Méditerranée : Les cultures d’hiver contrariées en raison de la sécheresse

07/04/2022 mis à jour: 02:16
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Photo : D. R.

Le réseau MED-Amin, qui traite les questions de sécurité alimentaire en Méditerranée et de transparence sur les marchés agricoles, vient de publier le premier bulletin de la saison. Il fait état des conditions assez «désastreuses» au Maroc et assez préoccupantes en Algérie, notamment quant à la capacité de produire des céréales à moyen terme.

Les cultures d’hiver de la plupart des régions du nord et de l’est de la Méditerranée se portent bien en ce premier semestre 2021-2022, selon les perspectives précoces des cultures d’hiver fixées au 10 mars dernier.

Cependant, une sécheresse intense et de longue durée entrave la future récolte des cultures d’hiver au Portugal, au Maroc, au ouest de l’Algérie et peut potentiellement gêner d’autres régions productrices de la zone du Maghreb, l’Italie et l’Espagne si les pluies tardent davantage dans les prochaines semaines, selon le bulletin de Med-Amin. Le bulletin en question donne ainsi un aperçu de l’évolution des cultures céréalières en région méditerranéenne.

Il fournit une prévision qualitative précoce de la campagne 2021-2022, avec un accent particulier sur le blé tendre, le blé dur et l’orge. Ce premier aperçu passe en revue les conditions de culture depuis les semailles jusqu’au 10 mars et sera suivi de deux autres rapports en mai et juin prochains.

Cette initiative de surveillance des cultures et d’alerte précoce a été progressivement développée depuis 2016 par le réseau MED-Amin en collaboration avec le Centre Commun de Recherche (CCR). En Algérie, d’une manière générale, les conditions climatiques ont permis un développement végétatif plutôt normal pour les cultures de céréales d’hiver (wilayas de l’Est). Dans l’Ouest, cependant, les récoltes sont préoccupantes, toujours selon le même bulletin.

Les conditions climatiques du début de la campagne agricole en cours ont été marquées par un déficit pluviométrique durant les mois de septembre et octobre 2021, entraînant un retard dans l’exécution des opérations de préparation des sols et également dans la mise en place des céréales (notamment dans les régions de l’Ouest et du Centre).

Amelioration

Une amélioration modérée des conditions climatiques a été constatée avec le retour des pluies en novembre, ce qui a permis aux céréaliers l’espoir de la reprise des labours-semis dans de bonnes conditions d’humidité du sol et du démarrage des labours d’automne.

Ainsi, avec le retour au calme au cours du mois de décembre 2022, les agriculteurs ont pu effectuer des travaux du sol et des semis dans les différents horizons. Le mois de janvier a été caractérisé par la rareté des précipitations, notamment dans les wilayas de l’ouest et du centre du pays, qui a eu un impact négatif sur les semis de décembre.

En février, une absence quasi-totale des précipitations et des températures froides ont eu lieu, et les phases végétatives se sont ralenties surtout pour les semis précoces dans les wilayas de l’Ouest. A Tiaret, la wilaya la plus productive, et dans une moindre mesure à Sidi Bel Abbès, les céréales sont en effet en mauvais état du fait des anomalies sèches et froides.

Le retour des pluies en mars avec des températures plus clémentes ont permis une reprise partielle et une accumulation rapide de la biomasse. Le bulletin signale que le taux de fécondation plus faible que lors des campagnes précédentes à la suite de l’augmentation des prix des engrais peut avoir un impact négatif sur le rendement.

Toujours en Algérie, pour l’orge particulièrement, il est concerné par des conditions abiotiques mixtes à défavorables dans plusieurs régions critiques de la Méditerranée.

Environ un quart (23% des surfaces surveillées) de la surface plantée de MED-Amin est mis en évidence comme «à surveiller», «médiocre» ou «mauvaise récolte». Dans plusieurs pays, l’orge est la culture d’hiver la plus touchée, car les cultures récemment plantées ont davantage souffert de la sécheresse.

En Algérie représentant 12% de l’approvisionnement en orge de la zone MED-Amin (sur la base des 5 dernières années en moyenne), de nombreuses zones plantées sont sous conditions de «surveillance» en attendant les pluies nécessaires, en particulier dans l’ouest et les wilayas centrales (moins de 60% de la production algérienne).

Ailleurs

Les conditions de culture dans l’ensemble du bassin interviennent dans un contexte mondial de prix élevés et de tensions commerciales, éléments qui peut compromettre davantage la sécurité alimentaire dans la zone surveillée, jusqu’à la mi-2023.

Dans un contexte de hausse des prix déjà élevés sur le marché mondial, dopé par la guerre en Ukraine, un coffret vedette a été ajouté pour donner un aperçu des impacts possibles de la flambée des prix des intrants (dont les engrais) dans la région méditerranéenne. Fourni par la FAO, il examine et mesure les impacts possibles sur la campagne en cours et à venir pour la production de céréales.

Aussi, alors que des changements sont déjà signalés sur le terrain des pays méditerranéens (et ailleurs), un nouveau moteur «faible intrant» a été ajouté afin de donner une vision plus réaliste des perspectives de récolte future au-delà des facteurs abiotiques traditionnels.

Le réseau MED-Amin, regroupant 13 pays méditerranéens et coordonné par le CIHEAM (Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes), vise à réduire la volatilité des prix sur les marchés agricoles. Cette initiative jette les bases d’un système d’alerte précoce renforçant la sécurité alimentaire dans la région.

Le bulletin précise qu’au 10 mars, les perspectives générales des cultures d’hiver dans les pays méditerranéens sont plutôt positives malgré des conditions contrastées illustrant des différences entre les régions. Les régions du sud-ouest du bassin méditerranéen sont touchées par une sécheresse persistante depuis le début de la campagne, qui a déjà entravé la récolte au Maroc et au Portugal.

Des pluies tardives ont permis de redresser en partie la situation en Algérie et en Tunisie. Les cultures d’orge sont particulièrement affectées par le stress hydrique, car le cycle de développement est plus court que le blé. Néanmoins, les perspectives régionales du blé dur sont les moins positives des trois suivies les cultures d’hiver, car les pays actuellement les plus touchés sont également des producteurs importants de cette céréale au niveau méditerranéen (par exemple le Maroc).

Dans d’autres régions méditerranéennes, les conditions sont plutôt favorables (Turquie, France, Egypte, Liban…). Cependant, certaines régions importantes sont considérées sous état de veille en Espagne, en Italie et en Grèce, en raison d’anomalies agrométéorologiques plus limitées et d’un état de culture plus favorable en automne.  

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