Quand on parle de la publication de n’importe quel type d’ouvrage, tout un processus s’impose avant sa diffusion et sa mise en vente, dont la conception graphique des pages de couverture. Quelles sont les normes auxquelles doit se soumettre la réalisation d’une page de couverture d’un livre, surtout d’un manuel scolaire?
Mohamed Nadji Bestandji, enseignant à l’Ecole des beaux-arts de Constantine estime dans un entretien accordé à El Watan qu’une étude psychologique minutieuse doit être menée en amont de toute publication.
Surtout que, souligne-t-il, cette page de couverture joue un rôle crucial dans l’attrait et l’engagement du lecteur, en particulier les élèves du secteur de l’éducation. Hélas, selon notre interlocuteur, cette étude psychologique est quasiment négligée. «Nous avons de très bons auteurs, du matériel performant pour assurer une bonne qualité du tirage, en plus nous dépensons énormément d’argent pour éditer des livres. En parallèle, nous avons négligé le premier rapport avec le lectorat, soit l’enfant, l’étudiant ou l’adulte.
Ce rapport se perçoit dans les images de la première page de couverture. Certes, on peut dire que c’est un simple dessin, mais derrière il y a toute une psychologie qui devrait être étudiée», a-t-il déclaré. Et de responsabiliser les décideurs algériens, ainsi que les éditeurs, qui doivent se demander pourquoi la psychologie est si primordiale dans le design graphique et le design de communication (qui est la communication visuelle dans sa notion classique). Et de poursuivre que cette communication visuelle a un rapport direct avec des millions de lecteurs, dont chacun a sa particularité et son propre jugement.
Donc, il faut transposer ces notions de design par rapport à l’objectif ciblé, qui est le lecteur. «C’est quelque chose de très simple, mais la portée n’est pas si banale. Avant de réaliser une page de couverture, il faut faire appel à de véritables artistes concepteurs, dotés des connaissances dans le design et la communication. On est en train de prendre le risque en publiant des millions de livres, sans penser que ce corpus est avant tout une belle et efficace maquette», a regretté M. Bestandji.
Un manque de professionnalisme
L’enseignant à l’École des beaux-arts a révélé que le mal est double pour les manuels scolaires et les annales parascolaires. La négligence du volet psychologique dans la conception d’un livre relève d’un inacceptable manque du professionnalisme, selon son évaluation. «Prenez à titre d’exemple un livre de physique ou de mathématiques du troisième palier de l’éducation nationale, illustré par des graphiques insensés. Je n’arrive pas à trouver les mots pour exprimer le manque de respect envers l’étudiant. On aurait pu faire une couverture artistique reflétant le contenu de l’ouvrage.
Ce, en sollicitant un bon graphiste. Pour le cas des élèves du primaire, on n’en parle pas», a-t-il déploré, rappelant que cette importante thématique, qui n’est pas prise en considération, a été débattue lors d’une rencontre organisée récemment à la bibliothèque principale Mustapha Nettour, située à Bab El Kantara, dans la ville de Constantine. Lors de l’événement, un ancien inspecteur de l’éducation intervient pour mettre sous la lumière la spécificité de la psychologie de l’enfant. «Si vous voulez préparer un enfant pour des études, il faut le comprendre et analyser son niveau de perception.
Malheureusement, je ne peux pas avancer la raison pour laquelle les décideurs ne connaissent pas cela et ne l’appliquent pas. Ce qui est sûr, c’est qu’ils doivent faire appel aux professionnels du point de vu édition, en donnant de l’importance à l’image et l’illustration», indique M. Bestandji, recommandant à ce que la copie zéro du manuel scolaire passe par le pretesting (pré-tests) pour recueillir les avis et l’efficacité captivante de l’ouvrage, en consultant plusieurs personnes. Une page de couverture doit résonner avec les motivations et les intérêts des élèves, et qui renforce leur engagement envers le matériel d’apprentissage. L’une des considérations psychologiques importantes est l’identification. Les élèves doivent pouvoir s’identifier à la couverture du livre.
Cela peut être réalisé en utilisant des images, des couleurs et des thèmes qui sont pertinents pour leur âge, leur culture et leurs expériences. L’étude psychologique peut aider à déterminer quels sont les éléments visuels qui vont susciter un sentiment de familiarité et de connexion chez les élèves.
Elles sont nombreuses les notions de base dans ce sens, d’après les propos de notre interlocuteur, qu’aucune ne semblait être appliquée au cours de la réalisation d’un livre scolaire. Notons entre autres l’approche du neuromarketing, où on utilise certaines techniques pour observer le mouvement de la pupille de l’œil où se focalise le regard et autres. L’impact de ce genre d’images de fascicules est immense et loin d’être une procédure banale dans l’apprentissage. La question du professionnalisme resurgit également pour les éditions lors de la conception des romans et autres ouvrages.