Oran : Le CRIDSSH, un centre de recherche qui tarde à rouvrir

26/02/2022 mis à jour: 02:58
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Le CRIDSSH, un espace culturel emblématique de la ville d’Oran ( Photo : El Watan/ Archives=

Fermé pour travaux depuis une dizaine d’années, le Centre de recherche et d’information documentaires en sciences sociales et humaines (CRIDSSH) attend toujours une réouverture salutaire pour la communauté universitaire, mais aussi pour le grand public.

C’était sa vocation dès sa création de faire en sorte que le débat intellectuel et la diffusion du savoir et de la connaissance soient ramenés au cœur de la cité. 

En effet, si le Centre en question en tant que concept préexistait dès le milieu des années 1970 au département des sciences sociales de l’université historique d’Es-Senia, (rebaptisée plus tard du nom de l’ancien président Ahmed Ben Bella), le centre en question, situé en plein centre-ville, sur la rue Larbi Ben Mhidi, a été ouvert en 1979 avec le regretté Abdelkader Djeghloul (1946-2010) comme principal artisan et qui l’a d’ailleurs dirigé jusqu’à son départ en France (en partie pour des raisons familiales) vers le milieu de la décennie suivante.

 Parti de presque rien, hormis les locaux, le centre a fini par devenir une référence en la matière et acquérir petit à petit une renommée nationale et internationale. 

Un volontarisme certain conjugué à la qualité des travaux qui y étaient initiés et qui avaient permis à nombre de jeunes universitaires de l’époque d’affûter leurs armes dans le domaine de la recherche. Le centre s’est doté d’une revue (Les cahiers du CRIDSSH) et a également constitué un fonds documentaire (ouvrages, thèses, actes de colloques, revues) inestimable. L

e problème qui se pose aujourd’hui c’est que l’université d’Oran s’est scindée en deux avec la création du pôle de Belgaïd (Oran 2, Mohamed Benahmed) entrainant par la même occasion la faculté des sciences sociales et humaines. 

«En 2014, lorsque le partage a été établi entre les deux universités, le CRIDSSH n’a pas été concerné car il était déjà fermé pour travaux et c’est pour cela qu’il dépend toujours de l’université historique d’Es-Senia (Oran 1 Ahmed Ben Bella)», explique Mohamed Laabaci, chargé de la communication de l’université Oran 1. 

Le centre occupant le rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation (sur la rue d’Arzew) et disposant d’un vaste local souffrait notamment de problèmes d’étanchéité qui, en 2004, a vu une partie de son patrimoine documentaire dégradé par des infiltrations d’eau. C’est en 2009 que l’annonce a été faite concernant sa réhabilitation en réservant une enveloppe financière estimée à 20 millions de DA. 

Les travaux ont été entamés ultérieurement. Selon des informations publiées à cette époque, le chantier a connu des arrêts parce que des problèmes techniques supplémentaires, non prévus par l’étude initiale, sont apparus. Pour le chargé de communication de l’université Oran 1, «le centre ne changera pas de vocation une fois qu’il sera ouvert à nouveau». 

Néanmoins, précise notre interlocuteur, «c’est valable à l’heure où nous parlons mais nous ne savons pas de quoi sera fait demain et nous ne pouvons pas présager des décisions qui seront prises à l’avenir». 

Cela étant dit, on sait que la faculté des sciences sociales et humaines dépendant désormais de l’université Oran 2 a, selon un enseignant de philosophie, demandé de récupérer le centre pour des raisons évidentes liées à son histoire. 

Du temps où il fonctionnait, y compris les années 1990 et les années 2000, le CRIDSSH a contribué grandement à l’animation culturelle du quartier car les cafés ou autres lieux de rencontres des alentours de l’époque (certains existent toujours, d’autres pas) comme El Mansoura, l’Espérance, El Boustane, le café surnommé «l’Impasse» ou même le Dauphin sont devenus en quelque sorte autant d’antennes où les débats se poursuivaient le temps des pauses autour d’une boisson. «Il y avait évidemment la communauté universitaire avec notamment les étudiants mais parmi le public il y avait surtout aussi des gens insérés dans la vie professionnelle mais qui étaient d’anciens étudiants et le centre, de par sa situation en plein centre-ville, leur permettait de renouer avec le savoir et c’est justement l’un des buts recherchés», explique un enseignant qui a assisté à nombre de débats. Il y avait par exemple durant le mois de Ramadhan de l’année 1999 des veillées philosophiques portant sur des réflexions autour d’un vingtième siècle finissant et l’avènement d’un nouveau millénaire. 

Des thématiques certes présentées par des acteurs de la pensée académique mais qui pouvaient intéresser le public non-universitaire. 

Le CRIDSSH avait aussi, apprend-on, la particularité de rester ouvert durant les grandes vacances. Par ailleurs, toujours à titre illustratif, dans le cadre d’une rencontre en hommage à Abdelhamid Benzine (1926-2003) organisée en collaboration avec l’association «les amis de Abdelhamid Benzine», la projection en avant-première du documentaire retraçant le parcours de ce personnage historique réalisé pour le compte de la Télévision algérienne a suscité à lui seul un riche débat sur l’histoire du mouvement national. 

Présent au débat, Hachemi Cherif (1939-2005), homme politique, alors porte-parole du MDS, a même misé sur le fait que le film, eu égard à son contenu, ne serait pas diffusé par la télévision à l’époque. Il aurait perdu. Sinon spécialiste du Maghreb, ancien enseignant à l’université d’Alger, René Galissot, invité à Oran dans le cadre d’un colloque académique, a été amené dans le même esprit du CRIDSSH à donner une conférence suivie d’un débat sur des aspects inédits du parcours de l’Emir Abdelkader. 

Ainsi, en parallèle avec la vocation liée à la recherche universitaire, les rencontres du CRIDSSH étaient innombrables et touchaient des domaines divers dont celui de la culture en général, mais peut être aussi indirectement de la politique en tant que pratique sociale avec les réflexions sur la condition féminine, le syndicalisme, la vie associative, etc. 

Le centre devait être baptisé du nom du regretté Abdelkader Djeghloul, une annonce faite par l’ancien recteur de l’université d’Es-Senia, Larbi Chahed, en mai 2010 lors de la première rencontre (40e jour de son décès) en hommage à cet intellectuel de renom qu’avait justement abritée le CRIDSSH avec notamment la participation de quelques-uns de ses collaborateurs ou de ceux qu’il a encadrés. 

Quoi qu’il en soit, la parenthèse de ce temps révolu fermée, l’université Oran 1 se projette dans le présent et compte, en attendant, raviver la flamme de la vie culturelle à Oran, en exploitant les espaces de la nouvelle bibliothèque universitaire centrale d’Oran, ouverte il n’y a pas longtemps du côté de l’ancienne cité universitaire le Volontaire (aujourd’hui Boualem Mohamed) et du campus Taleb Mourad Salim (ex-IGMO).

 L’idée a germé il y a quelque temps mais les deux ans de restrictions liés à la pandémie n’ont pas permis la concrétisation de ce projet. Ici, l’argument consiste à dire : «Avec le développement urbain à Oran, le centre-ville est devenu difficile à cause de l’encombrement et la difficulté de trouver des aires de stationnement alors que devant la bibliothèque, les espaces sont encore ouverts et le lieu est de surcroit accessible grâce à la ligne du tramway qui passe à proximité.»

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