Contrebande, bureaucratie, corruption, absence totale de contrôle ainsi que pratiques illicites seraient à l’origine de la pénurie et de la spéculation sur les produits de large consommation subventionnés par l’Etat.
La commission des affaires économiques, du développement, de l’industrie, du commerce et de la planification de l’APN s’est réunie lundi pour finaliser son rapport d’enquête établi par la commission des sept membres chargés de faire la lumière sur la rareté et la spéculation qui frappent certains produits alimentaires ainsi que la flambée de leurs prix.
Le rapport en vingt points, qui sera remis dans deux jours au président de l’APN et puis aux autorités compétentes, est accablant. «Le rapport est fin prêt, restent quelques retouches de forme avant de la remettre au président», explique à El Watan Hichem Sfar, député du RND et membre de la commission qui dit avoir relevé lors de leurs tournées d’investigations dans les sept wilayas de l’Est et l’extrême-sud du pays «plusieurs anomalies».
Il cite d’abord l’absence totale des agents de contrôle du ministère du Commerce. «Durant notre périple, nous avons constaté l’absence de contrôle au niveau des commerces ; lorsque nous avons questionné les concernés, ils ont confirmé ce constat en affirmant qu’ils n’ont ni les moyens matériels, ni humains et encore moins de locaux pour s’acquitter convenablement de cette mission. Ce qui est grave», s’offusque M. Sfar. Autre pratique relevée par les enquêteurs de l’APN : la contrebande au niveau des frontières.
Selon M. Sfar, l’huile de table ainsi que d’autres produits de large consommation passent de l’autre côté des frontières du sud du pays. «Les contrebandiers maliens, tchadiens, nigériens et tunisiens achètent les produits algériens pour ensuite les revendre aux habitants des frontières à un prix exorbitant, c’est-à-dire dépassant parfois trois fois la norme», note le député qui explique que dans la seule wilaya frontalière de Bordj Badji Mokhtar, les pratiques «frauduleuses» qui portent un coup fatal à l’économie nationale sont monnaie courante.
M. Sfar cite les autorisations spéciales accordées (100) mensuellement à des commerçants pour la commercialisation de sept produits alimentaires de première nécessité et qui sont subventionnés par l’Etat (huile de table, sucre, farine,…).
Avec, dit-il, une quantité de ces produits de 24 quintaux pour chacun de ces commerçants. Des produits que les habitants ne trouvent pas, eux qui s’en approvisionnent à prix fort chez le voisin malien ! «Ces grosses quantités de produits alimentaires subventionnés sont supérieures aux besoins des populations locales se retrouvent dans le circuit informel, celui de la contrebande, qui l’écoule dans les pays voisins, dont le Mali», s’étonne-t-il.
L’enquête parlementaire a révélé que des producteurs de l’huile de table préfèrent produire à partir de la matière première importée, alors que cette dernière est produite localement (usines à Mascara et Oran).
Selon notre interlocuteur, ce choix est dû à l’avantage des compensations offertes par les autorités, dans le cadre du soutien aux matières premières importées pour l’industrie locale. L’autre raison est que les grossistes refusent de s’alimenter en huile de table.
«Les commerçants refusent d’engager un fort capital financier pour un produit, dont la marge bénéficiaire est très réduite. En plus du fait qu’ils sont obligés d’acheter cette marchandise avec facturation, ce qui signifie le payement des taxes», rapporte le député.
Ce dernier cite également la spéculation qui touche un autre produit sensible, à savoir la farine. Il affirme qu’un quota de 15 tonnes de ce produit subventionné est attribué mensuellement à chacun des 46 boulangers recensés dans cette wilaya de l’extrême-sud du pays à très faible démographie.
Sauf que sur cette cinquantaine d’artisans-boulangers, seuls quatre exercent réellement, ce qui fait que les 42 autres sont fictifs ou en arrêt d’activité mais qui continuent à percevoir leurs quotas de farine mensuellement ! D’où la spéculation sur la baguette de pain qui est vendue au prix de 40 DA, voire plus. «Ce qui se passe sur le terrain est un crime. D’autres faits plus graves ont été transcrits dans notre rapport», conclut M. Sfar.