La libéralisation de l’activité de change aura pour conséquence d’accroître l’absorption des capitaux en devises qui prospèrent dans les circuits souterrains de l’économie.
Depuis l’annonce faite par la Banque d’Algérie portant sur l’adoption d’un projet de règlement relatif aux conditions d’autorisation, de constitution, d’agrément et d’exercice des bureaux de change, le débat continue sur les mérites et les écueils de cette approche.
Une approche qui consiste à libéraliser l’activité de change, afin d’absorber les capitaux en devises transitant par les circuits informels. Selon les calculs de Chabane Assad, fondateur de FINABI Conseil, il y aurait 2 milliards de dollars qui échappent annuellement au secteur formel et qui transitent par le marché parallèle du change.
Ce calcul exclut, bien entendu, les transferts officiels de fonds des migrants algériens par canal bancaire qui ne dépassent pas 2 milliards de dollars, constitués à plus de 80% des pensions de retraite. Les 2 milliards de dollars auxquels s’intéressent FINABI Conseil proviennent principalement des travailleurs immigrés qui font appel au marché informel pour échanger leurs devises.
Chabane Assad dit s’attendre à ce que les bureaux de change puissent réaliser une marge commerciale minimale de 122,4 millions de dollars par an. «La méthode de calcul de la marge commerciale prévisionnel du secteur de change formel est simple. Nous avons analysé la marge réglementée actuelle que les banques commerciales appliquent en réalisant des opérations de change sur les billets et les chèques de voyage. Le taux de marge moyen est de 6,12%. Un calcul d’épicerie permet de trouver le potentiel de la performance du secteur à hauteur de 122,4 millions de dollars», explique le fondateur de FINABI Conseil dans une étude postée hier, non sans signaler, sur sa lancée, que cette marge commerciale sera exprimée en dinars.
Ce qui fait ressortir une estimation de 20 milliards de dinars. Bien que les détails de ce projet de règlement annoncé par la Banque centrale restent jusqu’ici- inconnus, FINABI Conseil trouve bien de mérites à cette décision, au-delà des marges commerciales que l’activité de change pourrait générer.
La libéralisation de l’activité de change aura pour conséquence d’accroître l’absorption des capitaux en devises qui prospèrent dans les circuits souterrains de l’économie. «L’autre avantage de cette autorisation des bureaux de change est l’impact non négligeable sur l’inclusion financière et la captation de la masse monétaire qui circule en dehors du secteur bancaire», estime FINABI Conseil.
Le secteur financier pourrait ainsi récupérer plus de 300 milliards de dinars annuellement. Bien que cette décision d’autoriser l’exercice des bureaux de change constitue, en soi, un levier d’inclusion non des moindres, les autorités publiques sont encore contraintes de fournir un second effort qui consiste à interdire totalement toute autre activité de change en dehors du circuit formel.
«Malgré cette profitabilité prévisionnelle conséquente avec un niveau d’investissement faible, la réussite des bureaux de change est tributaire de deux conditions. Il est question, d’abord, d’une interdiction totale de toute activité de change en dehors du circuit formel (criminaliser cette activité informelle et imposer de lourdes sanctions pénales)», explique Chabane Assad.
Ensuite, «il est normal que la Banque d’Algérie soutienne et dirige la valeur de la monnaie nationale pour maîtriser le commerce extérieur, réduire l’inflation et gérer la masse monétaire. Cependant, nous devons réfléchir à utiliser la valeur réelle de la monnaie pour les autres opérations, sinon il y a un risque que le marché noir survive sous une forme numérique cette fois», prévient l’étude de FINABI Conseil. Des leviers pour le pilotage de la politique de change sont donc essentiels.
Les contours de cette libéralisation de l’activité de change en sont encore inconnus, ce qui suscite moult questionnements sur la prime qu’appliqueront les bureaux de change notamment. Il s’agit, également, de savoir si cette réforme conduirait à la convergence des deux taux actuels vers un taux unique, ce à quoi le Fonds monétaire international (FMI) n’a cessé d’appeler ces dernières années.