Macron affrontera Le Pen au 2e tour de la présidentielle française : La théorisation de l’extrême centre

12/04/2022 mis à jour: 03:02
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Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront au second tour, le 24 avril

Alors qu’une immense majorité de Français aurait préféré une autre affiche pour le second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron est une nouvelle fois largement arrivé en tête (27,6%), devant la très droitière Marine Le Pen (23,4), le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (22) et un deuxième candidat de l’extrême-droite, Eric Zemmour (7,1). Même si aucun scrutin n’est gagné d’avance, avec près de 28% des suffrages, Emmanuel Macron a de fortes chances d’être réélu le 24 avril 2022. 

Simple arithmétique. Les suffrages hostiles à l’extrême droite représentent pas moins de 35% des votes : Mélenchon en portant à lui seul 22%, auxquels s’ajoutent les 1,6% de l’extrême gauche, les 4,6% de l’écolo Jadot, les 2,3% du communiste Roussel, les 1,7% de la socialiste Hidalgo. Voix de gauche auxquelles il faut ajouter les suffrages de la droite s’étant portées sur Valérie Pécresse (LR 4,8%)…

Ainsi, la théorisation macronienne de la force centrifugeuse de l’extrême centre pourrait bien fonctionner une nouvelle fois grandeur nature, Macron, devenue figure centrale concentrant les appels à faire barrage à Le Pen (ou à voter pour lui) de ses concurrents défaits, de gauche classique (Hidalgo, Jadot, Roussel) ou radicale (Poutou), comme de droite (hormis évidemment l’extrême droite de Zemmour et Dupont Aignan – 2,1% – qui soutiendront Le Pen). 

Le postulat macronien était que le temps de la gauche et la droite qui prenaient le pouvoir alternativement de puis 1974 était révolu. Le président Giscard d’Estaing (1974-1981) avait le premier nourrit la notion que la France voulait être gouvernée au centre. Emmanuel Macron a appliqué scrupuleusement cette notion politique. Comme l’alternance gauche droite à la tête du pays était devenue inopérante, Macron en a tiré des conclusions pratiques. En 2016, transfuge du gouvernement socialiste de François Hollande, le ministre de l’Economie et futur candidat Macron avait dynamité la possibilité du président sortant de se représenter. Puis, s’affirmant comme un avatar d’un «nouveau monde», il avait détruit le parti socialiste en absorbant une partie de ses cadres pour créer son mouvement En Marche.

GAUCHE ET DROITE DE GOUVERNEMENT LAMINÉES

Aujourd’hui, la candidate socialiste Anne Hidalgo (pourtant soutenu par l’ancien président François Hollande) a récolté 1,7% des voix. Un cuisant et paradoxal échec pour un parti qui gère plusieurs régions et administre grand nombre de départements et de grandes communes. A gauche, même constat pour le parti Europe Ecologie-Les Verts de Yannick Jadot qui, malgré la pertinence des questions écologiques rappelées par le récent rapport du Giec, réunit 4,6% des voix. Fabien Roussel pour le retour du Parti communiste dans la compétition présidentielle fait 2,3%, en dépit d’une campagne dynamique. Un mot pour les deux partis trotskistes Nouveau parti capitaliste (Philippe Poutou) et Lutte ouvrière (Nathalie Artaud) qui, à deux font 1,6%. 

Ce scrutin aura aussi marqué la défaite de la droite républicaine qu’Emmanuel Macron n’a eu de cesse de déstabiliser dès 2017 en prenant dans ses rangs le Premier ministre Edouard Philippe. Puis le deuxième et actuel Premier ministre, Jean Castex, proche de l’ancien président de droite Nicolas Sarkozy. Ce dernier ne s’est pas engagé pour soutenir son ancienne ministre Valérie Pécresse, qui échoue lamentablement avec 4,8% des voix. Il faut dire que plusieurs membres de LR (Les Républicains) avaient quitté le navire, soit pour rejoindre Eric Zemmour ou pour se rapprocher du parti présidentiel La République en marche. D’autres ont appelé dès dimanche soir à voter pour Marine Le Pen, comme Eric Ciotti, député des Alpes maritimes. Pécresse, la candidate LR défaite, ayant très rapidement expliqué qu’elle donnera son suffrage à Macron, incitant ses électeurs à en faire de même. 

