Hier encore la cruauté s’est manifestée dans toute sa barbarie dans le quartier Cheikh Redouane, un des toponymes martyrs dans la cartographie de l’horreur qu’Israël fixe quotidiennement comme autant de plaies dans le corps de Ghaza.
Une mère fuyant avec la dernière énergie les «kill shots» d’un sniper israélien, sa petite fille dans les bras, puis s’affalant sur la chaussée devant les regards épouvantés de civils traqués.
Il a fallu à ces derniers se munir de leur réserve de courage et d’une misérable perche pour tirer l’enfant des bras désarticulés de la morte, en prenant le risque d’exposer leur vie dans ce champ de tirs sans limites où se défoulent les tireurs d’élite de la sinistre «Tsahal».
Les images, diffusées hier par la chaîne Al Jazeera, iront peut-être s’ajouter à la compilation des documents, fort nombreux, qui attestent des crimes de Netanyahu et sa clique de forcenés depuis cinq mois, et fournir une autre pièce à conviction au monde quant à ses fermes résolutions à encore tirer dans le tas palestinien.
Plus de deux semaines après le verdict platonique de la CIJ – plus haute juridiction de l’ONU nous dit-on – sommant l’Etat hébreu à «prévenir» tout acte ou incitation au génocide, le plan meurtrier de la task force, qui télécommande la machine à exterminer de Tel-Aviv, poursuit son œuvre sans l’ombre d’un état d'âme.
La communauté internationale continue, quant à elle, à faire ce qu’elle sait et peut le mieux : chercher ses mots les plus forts pour mieux s’offusquer et avoir bonne conscience. Les mises en garde en provenance des alliés les plus proches et les plus impliqués aux côtés de Tel-Aviv, depuis le début du cauchemar qui s’est abattu sur la population palestinienne, pleuvent ces derniers jours sur le bureau du Premier ministre israélien, qui s’apprête, tête baissée et oreilles bouchées, à foncer sur le dernier refuge territorial théoriquement consenti aux civils à Rafah.
Quitte à provoquer un énième bain de sang, Benyamin Netanyahu, aveuglé par la nécessité impérieuse pour sa maudite carrière politique de réaliser un succès militaire contre ce Hamas décidément plus résistant que prévu, tient à son délire meurtrier d’un assaut final avant le Ramadhan.
Il jure que parmi les centaines de milliers de Ghazaouis qui s’accrochent encore à la vie dans le sud de l’enclave, se dissimulent des brigades de combattants palestiniens et leurs chefs qu’il rêve de présenter en trophées de guerre à une opinion dont il a perdu depuis longtemps les faveurs. Comme auparavant fut juré qu’un QG du même Hamas se terrait au sous-sol de l’hôpital Al Shifa et d’autres lieux inoffensifs recueillant la détresse des civils. Qu’importe les avertissements des organisations humanitaires, les jugements des juridictions internationales, le concert des condamnations et les démarcations des parrains.
Qu’importe également que le voisin frontalier et «partenaire de paix» égyptien, dont les nerfs ne tiennent plus après 5 mois d’équilibrisme qui frise le renoncement, soit acculé à préparer ses troupes pour parer aux débordements de la guerre annoncée, et au déplacement chaotique et massif des populations dans ce Sinaï lorgné depuis toujours par le noyau dur messianique de l’Etat hébreu…
Après avoir assisté en spectateur à la guerre la plus meurtrière et la plus dévastatrice de l’histoire récente sur le nord de Ghaza, de l’avis même des expertises de l’ONU, avec des tueries sans précédent de femmes et d’enfants, une traque à mort des journalistes et l’anéantissement massif du patrimoine urbain, le monde s’apprête tout aussi complice ou impuissant à laisser faire à Rafah.
La guerre que mène Netanyahu depuis cinq mois est la plus dévastatrice de l’histoire récente sans doute, et ses victimes ne sont pas seulement les près de 30 000 morts palestiniens et leur terre violée.
Tout ce qu’a pu construire le monde comme valeurs humaines et concepts de droits est en train, lui aussi, de crouler sous les décombres à Ghaza.