées. Le Robusta y représente plus de 85% de la valeur totale. Les fournisseurs du marché national étant principalement la Côte d’Ivoire, l’Indonésie, le Brésil, l’Italie, l’Ouganda et le Vietnam. Néanmoins, depuis bien des années, nos importations sont dominées par ce dernier pays.
En effet, outre l’Europe, les Etats-Unis, la Russie, le Japon et le Royaume-Uni, l’Algérie compte parmi les dix plus grands clients du Vietnam. En 2021, nos achats de café sur ce marché étaient de l’ordre de 56 545 tonnes, l’équivalent de près de 100 millions de dollars. Deuxième exportateur mondial – 14,2% de parts de marché –, le Vietnam, fort de plus de ses 700 000 hectares de caféiculture, fournit au total plus de 80 pays et territoires. Le café est aussi l’un des six produits phares d’exportation du pays, générant un chiffre d’affaires de plus de trois milliards de dollars/an.
A noter que conformément à la législation douanière algérienne, les importations de café sont soumises à des droits de douane se situant autour de 63%, dont 30% de taxe à l’importation, 19% de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et 10% de taxe intérieure de consommation (TIC). Aussi, n’est autorisée à l’importation que la matière première, c’est-à-dire les grains de café. Très tatillonne, la loi exige des critères stricts au café torréfié et transformé. Par exemple, «la proportion de sucre ne doit pas être supérieure à 3% de la quantité de café torréfié et la teneur en eau ou en humidité inférieure à 12,5%». Est, par contre, toléré «le mélange de différents types de café (Arabica/Robusta) et du café d’autres pays, comme le Brésil, la Colombie, le Vietnam…».
C’est dire qu’en matière caféière, les pratiques frauduleuses à l’importation seraient, semble-t-il, ainsi révolues. Car sous l’avènement de la démonopolisation précipitée du commerce extérieur, ces pratiques s’étaient confortablement installées, et ce, grâce aux magnats de l’import/import, qui avaient émergé au milieu des années 1990 et qui s’étaient allègrement sucrés en multipliant les transactions commerciales douteuses à l’étranger, en Asie surtout. L’histoire du navire rentré du Vietnam avec à son bord des lots de pneus usagés n’est pas près d’être oubliée par les anciens «cnaniens».
Après une laborieuse «croisière» qui aura duré plus de quatre longs mois et plusieurs escales, un navire de la défunte CNAN, initialement attendu dans un autre pays d’un tout autre continent et censé transporter du café, finira par accoster, sur ordre venant d’en haut, dans un port vietnamien. Pas que : sur les quais, le commandant et les membres de l’équipage furent interloqués en voyant les manutentionnaires dudit port procéder au chargement de… pneus usagés en lieu et place d’une cargaison de café pour laquelle le bateau fut affrété.
Désorientés, ils seront enjoints par leurs responsables hiérarchiques de s’y soumettre et d’exécuter les instructions. Les questions que d’aucuns se posent toujours : par qui fut commandée la cargaison, par quel intermédiaire fut négociée puis effectuée la transaction (en millions de dollars) et au profit de qui fut-elle conclue ? Personne ne le saura, le «marché» relevant, semble-t-il, des «secrets inavouables», que les Indochinois savent respecter scrupuleusement aussi.