Devant sa supérette de la vieille ville d’El Qods, Alaa Zorba hurle sur un policier israélien, qui lui répond aussi sec. Peu après, l’incident est clos. Mais ces tensions entre Israéliens et Palestiniens, en crescendo, peuvent dégénérer à tout moment.
«Ils mettent de l’huile sur le feu», accuse le marchand palestinien qui rentre des provisions dans son épicerie de la rue Al Wad, principale artère du quartier musulman de la vieille ville, à proximité de trois policiers israéliens.
Peu auparavant, le Palestinien de 45 ans a vu l’un d’eux demander ses papiers d’identité à un musulman qui voulait aller sur l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam et premier site sacré du judaïsme connu sous le nom de mont du Temple.
Le fidèle est congédié sans raison apparente, le policier lui intimant de tenter sa chance par une autre entrée, bien plus loin.
Peu de temps après, le même policier souhaite une joyeuse Pâque à un juif passant par là, faisant perdre toute patience à M. Zorba.
«Je leur ai crié qu’ils étaient dérangés», explique-t-il après avoir été calmé par d’autres Palestiniens. Après le bref accrochage, plus violent en mots qu’en coups, chacun retourne vaquer à ses occupations.
A proximité, un jeune Palestinien menotté suit deux policiers israéliens.
Nul ne sait pourquoi il a été interpellé mais nul n’y prête vraiment attention tant la scène paraît courante. «Jour après jour, la tension grandit», se désespère Alaa Zorba.
«Atmosphère de guerre»
La vieille ville d’El Qods est divisée en quatre quartiers (juif, musulman, chrétien, arménien) foulés par des fidèles de chaque religion, des habitants, des curieux et des touristes, sous surveillance des forces israéliennes postées à chaque coin de rue.
Mais elle reste le foyer permanent de tensions, les Palestiniens – chrétiens comme musulmans – accusant des organisations nationalistes israéliennes de chercher à coloniser et «judaïser» ce carrefour des grandes religions monothéistes, situé dans la partie palestinienne de Jérusalem, occupée et annexée par Israël depuis 1967.
Les accrochages se sont multipliés ces derniers jours alors que les musulmans célèbrent le Ramadhan, mois de jeûne, et les juifs la Pâque juive, des fêtes propices à de grands rassemblements dans la vieille ville.
Vendredi 15 avril, la tension s’est muée en heurts sur l’esplanade entre manifestants palestiniens et forces israéliennes, faisant plus de 170 blessés palestiniens. Et hier, de nouveaux affrontements ont éclaté en matinée.
«La situation est très difficile, l’atmosphère est celle d’une guerre», lance sans détour dans sa boutique d’épices, Firas Mohamad, un autre commerçant de la rue Al Wad, qui continue cependant de recevoir quelques clients normalement.
M. Mohamad en veut aux juifs ultra-orthodoxes et parfois nationalistes qui défilent devant sa boutique, souvent escortés par des gardes de sécurité, en direction du mur des Lamentations ou de l’esplanade des Mosquées.
Ils n’avaient pas l’habitude de passer par le quartier musulman, mais aujourd’hui «ils viennent en groupe, avec des drapeaux, crient ‘‘Mort aux Arabes, mort aux musulmans’’, viennent créer des problèmes», relate Firas Mohamad. Et la police israélienne «ne fait rien».
Au contraire, se révolte-t-il, elle les laisse gagner l’esplanade, site administré par la Jordanie mais dont l’accès est contrôlé par l’Etat hébreu, où ils peuvent entrer à certaines conditions et ne sont pas autorisés à prier.
«Merci beaucoup»
Cette semaine, plus de 3800 juifs s’y sont rendus, battant un «record» d’affluence à l’occasion de la Pâque juive, selon l’organisme israélien chargé des visites.
En sortant du site, certains déclament des chants religieux, voire se couchent à même le sol pour l’embrasser dans la ferveur de leurs prières, à quelques pas seulement d’habitants palestiniens pour lesquels ces visites sont vécues comme des provocations.
Se dirigeant vers la sortie de la vieille ville, un juif ultra-orthodoxe, châle de prière sous le coude, passe devant des policiers israéliens et leur souhaite une joyeuse Pâque. Puis leur lance un «merci beaucoup».
«Je les remercie parce qu’ils (...) nous protègent», explique-t-il, sans vouloir décliner son identité. «S’ils n’étaient pas là, nous ne pourrions pas marcher aussi facilement ici», assure-t-il. Dans une rue adjacente où règne le calme, Nader Zaro, un cafetier palestinien, sent la pression monter. «Un jour, ça va finir par exploser», prévient-il.