Ouverture du procès des Panama Papers : D’anciens hauts responsables sur la sellette

16/04/2024 mis à jour: 19:17
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epuis près une semaine, le monde entier a les yeux rivés sur le Panama, ce petit Etat de l’Amérique centrale, où se tient depuis lundi 8 avril, dans un tribunal pénal, le procès des Panama Papers. Accusées d’avoir orchestré l’un des plus grands scandales financiers de l’histoire, plus d’une vingtaine de personnes, à leur tête Jürgen Mossack et Ramon Fonseca Mora, les deux fondateurs du cabinet Mossack Fonseca, épicentre du séisme fiscal qui a frappé toute la planète en avril 2016, devraient répondre des charges d’«atteinte à l’ordre économique» et de «blanchiment d’argent». 

Ce procès, prévu pour durer jusqu’au 26 avril, à en croire nombre de médias étrangers, devait, à la demande du parquet panaméen, initialement se tenir en 2021, puis en 2022, mais pour diverses raisons et considérations, il sera reporté à maintes reprises. 

Les révélations, fruit d’enquêtes exhaustives menées des mois durant par le Consortium international de journalistes d’investigation (CIJI), ayant violemment ébranlé plus d’un gouvernement, avaient dévoilé au grand jour l’étendue de la délinquance financière protéiforme, haut standing, dont et surtout l’évitement ou l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux, face aux tentations auxquelles n’avaient pas pu tenir aussi bien des multinationales, des banques, de puissantes holdings, de grandes fortunes mondiales, des responsables politiques de haut rang, des personnalités des milieux économique et des affaires, des stars du monde médiatique, sportif et artistique que d’illustres inconnus, issus des quatre coins du globe ; de la France, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de la Suisse, des Etats-Unis, de l’Australie, de l’Argentine, du Brésil en passant par les Emirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Syrie, l’Irak, l’Egypte ou encore le Sénégal, le Soudan, le Nigeria, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. 

En effet, notre pays n’en était pas épargné. Sur les volumineux fichiers ayant fuité et auxquels ont pu avoir accès le vaste bassin de journalistes investigateurs du CIJI, avaient été identifiés plus d’une vingtaine d’Algériens, entre personnes physiques et morales. 

De la longue liste des compatriotes épinglés dans le bilan d’étape émergeront, ainsi, les noms d’anciens ministres, comme Abdessalem Bouchouareb et Ali Benouari, des proches d’anciens ministres et chef d’Etat – le fils de feu Chadli Bendjedid, fille de Abdelmalek Sellal, fils et nièce de Noureddine Yazid Zerhouni, épouse de Chakib Khelil, neveu de Mohamed Bedjaoui, frère de feu Abdelhak Bererhi – de l’ex-patron des patrons Ali Haddad, de fils d’ex-PDG de Sonatrach ainsi que des célébrités du monde sportif et d’hommes d’affaires connus, tous actionnaires ou propriétaires de sociétés offshore, qu’ils avaient domiciliées au Panama aux fins de défiscaliser leurs revenus ou blanchir leurs produits de la corruption, et ce, à travers un tentaculaire système d’évasion et de fraude fiscale machiavéliquement orchestré par le très discret et efficace cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans les montages extraterritoriaux.  

Ce «Registered Agent» ayant donné naissance à plus de 200 000 compagnies offshore que le décryptage par les équipes du CIJI des 2,6 téraoctets de données électroniques, dont 11,5 millions de documents obtenus, avait permis d’identifier. Tel que nous l’avait précédemment expliqué l’expert international en criminalité financière, l’Algéro-Canadien Messaoud Abda, les compagnies incorporées dans les paradis fiscaux par les Bouchouareb, Benouari, Khelil, Bedjaoui et consorts «sont des sociétés-écrans ou coquilles vides (Shell) ou encore des compagnies sur papier, d’où l’appellation Panama Papers. Ces compagnies n’ont aucune existence ou présence physique en tant que telle, elles sont mises en place pour faciliter certaines transactions, et sont dissoutes rapidement après pour dissimuler les traces et empêcher toute piste de vérification en cas de contrôle ou d’enquête». 

Dit autrement, ces coquilles vides sont destinées à «réduire la traçabilité des revenus à défiscaliser, et pour faciliter les stratégies d’optimisation fiscale, en général abusives, conduisant à la mise à zéro ou presque de l’impôt à payer», étayait-il. Cet impôt à payer, les dizaines d’Etats, de grandes puissances économiques, concernés par ce scandale politico-financier n’ont pas tardé à le chercher. Leur fisc et leur justice s’y étaient aussitôt activement mobilisés pour traquer les évadés fiscaux et les recycleurs de capitaux suspects. 
 

Comptes offshore

En effet, nombre de personnalités mises en cause ayant été, depuis l’éclatement de l’affaire il y exactement 8 ans, poursuivies et des milliards de dollars rapatriés dans les caisses du Trésor public français (136 millions de dollars), britannique (252 millions), australien (92 millions) et allemand (183 millions), selon les derniers chiffres divulgués par le Consortium d’enquêteurs. Et qu’en est-il des pays en développement qui en ont le plus besoin, notamment arabes ou africains comme l’Algérie ? Là où «la preuve et la localisation des biens et avoirs provenant de la corruption», «la fourniture du jugement définitif» et «l’existence d’accords d’entraide judiciaire comme support pour l’accélération de ce processus» sont les trois conditions sur lesquelles repose toute demande de rapatriement des devises publiques clandestinement expatriées et blanchies via des transactions offshore. 

A ce jour, rien n’a filtré sur les suites judiciaires ou fiscales réservées à l’affaire des «Panama Papers», ou aux «SwissLeaks», OpenLux et «Pandora Papers», les trois non moins mondialement retentissants autres scandales où des membres influents de notre «élite» politique et économique étaient également impliqués dans le transfert vers des paradis fiscaux de devises publiques amassées via des réseaux labyrinthiques de redistribution de pots-de-vin et de rétro-commissions.

Quoi qu’il puisse en advenir, avec l’ouverture du procès des Panama Papers, ces «seigneurs» de la finance offshore auront, toutefois, pu constater que miser sur la carte de l’écoulement du temps ne fait, finalement, toujours pas gagner la partie. 

En témoigne la détermination des autorités judiciaires panaméennes à maintenir la mise en branle de leur action à l’encontre du cabinet Mossack Fonseca, fermé depuis 2016 après bien des décennies d’exercice dans les montages offshore pour le compte de clients issus de 200 pays. 

Car pour le Panama, l’enjeu est de taille : Cemicro-Etat (275 km2 et 4,4 millions d’habitants), qui s’emploie à redorer le blason de sa place financière, n’entend pas revenir à la «liste grise» du Groupe d’action financière (GAFI), le gendarme chargé de la protection et la préservation de l’intégrité du système financier mondial. Le retrait de cette liste comprenant les pays et juridictions à surveiller de très près, intervenu en 2023, le 

Panama le doit aux grandes réformes en matière de lutte antiblanchiment d’argent, entreprises après 2016, c’est-à-dire au lendemain du scandale «Panama Papers».
 

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