Perspectives électorales en France : Le message humaniste de l’Eglise catholique

25/01/2022 mis à jour: 06:04
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Photo : D. R.

Comme à chaque échéance électorale, les évêques de France pointent les thèmes qui animent, ou minent, les débats hexagonaux, dont celui des migrations et la place des religions.

L’épiscopat français a publié aux éditions du Cerf une synthèse de ses opinions en un ouvrage intitulé L’espérance ne déçoit pas. A quelques semaines de l’élection présidentielle d’avril prochain, les prélats français donnent une nouvelle fois leurs sentiments sur les débats en cours, «avec humilité», confessent-ils.

Parmi 27 sujets traités, les évêques abordent évidemment deux questions très souvent amplifiées : les migrations et la place des religions dans la société d’aujourd’hui, alors que l’islam est la deuxième religion du pays. Le point de vue épiscopal sur ces deux thèmes tend à apaiser les débats violents qui heurtent les consciences malmenées par des propos d’exclusion, notamment des musulmans.

Lors de la présentation du document, Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), a indiqué qu’il ne s’agit pas de donner une consigne de vote : «Nous n’en donnerons pas, les citoyens sont adultes. Notre rôle est d’aider chacun à réfléchir », a-t-il confié à la presse.

Même sur les dangers pour l’équilibre social que représentent les thèses racistes des candidats d’extrême-droite, les évêques ne s’engagent pas sur une position tranchée. Ils préfèrent revenir et insister sur les avis humanistes qu’ils ont toujours exposés lors de leurs publications ces dernières années.

Ils en appellent à la «lucidité» des catholiques, face à certains candidats et en particulier Eric Zemmour (multi condamné pour des propos racistes) qui a lancé son grappin sur les croyants en vantant la France chrétienne depuis des siècles, lui qui est issu d’une lignée de juifs berbères.

Pour Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, cité par Le Monde, «il ne suffit pas qu’un candidat convoque l’identité chrétienne pour que la lucidité des chrétiens soit atteinte ».

Au Figaro, l’évêque précise : «Il y a des catholiques dans les équipes et dans les soutiens de la plupart des candidats. Il est hors de question pour nous d’entrer dans le débat partisan. Nous rappelons ce qui nous semble essentiel et nous faisons confiance à la capacité de chacun de se situer en conscience.»

Dans le texte qu’ils proposent à la réflexion, les évêques donnent au contraire un sérieux coup de gomme à la loi ‘‘Séparatisme’’, portée par le gouvernement Castex-Macron en août 2021 et qui a «mis en évidence une tentation : celle de porter atteinte, par souci de la sécurité, à la liberté d’expression, d’association, d’éducation, voire de culte, et à l’égalité des citoyens, qu’ils soient ou non croyants».

Tous les religieux, estime l’Eglise catholique, de quelque croyance qu’ils soient dans un pays laïc comme l’est la France, respectent le cadre légal. Toute loi qui entrave la liberté de chacun en ce domaine ne pourrait être que contre-productive : «Les croyants de toute religion sont tenus au respect de l’ordre public mais n’ont pas à être suspectés a priori en raison de leur appartenance confessionnelle », rapporte Le Monde.

Pour Matthieu Rougé, dans son entretien au journal Le Figaro : «La loi ‘‘confortant les principes de la République’’ (ndlr loi 1905) a posé des questions importantes pour l’avenir des libertés d’association, d’expression et d’éducation, qui concernent l’ensemble des religions, dans leur diversité.»

Il estime que la mission des évêques «est de nourrir le discernement en conscience des catholiques et non de nous y substituer. Il ne s’agit pas de confessionnaliser les échéances électorales ni de les cléricaliser, mais d’en expliciter les enjeux les plus décisifs. Nous nous adressons non seulement aux catholiques, mais aussi aux candidats ainsi qu’à l’ensemble de nos concitoyens ».

Sur la question de l’immigration devenue le thème médiatique phare l’automne dernier, le prélat juge prioritaire « le souci du frère ».

En élargissant son propos, il estime que c’est là «une attitude fondamentale et très large qui inclut aussi bien le choix effectif de vivre en société, sur lequel nous ouvrons notre réflexion, que le respect de la vie naissante, la lutte contre les pauvretés, le respect de la filiation, l’écologie intégrale et les enjeux éducatifs ou internationaux».

Il s’appuie sur les nombreuses prises de position du pape François sur les migrants pour dire qu’il est primordial «d’articuler, avec audace, créativité, générosité, le principe d’humanité et le principe de responsabilité. Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la Méditerranée, cœur de notre civilisation, se transforme en cimetière. C’est souvent la tension féconde entre prophétisme et réalisme qui permet à une société d’avancer».

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