Ouverture du procès de l’assassinat de Chokri Belaïd le 6 Février 2013 ; L’appareil secret d’Ennahdha dans le collimateur de la justice

08/02/2024 mis à jour: 04:08
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L'assassinat de Chokri Belaïd soulève de nombreuses questions

C’est une décision symbolique de la part de la justice tunisienne d’annoncer, pour le 6 février,  l’ouverture des plaidoiries dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd. Laquelle date correspond au 11e anniversaire de cet assassinat ignoble. Chokri Belaïd était le secrétaire général du parti patriotique démocratique unifié, entité de gauche foncièrement opposée à toute complicité avec les islamistes d’Ennahdha au pouvoir et ayant le vent en poupe en ces temps-là de 2013. 

La mainmise d’Ennahdha sur les rouages de la justice et la nomination à la tête du parquet du juge Béchir El Akermi, l’homme de confiance de l’ex-ministre de la Justice, l’islamiste Noureddine Bhiri, ne sont pas étrangères à ces prolongations incessantes des dossiers des assassinats politiques, notamment ceux de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Des soupçons pèsent lourd sur d’éventuelles omissions des services spéciaux de l’Etat, concernant particulièrement ces deux dossiers. 

Et puisque les ministères de l’Intérieur et de la Justice étaient aux mains des islamistes en ces temps-là de 2013 et de connivence avec eux les années suivantes, la décision politique était figée et les dossiers des assassinats faisaient du surplace. 
 

Il a donc fallu attendre l’arrivée de Kais Saïed au pouvoir en 2019 et la levée des mains d’Ennahdha sur l’appareil judiciaire, après le 25 juillet 2021, pour voir bouger le dossier des assassinats politiques. La justice tunisienne sentait le roussi, avant cette date, comme le laissaient entendre les lettres d’accusation réciproque, partagées en novembre 2020 sur les réseaux sociaux, entre le Premier président de la Cour de cassation, Taïeb Rached, et le procureur général du Tribunal de Tunis, Béchir El Akermi qui étaient les deux hommes forts de la justice à l’époque. Rached est accusé par Akermi de disposer d’un réseau de juges pour écouler les affaires de corruption, alors que Akermi est accusé par Rached de malversations et omissions dans les affaires terroristes, notamment les assassinats politiques. 

Ces deux hommes ont été démis ; ils sont aujourd’hui aux arrêts et poursuivis dans le cadre de plusieurs affaires, dont la mauvaise gestion de ce dossier des assassinats politiques concernant Béchir El Akermi. «L’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd a été scindée en plusieurs dossiers par Béchir El Akermi, au lieu de la garder unifiée, afin de déceler son fil conducteur.En plus, plusieurs pièces à conviction ont disparu du dossier», selon Maître Abdennaceur Laaouini, membre du Comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi. Ledit comité a résisté à toutes les pressions et cherché méticuleusement toutes les pièces à conviction mises aujourd’hui à la disposition de la justice.
 

Révélations

Lors de la conférence de presse, tenue hier à la maison de l’avocat, devant le palais de Justice, Me Laâouini a confirmé que «les dossiers d’accusation en rapport avec l’assassinat de Chokri Belaïd sont désormais clairs, il y a, d’une part, l’appareil exécutif du crime qui est aujourd’hui devant la justice. Il y a également celui de l’appareil secret du mouvement Ennahdha, révélé à plusieurs reprises et entre les mains de la justice, et  il y a enfin celui du financement du terrorisme, via l’association Namaa (développement)». Me Laâouini a remercié la justice d’avoir prêté attention aux remarques de la défense concernant le lien entre ces divers axes de l’affaire.

 En rapport avec la libération de la décision politique concernant ce dossier, il a également indiqué que «l'un des accusés a révélé lors de l'audience qu'il avait été menacé de mort en prison, ainsi que sa famille, s'il disait la vérité, et il était terrifié à l'idée de révéler les faits devant les autres accusés, étant l'un des dirigeants des groupes terroristes».

L’audience des interrogatoires et des plaidoiries a donc commencé avant-hier, (Ndlr, 6 février), avec la présentation à la barre de quatre accusés sur la trentaine impliquée directement. 

La prochaine audience est prévue demain vendredi 9 février. Me Laâouini s’est déclaré surtout satisfait du fait que «85% environ des accusés, qui refusaient auparavant de comparaître devant la justice, ont finalement décidé de parler ; ils n’ont plus peur puisque la couverture politique des ordonnateurs du crime commence à disparaître ; c’est très important pour la vérité !»

 Ce volet entamé de l’affaire concerne surtout l’appareil exécutif de l’assassinat, selon le comité de défense. 

«Il s’agit de révéler ceux qui ont planifié, exécuté et tenté de dissimuler et d'effacer la vérité», a souligné l’avocat, en précisant que «le Comité de défense dispose d’enregistrements d'éléments du mouvement Ennahdha planifiant des assassinats et mentionnant nominativement celui de Chokri Belaïd». Il est clair que ce procès, ouvert onze ans après l’assassinat de Chokri Belaïd, ouvre une nouvelle page de la Tunisie post-Ennahdha. 

 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

 

 

 

 

Arrestation du Secrétaire Général de l’UGTT  de Kasserine

Le secrétaire général de l’Union régionale de Kasserine (UGTT), Sanki Assoudi, a été arrêté dans l’après-midi du mardi 6 février 2024, indiquent les médias de la place. Les raisons de son arrestation n’ont pas été révélées. Le bureau exécutif de l’Union régionale de Kasserine a considéré que «l’enlèvement» de Sanki Assoudi et l’arrestation des responsables syndicaux ont pour objectif de «perturber l’action syndicale en ciblant directement les cadres de l’UGTT». Pour sa part, le parquet de Tunis a publié, hier, un communiqué disant qu’un chef de service à la Société nationale de cellulose et de papier Alfa (SNCPA) a été interpellé par la police judiciaire pour des soupçons dans une affaire de faux et usage de faux. Il a été mis en garde à vue pour 48 heures renouvelables. Il est également poursuivi pour d’autres affaires, selon le parquet. C’est de Sanki Assoudi qu’il s’agit. La SNCPA fait partie des entreprises visées par l’enquête portant sur la véracité des diplômes dans les recrutements et l’octroi de fonctions lors de la décennie écoulée. M. S.

 

 

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