Alors que les bruits de bottes s’entendent sur nos frontières avec le Niger, la tension monte au nord du Mali, entre les forces armées maliennes et les éléments de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), dans la région de Tombouctou. Chacune des deux parties accuse l’autre d’avoir ouvert les hostilités armées, autour de l’occupation du camp de la Minusma (Mission des Nations unies pour le Mali), dont le retrait a été fait à la demande des autorités de la transition. La situation met en péril les espoirs de paix dans la région, nés des Accords d’Alger, signés en 2015 et qui ont mis fin à la rébellion.
La situation inquiète sérieusement au nord du Mali. Cette inquiétude est nourrie par le fait que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et les forces armées maliennes, s’accusent mutuellement d’avoir ouvert les hostilités (armées).
La situation risque de faire voler en éclats l’Accord d’Alger, que les deux parties ont signé en 2015, pour faire taire les armes et mettre un terme à la rébellion armée, lancée en 2011 par les Touareg du nord du Mali, regroupés à l’époque autour du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).
Le MNLA fait aujourd’hui partie de la CMA. Tout a commencé 4 août dernier, lorsque le bureau exécutif de cette coordination avait rendu public un communiqué dans lequel elle annonce «qu’un poste avancé de la base de Foïta, situé entre le Mali et la Mauritanie, a fait l’objet d’une attaque par des hommes armés non identifiés» déplorant «deux morts et deux blessés» dans ses rangs.
Le 7 août, et sur la base «d‘informations et de recoupements tangibles», la CMA accuse «les forces armées maliennes et Wagner, d’avoir mené cette attaque, et conclu «qu’il s’agit d’une remise en cause délibéré du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et des arrangements sécuritaires» et «prend à témoin des conséquences que pourrait engendrer cette attitude de va-t-en guerre».
Le 11 août, la coordination annonce avoir «repoussé une attaque complexe des forces armées maliennes et Wagner à Ber, à quelques dizaines de kilomètres de Tombouctou», et déclare «tenir la communauté internationale de ces graves agissements et violations de tous les engagements et arrangements sécuritaires».
La veille, le chef de la délégation de la CMA, Attaye Ag Mohamed, déclare sur les réseaux sociaux, que «la direction de cette coordination à Bamako n’était plus en sécurité», précisant que leur «présence en tant que représentants de la CMA était compromise».
De leur côté, les forces armées maliennes et dans un communiqué diffusé le jour même (11 août) indiquent que «dans le cadre de la rétrocession des emprises de la Minusma, les forces armées maliennes en mouvement vers la localité de Ber, région de Tombouctou, ont riposté, vigoureusement, à une tentative d’incursion dans leur dispositif à des tirs de harcèlement faisant un mort et quatre blessés du côté ami. Les terroristes, dans leur débandade, ont abandonné 4 corps, plusieurs motos et du matériel militaire».
Le 12 août, un autre communiqué des forces armées maliennes fait état du bilan de cet «affrontement» ; soit «6 morts et 4 blessés du côté des militaires» et «24 membres des groupes armés terroristes tués», et conclu : «Les forces armées maliennes, respectueuses de leur mission de défense de l’intégrité territoriale nationale et de la sécurisation des personnes et des biens, resteront fidèles à leur engagement et ne ménageront aucun effort pour le bien-être des populations de Ber prises en otages par les groupes armés terroristes». Hier matin, et avant même l’échéance du 15 août, prévue pour leur départ, les éléments de la Minusma ont quitté leur campement, à Ber.
Campement occupés par la suite par les militaires maliens. Hier, le chef de la coordination et dans une déclaration sur son compte Twitter, affirme que la CMA s’est tenue au respect strict du périmètre onusien conformément à la demande des hauts responsables de la Mission jusqu’à ce qu’elle déclare elle-même son retrait définitif des lieux.
La mission n’évoque pas de rétrocession formelle dans le cas de Ber. Cette guerre de communiqués n’augure rien de bon pour la paix dans cette région.
Moins d’une année après, l’intervention militaire engagée en 2011 contre la Libye par la France avec l’aide de l’Otan, un flux massif de groupes puissamment armés est arrivé au nord du Mali. Quelque temps après, le MNLA (Mouvement nationale pour la libération de l’Azawad) annonce sa rébellion armée, avant que le groupe islamiste d’Ansar Eddine, créé par Iyad Ag Ghali, ne le rejoigne.
La région connaît par la suite une prolifération de groupes «djihadiste» d’Al Qaïda, de Daech, mais aussi de groupes maffieux, de trafiquants en tout genre qui s’entraident et se rendent service pour gagner plus d’argent notamment à travers le commerce de la drogue, les rançons (obtenues par les prise d’otage), la traite des migrants etc.
Prise en otage, la population est livrée à l’insécurité et surtout à la grande pauvreté. Les bons offices de l’Algérie vont permettre un cessez-le-feu en 2014 et la signature, le 15 mai 2015, à Bamako, après plusieurs réunions des factions armées de l’Azawad, (à Alger et à Bamako), d’un accord pour la paix et la réconciliation au Mali , appelé l’Accord d’Alger, qui prévoit une plus grande intégration des composantes des régions du Nord et l’intégration des anciens rebelles dans les rangs de l’armée malienne.
Même si sa mise en application peine à se réaliser, il reste le seul cadre qui évitera au Mali et à ses voisins de renouer avec la guerre. Plus que jamais, aujourd’hui, ce cadre risque d’imploser en raison du durcissement des positions des uns et des autres au détriment de la paix et de la sécurité dans une des régions les plus pauvres du Sahel, déjà lourdement impactée par la présence des groupes «djihadiste».