Un rapport du Bulletin d’information économique de la région MENA du groupe de la Banque mondiale expose les dernières prévisions macroéconomiques de la région et examine l’aspect humain des chocs macroéconomiques survenus ces quatre dernières années.
Les défis structurels des marchés du travail occupent une place importante dans le programme d’action de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) depuis des décennies, mais la réflexion sur la façon dont ces marchés s’ajustent aux chocs n’avait jamais été aussi importante qu’aujourd’hui.» Ce sont là les premiers mots du rapport du Bulletin d’information économique de la région MENA du groupe de la Banque mondiale (BM) intitulé «Emplois et salaires en temps de crise dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord» paru en octobre 2023.
Alors que la région, peut-on y lire, se relève des effets de la crise provoquée par la Covid-19 et s’attache à remédier à la volatilité accrue des termes de l’échange qui fait suite à la guerre de l’Ukraine, ses habitants sont «aux prises avec les conséquences sur leurs moyens de subsistance de la hausse mondiale des taux d’intérêt, de la dépréciation des monnaies et des pressions inflationnistes qui en découlent».
Le présent rapport expose les dernières prévisions macroéconomiques de la BM et examine l’aspect humain des chocs macroéconomiques survenus ces quatre dernières années. De même qu’il analyse les ajustements du marché du travail en réponse aux secousses dans la région MENA. L’on considère que la façon dont les marchés du travail réagissent aux chocs continuera de revêtir une importance fondamentale.
D’après les prévisions, l’activité économique de la région devrait ralentir en 2023 et la croissance s’effondrer, passant de 6% en 2022 à 1,9% à peine. En 2024, la croissance dans la région MENA devrait s’accélérer pour atteindre 3,5%. Le PIB réel par habitant, selon la BM, est une meilleure mesure du niveau de vie. «Selon les prévisions, il devrait dégringoler à 0,4% en 2023, partant de 4,3% en 2022. Certes, le ralentissement s’observe dans tous les groupes de pays, mais il est plus marqué chez les exportateurs de pétrole (…). A la fin de 2023, huit des 15 économies de la région MENA auront retrouvé le niveau de PIB réel par habitant qu’elles avaient avant la pandémie».
En Algérie, note ce bulletin, on prévoit une baisse de la croissance du PIB réel par habitant à 0,5% pour 2023, contre 1,6% en 2022. Les pays dont le PIB par habitant ne se sera pas amélioré par rapport à 2019 sont notamment la Jordanie (0,17% en dessous des niveaux de 2019) ; le Qatar (0,3% de moins), l’Algérie (3,3% en dessous des niveaux de 2019), l’Arabie Saoudite (3,6%), la Tunisie (4,6%), la Cisjordanie et Ghaza (7,7%) et l’Irak (15,3%). Ces écarts, note-t-on, devraient se résorber d’ici fin 2024 en Jordanie et au Qatar uniquement.
Prévisions optimistes
Pour l’Algérie, les prévisions officielles sont autrement plus optimistes. Le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a pourtant indiqué il y a un mois que les indicateurs macroéconomiques et financiers du pays ont connu «une évolution remarquable», en dépit des crises qu'a vécues le monde. Selon lui, le PIB, après sa réévaluation à travers «le rebasage», a atteint 233 milliards de dollars en 2022 et celui moyen par habitant 5187 dollars de la même année.
Le rapport de la Banque mondiale souligne, sur le registre de l’emploi, que «la réaction du chômage dans la région MENA est presque deux fois supérieure à ce qu’on observe dans les PEPD».
Et d’affirmer : «L’analyse indique par exemple que jusqu’à 5,11 millions de personnes dans la région MENA pourraient avoir connu des suppressions d’emploi à cause des chocs de 2020-2022, posant des défis à long terme pour les marchés du travail de la région.» Cependant, lorsque les chocs sont inflationnistes, faut-il remarquer, le chômage tend à être moins sensible, celui-ci pouvant même diminuer dans certains cas.
Dans le cas de l’Algérie, force est d’admettre que la tendance reste inconnue actuellement en raison de l’absence de mise à jour des statistiques officielles sur le sujet. A souligner que même ce rapport de la BM omet de fournir de nouvelles statistiques sur ce phénomène, contrairement à d’autres pays de la région, comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie ou le Maroc.
L’Algérie échappe à ce titre aux analyses des experts de cette institution de Bretton Woods, même si elle subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire de la pandémie de Covid-19 et de celles induites par la guerre en Ukraine et l’inflation mondiale qui sévit depuis quelques années. Le phénomène du chômage est à ce titre tel un serpent de mer qui risque de surprendre, s’il n’est pas appréhendé en temps utile.
La BM s’est intéressée au cas égyptien. Elle relève que l’ajustement au marché du travail s’est produit lors de la dévaluation monétaire qui a eu lieu en 2016. «La Banque centrale d’Egypte ayant mis fin au contrôle des changes et au régime de flottement dirigé le 3 novembre 2016, la livre égyptienne avait enregistré une forte dépréciation. Au quatrième trimestre 2016, la variation en glissement annuel du taux de change nominal (en unités de monnaie nationale par rapport au dollar) s’établissait à 87%. Cette forte dépréciation a donné lieu à une inflation de 30% en 2017.
Les taux de chômage n’ont cependant pas bondi. En revanche, au cours des six mois qui ont suivi, les salaires réels ont diminué de 10%. Quinze mois après la dépréciation de la monnaie, ils avaient baissé de 20%». C’est dire… Le dilemme est donc tel, que la lutte contre le chômage s’effectue au prix de la montée de l’inflation et vice versa. L’Algérie ? Le choix fait autour de l’amélioration du pouvoir d’achat répond-il au besoin de solutionner cette équation à deux variables que sont le chômage et l’inflation ?