Migration en France et manipulations

05/04/2023 mis à jour: 01:49
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Un sentiment de doute et d’incompréhension est suscité par des chaînes françaises qui diffusent, ces derniers jours, entre deux flashs, sur le chaos provoqué, lors des manifestations périodiques liées à la retraite, des statistiques sur le taux de la population immigrée vivant en France, en hausse, puisque de 6,5%, il y a un demi-siècle, il est passé à 10,3%.

Le message délivré suggère des questionnements, mais dans l’inconscient collectif, en s’invitant, malgré elle et indirectement dans la crise qui secoue la France, forcément, l’immigration est aussi de la partie, impliquée, dans ce débat bouillant et parfois violent.

Mais ce qui ressort des sondages de l’INSEE, et ce qu’on peut en déduire, c’est que la tendance est à la hausse, puisque le nombre des nouveaux arrivants en France a augmenté, et que le sujet très sensible n’a jamais été étudié dans la sérénité, avec tout le poids qu’il exige.

Il devait l’être en cette période, mais il a dû être reporté, avec l’intention de l’aborder, prochainement, en deux parties. Le rapport statistique, révélé, désigne les catégories des migrants et leurs pays d’origine.

Ce qui pose la question récurrente de la compatibilité des statistiques ethniques avec les préceptes de la République. Le migrant reste présenté dans l’imaginaire collectif comme le citoyen de trop, venu disputer sa prospérité menacée au Français de souche.

On pensait ce débat clos, du moment que la France s’est déclarée favorable à la venue de cette main-d'œuvre migrante, nécessaire à l'économie française et dont une partie est dévolue à des métiers peu attirants, ou métiers en tension, rebutants pour les locaux.

Voici les statistiques dévoilées par l’institut sus-cité. En 2021 : 47,5% des immigrés vivant en France sont nés en Afrique, 33,1% sont nés en Europe. Les pays de naissance les plus fréquents des immigrés sont l’Algérie (12,7%), le Maroc (12%) le Portugal (8,6%), la Tunisie (4,5%), l’Italie (4,1%), la Turquie (3,6%) et l’Espagne (3,5%).

La moitié des immigrés sont originaires de ces sept pays (49%). L’annonce de ces statistiques, dans ces moments troubles, insinue-t-elle que les migrants demeurent toujours la cible des extrémistes.

Comme ce sieur Menard, ancien président de Reporters sans frontières, recyclé dans l’extrême droite française, qui déclarait, il y a quelques années, que les écoles de sa ville, Béziers, dont il est maire, accueillait 64,6% d’enfants de confession musulmane.

Interrogé par un chroniqueur sur l’origine de ce chiffre, il a répondu : «Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit, mais on le fait. Les prénoms disent les confessions.

Dire l’inverse, c’est nier une évidence.» L’enquête préliminaire ouverte par le procureur de Béziers, pour «tenue illégale de fichiers, en raison de l’origine ethnique», fut classée sans suite deux mois plus tard, en raison de l’absence de preuves.

Mais entre-temps la polémique avait enflé. Menard avait volontairement grossi ce chiffre, avec l’arrière-pensée de semer la haine et la peur au sein de la société, en fantasmant sur ce nombre amplifié, tentant de le faire admettre comme «un péril pour la République».

Le maire de Béziers, qui a toujours eu les faveurs du monde des médias dont il est issu, avait menti, mais n’a pas fait l’objet de la moindre sanction, bien que la Constitution française est particulièrement claire à cet égard, dans son article premier, qui dispose que la France «assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion».

Pour la démographe Michèle Tribalat, qui est au parfum des manœuvres diaboliques du maire, «qui n’a pas dit 60%, ou deux tiers, ce qui aurait pu laisser penser à une approximation à vue de nez, mais 64,6%, ce qui évidemment suggère qu’il a fait un calcul précis», est convaincue de cette entourloupette indigne et en tire intelligemment la conclusion avec ironie. «Tout est dans la virgule.»

En France, ce qui est paradoxal, c’est d’exiger des individus d’origine étrangère qu’ils s’intègrent à la société française, tout en les encourageant à se définir en termes ethniques ou religieux ainsi que l’avait soutenu, il y a des années, Elisabeth Badinter.

«Interroger nos concitoyens sur leur sentiment d’ appartenance et de discrimination revient tout simplement à renforcer le communautarisme, qui est, par ailleurs, combattu par l’Etat, et conduit à la rupture du ''Nous collectif''.»

Quand on se penche sur le durcissement des conditions d’immigration, prévu dans le projet de loi en cours d’élaboration, on déduit que ce n’est pas demain la veille pour cette catégorie de la population, considérée toujours, au choix, comme le «mouton noir» ou le bouc émissaire.
 

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