Les sanctions prises contre la Russie suite au conflit en Ukraine risquent de perturber la production russe de pétrole et, par ricochet, créer un «choc» sur la production mondiale de pétrole, a indiqué l’Agence internationale de l’énergie (AIE) hier dans son rapport mensuel.
Etant le pays le plus gros exportateur mondial de pétrole brut et de produits raffinés, avec 8 millions de barils par jour (mb/j), le volume de ses barils exportés pourrait baisser de près de la moitié et aucun autre pays producteur ne s’est pour le moment proposé pour compenser cette perte. D’où la crainte d’un «choc» de l’offre qui perturbera davantage le marché. «La perspective de perturbations à grande échelle de la production russe menace de créer un choc mondial de l’offre pétrolière», a indiqué l’AIE, qui a estimé que 3 mb/j de pétrole russe pourraient être indisponibles à partir d’avril, un volume qui pourrait augmenter «si les sanctions contre la Russie deviennent plus sévères».
Des pertes pour le marché qu’aucun autre pays n’est disposé, pour l’instant, à combler. Face à ces pertes, l’AIE note qu’«il y a peu de signes d’une augmentation de l’offre provenant du Moyen-Orient ou d’une réallocation significative des flux commerciaux».
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses alliés, notamment la Russie, au sein de l’Opep+, se refusent à augmenter leur production pour soulager le marché, se tenant à un relèvement graduel de 400 000 barils par jour chaque mois. Quant aux pays disposant de capacités de production supplémentaires, à l’instar de l’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, ils n’ont pas donné pour l’instant leur accord pour une éventuelle compensation des pertes.
Les pays du G7 ont, pour rappel, appelé la semaine dernière les pays producteurs de gaz et de pétrole à «augmenter leurs livraisons» pour faire face à la hausse des prix de l’énergie due à la guerre en Ukraine et aux sanctions imposées à la Russie.
En ce qui concerne la perspective d’un retour de l’Iran, dans le cadre d’un possible accord sur le dossier nucléaire, elle ne sera pas immédiate. L’AIE estime en plus que les exportations iraniennes pourraient augmenter d’environ 1 mb/j sur six mois, donc pas assez pour compenser la perte du pétrole russe. Le Venezuela – avec lequel Washington a repris le dialogue – ne pourrait pour sa part fournir qu’une contribution «modeste» en cas de levée des sanctions américaines, indique le rapport de l’AIE. Hors de l’Opep+, d’autres pays augmenteront certes leur production – Brésil, Canada, Etats-Unis et Guyana – mais le potentiel est «limité» à court terme.
Les Etats-Unis ont notamment un potentiel important avec leurs réserves de pétrole de schiste, mais cela devrait mettre des mois à se matérialiser.
Devant les scénarios pessimistes quant à l’offre mondiale de pétrole, et côté demande, l’AIE a également revu en baisse sa prévision de croissance pour 2022 d’environ 1 mb/j, en raison de l’effet de l’augmentation des cours des matières premières et des sanctions contre la Russie sur l’économie mondiale. La demande mondiale est désormais attendue en hausse de 2,1 mb/j cette année, pour atteindre un total de 99,7 mb/j.
L’AIE – créée en 1974 pour faire face au choc pétrolier – indique qu’elle publiera cette semaine des recommandations pour faire baisser la demande à court terme. Dans certains pays, il a été, par exemple, suggéré de baisser la limitation de vitesse sur les routes, de baisser le prix des transports en commun ou de recourir au télétravail.
L’Agence indique que si la situation actuelle constitue un défi énorme pour les marchés de l’énergie, elle représente aussi des «opportunités» : «L’alignement actuel entre des facteurs économiques et de sécurité énergétique pourrait bien accélérer la transition au détriment du pétrole.»
Pour rappel, la guerre en Ukraine a créé une forte volatilité sur les marchés du pétrole, dont les cours se sont approchés de leurs records. Le Brent a ainsi atteint 139,13 dollars le 7 mars, avant de refluer et flirter avec les 100 dollars ces deux derniers jours.
M. M. et agences