La guerre en Ukraine ressemble de plus en plus à un piège dans lequel le Kremlin s’est précipité de tomber, il y a une année. Il est pratiquement impossible aujourd’hui d’évaluer les avancées de l’armée russe sur le terrain, l’état réel des rapports de forces opérationnelles, ou pronostiquer une issue au conflit à court ou moyen terme. Sur le plan diplomatique, également, il y a quand même très peu de victoires à revendiquer côté russe.
L’objectif premier de la guerre, celui de sécuriser le périmètre stratégique de la Fédération de Russie en mettant un frein aux élans expansionnistes de l’Otan, semble en tout cas loin d’atteinte aujourd’hui. L’adhésion toute récente de la Finlande à l’Organisation, symbole de la puissance de frappe occidentale, est le signe que la stratégie offensive de Poutine peut produire des effets contraires à ceux recherchés.
Les 1340 kilomètres de frontières terrestres qui séparent la Finlande de la Russie viennent donc officiellement s’ajouter à la liste des soucis que doit gérer le ministère de la Défense russe, et Dieu sait qu’il s’en serait bien passé avec ce que lui coûte le bourbier ukrainien, depuis une année.
«C’est une nouvelle aggravation de la situation. L’élargissement de l’Otan est une atteinte à notre sécurité et aux intérêts nationaux russes», a réagi le porte-parole du Kremlin juste après l’annonce de l’adhésion, mardi dernier.
Le même responsable a annoncé des «mesures» qui seront prises en fonction «des comptes-rendus qu’établira l’armée», évidemment un renforcement des capacités militaires sur ce nouveau front de dissuasion. «Le président Poutine a fait la guerre à l’Ukraine avec l’objectif clair d’obtenir moins d’Otan. Il a l’exact inverse», exulte, quant à lui, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan.
La Suède, autre Etat européen jusqu’ici fortement attaché à sa neutralité historique dans les conflits armés, exprime un intérêt impérieux pour une adhésion à l’Organisation transatlantique aux fins de bénéficier de son bouclier dissuasif. Là aussi, la gâchette facile dont on accuse Vladimir Poutine, depuis l’Ukraine, est avancée comme principale motivation de ce revirement stratégique du royaume suédois.
Une fois levées les réserves turques, et elles seront levées puisque les Etats-Unis y tiennent beaucoup, l’adhésion de la Suède portera à 32 les pays membres de l’Otan.
Mais il n’y a pas que cela. La guerre menée par Poutine en Ukraine semble avoir un autre effet «bénéfique» sur l’Alliance. Celui d’inhiber quelques velléités européennes de contester le statu quo organique au sein de l’Organisation, marqué, pense-t-on, par un abusif leadership américain.
Des voix s’élèvent depuis des années pour revendiquer une plus grande autonomie de décision pour les pays européens membres. La France œuvre ainsi, plus ou moins ouvertement, pour une «Europe de la défense, souveraine et complémentaire de l’Otan».
Moins d’une année avant la guerre en Ukraine, en 2021, Emmanuel Macron avait sévèrement diagnostiqué une «mort cérébrale» de l’Otan, après l’opération militaire, non concertée avec les autres membres, de la Turquie en Syrie. «Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des Etats-Unis avec les partenaires de l’Otan», avait encore déploré le président français.
C’est dire si les choses n’allaient pas pour le mieux.
Il y a ensuite le passage de Donald Trump à la Maison-Blanche et son effet calamiteux sur l’atmosphère dans les couloirs et les bureaux de l’Organisation. L’ancien président américain traitait ses alliés européens de «mauvais payeurs» et d'«arnaqueurs» manquant à leurs obligations financières en tant que membres de l’Alliance. Rien qui pouvait souder les rangs en somme.
Tout cela semble enterré aujourd’hui, ou du moins mis de côté, face à la gravité de la «menace» russe. «Quand Poutine a lancé sa brutale guerre d’agression contre le peuple ukrainien, il pensait pouvoir diviser l’Europe et l’Otan.
Il avait tort. Aujourd’hui, nous sommes plus unis que jamais», triomphe Joe Biden à l’issue de l’officialisation de l’adhésion de la Finlande. Une autre bravade est venue mercredi dernier achever de signifier l’ascendant pris par les Occidentaux dans le conflit : l’invitation de Zelensky au sommet de l’Alliance l’été prochain en Lituanie.