Les eurodéputés ont adopté, lors d’une réunion à huis clos au Parlement européen, un nouvel ensemble de lignes directrices visant à interdire l’accès des lobbyistes marocains à l’enceinte de l’institution continentale, secouée depuis plusieurs mois par un vaste scandale de corruption dans lequel le Maroc est notamment embourbé, ont rapporté hier des médias.
Selon le média américain Politico, le document de quatre pages, marqué du sceau «Pour usage interne uniquement», indique que les lobbyistes marocains, qui se sont enregistrés dans le registre de transparence, sont interdits de l’enceinte du Parlement «par mesure de précaution à la lumière des procédures en cours».
Il souligne également que les députés européens ne seront pas autorisés à effectuer des voyages officiels au Maroc tant que l’enquête criminelle se poursuivra. Par ailleurs, les eurodéputés et membres du personnel sont priés de demander l’autorisation du Parlement européen pour inviter les diplomates des pays dans les locaux, et les législateurs doivent également informer la présidente du Parlement, Roberta Metsola, chaque fois qu’ils les rencontrent.
Les lignes directrices sont principalement conçues pour clarifier la situation des députés européens et donner à Metsola et aux hauts fonctionnaires un meilleur contrôle sur qui rencontre qui, dans le cadre d’une enquête pénale en cours en Belgique concernant les pots-de-vin du Maroc aux eurodéputés.
Leur adoption fait suite à des appels lancés en décembre 2022 et février 2023 par une majorité d’eurodéputés visant à exclure les lobbyistes marocains du Parlement européen. «Cela conduira très probablement à une situation où ces règles seront officialisées à l’avenir», a déclaré un responsable du Parlement européen s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
«Nous devons savoir qui ils rencontrent et pourquoi ils se rencontrent. Je pense que tout le monde comprend que cela ne peut pas être comme avant», a-t-il ajouté.
Pour rappel, dans le cadre de l’affaire de corruption ayant éclaboussé le Parlement européen, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, saisis aux domiciles de Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d’ONG et qui fait figure de personnage central dans cette histoire, et de l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci.
Comme M. Panzeri, Mme Kaili a déjà été écrouée, de même que son compagnon, l’Italien Francesco Giorgi, assistant parlementaire, un autre Italien, Niccolo Figa-Talamanca, responsable d’ONG et le Belge Marc Tarabella. Ils sont inculpés d’ «appartenance à une organisation criminelle», «blanchiment d’argent» et «corruption».
Francesco Giorgi aurait notamment expliqué aux juges que l’eurodéputé Andrea Cozzolino était impliqué dans cette affaire et a eu des contacts avec l’ambassadeur du Maroc à Varsovie, Abderrahim Atmoun, grâce à Panzeri, qui était le président de la commission Maghreb et qui avait ensuite passé le relais à Cozzolino.
Acculé, Andrea Cozzolino a fini par démissionner de la commission parlementaire spéciale sur le programme Pegasus (logiciel espion utilisé notamment par le Maroc) et de la commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne. Dans la foulée des évènements, l’eurodéputé italien a demandé à la commission du développement régional du Parlement européen de retirer une série de ses amendements, dont deux concernaient le Maroc.
Cozzolino a été suspendu le 16 décembre du registre des membres et électeurs du Parti démocrate ainsi que de tous les postes au sein du parti après que son nom a figuré dans l’enquête de la justice belge.