Les relations se tendent entre le ministère de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, dirigé par Ali Aoun, et le Conseil national de l’Ordre des médecins dentistes (CNOMD), présidé par le Dr Réda Dib.
Les deux parties s’écharpent par communiqués interposés. Les chirurgiens-dentistes soutiennent mordicus qu’il y a une pénurie de l’anesthésie dentaire et exigent, tout simplement, sa disponibilité sans spécification particulière. «La pénurie de ce produit existe bel et bien. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut cacher. Nous demandons juste que l’on nous fournisse l’anesthésie pour que l’on puisse travailler quelle que soit son origine. A aucun moment, nous n’avons exigé le produit français ou espagnol. Ce que l’on veut, c’est la disponibilité de l’anesthésie pour que les malades puissent être soignés», réplique le Dr Dib aux déclarations du ministre de l’Industrie concernant l’existence d’un lobby en faveur du produit français.
En effet, mardi dernier, M. Aoun a démenti, à partir de la wilaya de Bouira où il était en visite, les informations sur «la rupture de stock» de l’anesthésie dentaire en Algérie. «C’est incroyable dans ce pays. On ne parle plus de pénurie de médicaments parce que la situation s’est stabilisée, alors on a trouvé comme sujet de polémique la pénurie de l’anesthésie dentaire. Il n’y a aucune pénurie. Le produit existe», affirme de manière formelle M. Aoun.
Il évoque «l’intervention d’un lobby pour imposer un produit français qui coûte trois fois le prix de l’anesthésie qu’on a ici. Je dis non et je n’abdique pas». Le ministre a démenti également l’existence d’un problème de facturation qui serait derrière les tensions sur l’anesthésie dentaire. De son côté, le Dr Réda Dib reste catégorique et défie quiconque parle de la disponibilité actuellement de ce produit.
«Chez les détaillants, le produit n’est carrément pas disponible. Seules 1 à 2% des cliniques, qui ont pu s’approvisionner dernièrement, ont un stock réduit.» Cette pénurie subite et généralisée et qui dure depuis le mois de février a asséné, selon le Dr Dib, un coup fatal à la corporation publique et privée de la chirurgie dentaire puisque plusieurs praticiens, soit 90%, étaient dans l’obligation d’arrêter leurs activités en attendant un hypothèque dénouement.
Plusieurs praticiens ont arrêté leurs activités
«Nous n’avons aucune raison d’inventer une pénurie d’anesthésie. Il vous suffit de faire un tour au niveau de la capitale ou ailleurs et dans le premier établissement de proximité, ou l’hôpital, on vous dira que l’anesthésie dentaire fait défaut, et cette situation remonte à quelques mois», assène le Dr Dib, qui rappelle avoir adressé le 23 février une correspondance au président de la République pour lui faire part de la pénurie d’anesthésie.
Le président de l’Ordre des médecins dentistes algériens (CNOMD) est revenu sur le programme d’importation de 250 000 boîtes d’anesthésie dentaire annoncé en avril dernier. «On a importé pour une quantité de 19 700 boîtes qui ont été écoulées en cinq jours chez un opérateur à Baba Hassan à Alger, et tout le monde a vu les images désolantes des dentistes en train de faire la queue pour avoir deux boîtes d’anesthésie», déplore-t-il.
Et d’ajouter : «Si le produit était disponible, on n’aurait pas vu ces images largement partagées sur les réseaux. Une honte et une humiliation pour le médecin dentiste», s’insurge-t-il. Ce dernier nous confie qu’une partie du quota commercialisé ce jour-là a été proposée sur les réseaux sociaux à des tarifs qui atteignent 5 fois son prix. Le Dr Dib parle de la colère indescriptible des chirurgiens-dentistes qui comptent manifester leur désarroi devant le ministère de l’Industrie.
«Nous sommes dans la légalité et nous revendiquons la disponibilité de ce produit des plus indispensables pour les opérations, qu’elles soient urgentes ou ordinaires. Nous n’avons aucune autre arrière-pensée. Les chirurgiens-dentistes envisagent d’observer incessamment un sit-in devant le ministère de l’Industrie et que chacun assume ses responsabilités», affirme le Dr Dib.
Rappelons qu’au mois d’avril, le ministère de l’Industrie avait indiqué avoir agréé trois projets de production locale d’anesthésiants durant les prochains mois et l’entrée en production de ces projets se fera par étapes et à condition de passer à un processus intégral au niveau de trois unités situées à Tipasa, Oran et Batna.