La monnaie nationale s’échangeait nettement en baisse, hier, sur les plaques tournantes du change parallèle, les cambistes du Square Port Saïd craignant que l’Etat mette à exécution son plan d’absorption des capitaux du marché informel des devises via son soutien à la création de bureaux de change.
Les principales devises reprenaient de vigueur ; l’euro s’échangeait contre 229 dinars, alors que le dollar américain est cédé à 216 à la vente. Le bond est pour le moins spectaculaire ! La principale devise du Vieux Continent s’échangeait contre 225 dinars, tandis que le billet vert se maintenait autour de 205 dinars il y a de cela à peine une semaine.
L’euro grappillait ainsi 4 à 5 dinars pendant que la monnaie américaine gagnait à son tour plus de 10 dinars en un laps de temps de moins d’une semaine, sur un marché pris carrément dans un tourbillon de folles informations, faisant craindre la disparition d’un des pans de l’économie souterraine.
Plus tôt la semaine dernière, la Banque d’Algérie a annoncé l’adoption d’un projet de règlement relatif aux conditions d’autorisation, de constitution, d’agrément et d’exercice des bureaux de change. Cette démarche vise à créer les conditions idoines à même de favoriser le déploiement d’un vaste réseau national de ces bureaux, lit-on dans le communiqué diffusé par la Banque centrale.
Cette annonce, qui fait remonter à la surface le débat sur la disparition des circuits de change informels, suscite une véritable psychose qui s’est emparée aussitôt des principales places du change parallèle, les cambistes nourrissant, pour certains, la crainte que l’Etat passe enfin à l’action pour éradiquer les zones de change parallèle, tandis que d’autres se mettant en position d’attente en scrutant la moindre nouveauté provenant de la Villa Joly.
Rien n’a été encore annoncé depuis l’adoption du fameux projet de règlement lié à l’exercice des bureaux de change, mais nombre d’acteurs et d’observateurs de la place bancaire et financière accréditent l’idée selon laquelle le texte en question serait un prélude à l’avènement d’une réglementation encadrant l’activité des bureaux de change et à une remise en cause claire d’un marché parallèle - jusqu’ici toléré -. En tout cas, l’impact le plus évident de la dernière annonce de la plus haute autorité monétaire est que les cambistes augmentent leurs marges de gain, comme pour s’emparer d’un butin avant que d’autres viennent y mettre la main.
Baisse de l’offre
La hausse des primes appliquées par les cambistes ne traduit pas uniquement la psychose ambiante, mais liée, comme dans un marché normal, à l’équilibre entre l’offre et la demande. Le dinar pâtit sur les plaques tournantes du change parallèle d’une baisse de l’offre provenant des émigrés, pris en tenailles entre une inflation pesante et un pouvoir d’achat en perpétuelle érosion.
Les transferts des émigrés algériens établis dans les capitales occidentales connaissent un déclin évident, sur fond d’une inflation qui affecte le pouvoir d’achat et la répartition des revenus. «La baisse du pouvoir d’achat en Europe a pénalisé l’offre en devises et l’activité du change entre Alger et les capitales européennes accuse le coup», témoigne un des cambistes du Square Port Saïd qui, plutôt que de replier les voiles, préfèrent augmenter la prime à la vente pour compenser la baisse de l’offre.
Côté demande, le scénario d’une probable hausse de la demande se confirme avec, comme élément palpable, l’ouverture de la saison des voyages religieux (Omra) qui, comme à l’accoutumée, viendra mettre le marché du change parallèle en ébullition, faute d’une offre bancaire suffisante.
Certains admettaient d’ailleurs, sans réserve aucune, que si le marché parallèle était tacitement toléré, en l’absence des bureaux de change, c’est parce que l’offre bancaire était peu capable de répondre à l’offre.
Et si la situation devait changer au profit de l’avènement d’une activité de changé régulée, c’est parce que les circuits parallèles ont atteint une ampleur et un niveau de sophistication tel qu’il faille y mettre un terme. Le Fonds monétaire international (FMI) voit en tout cas d’un mauvais œil l’existence d’un marché parallèle des devises et appelait, sans relâche, à mettre un terme à cette double parité du dinar.
La libéralisation de l’activité du change par son ouverture à d’autres acteurs extra-bancaires pourrait être la solution, à la condition d’apporter des correctifs au cadrage réglementaire actuel. Il ne s’agira pas, bien évidemment, d’une libéralisation des mouvements de capitaux qui nécessite une convertibilité du dinar, mais d’une ouverture de l’activité de change à de nouveaux acteurs. La libéralisation des transactions en capital, elle, ne peut être envisagée dans l’état actuel des choses.