Bilan, il ne reste plus rien de la gauche et de la droite de gouvernement qui dirigeaient la France alternativement de 1974 à 2017… Une partie de sa substance a été absorbée par l’aspirateur politique macronnien.

LES TROIS FORCES QUI SE DESSINENT

Ainsi, la déconfiture politique française semble avoir atteint le point de non-retour avec une France divisée en trois tiers. Soit trois forces qui se dessinent. Tout d’abord la «lessiveuse» macronienne qui n’a cessé de recycler gauche et droite classiques et un part de «nouveau monde» théorisée par Emmanuel Macron lors de son ascension vers le pouvoir en 2016. Au soir du 10 avril, cela fait autour de 30%. Deuxième bloc, celui de la droite extrême de Le Pen, Zemmour et Dupont Aignan, pour autour de 30%. Enfin le bloc de 30% de l’engagement d’une gauche qu’on ne peut encore tout à fait nommer comme «nouvelle gauche». 

Cette tendance, après l’échec de la gauche traditionnelle, n’en porte pas le nom. Elle cherche à se vitaliser après la mise à l’écart confirmée du Parti socialiste, jadis au centre du jeu politique à gauche. Cet engagement s’est revigoré avec L’Union populaire-la France insoumise portée par Jean-Luc Mélenchon, qui a annoncé dimanche soir qu’il passait le relais. Une nouvelle proposition de gauche qui devra trouver un terrain d’entente avec les Verts et les Communistes. 

Ces trois forces devront de nouveau composer avec les humeurs de l’électorat dans deux mois pour les législatives, véritable troisième tour présidentiel puisque par le passé, le Président élu était assuré d’avoir une majorité. Qu’en sera-t-il en juin ? La campagne de second tour de la présidentielle et les résultats du 24 avril seront un marqueur décisif. 

Paris
De notre bureau  Walid Mebarek

La chasse aux électeurs est ouverte pour Macron et Le Pen

Le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, qui s’affronteront le 24 avril au deuxième tour de la présidentielle française, ont entamé hier une campagne acharnée pour convaincre des électeurs peu emballés par ce duel, notamment au sein de la gauche radicale arrivée en troisième position dimanche.

«Rien n’est joué», «c’est une nouvelle campagne qui commence»... Les deux camps ont insisté sur l’importance des deux prochaines semaines avant le second tour, pour lequel les sondages prévoient une victoire d’Emmanuel Macron beaucoup plus étriquée qu’en 2017, quand il avait battu sèchement la dirigeante de l’extrême droite.

Arrivé dimanche soir en tête du premier tour avec 27-28% des voix devant Mme Le Pen (23-24%), le président sortant recueillerait entre 54% et 51% des voix au second tour, contre 46-49% pour sa rivale, selon des sondages réalisés dimanche après le premier tour. «Cette élection, il va falloir aller la chercher, parce que rien n’est joué», a reconnu hier matin le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur la radio France Inter.

M. Macron, entré très tardivement dans l’arène, a été critiqué pour n’avoir pas vraiment fait campagne au premier tour.

Sur la même radio, Jordan Bardella, président du Rassemblement national de Marine Le Pen, s’est dit convaincu que sa candidate bénéficierait d’un fort report des suffrages parmi «les 70% de Français qui ont voté contre» le président sortant, et a indiqué ne «pas croire» au «front républicain» contre son parti.

Trois candidats malheureux à gauche, l’écologiste Yannick Jadot (moins de 5% des voix), le communiste Fabien Roussel (2-3%), la socialiste Anne Hidalgo (moins de 2%), ont explicitement appelé leurs électeurs à voter Emmanuel Macron. La candidate pour la droite traditionnelle Valérie Pécresse a annoncé également son intention de voter «en conscience» pour Emmanuel Macron. Les deux finalistes vont devoir mobiliser les électeurs alors que le premier tour a été marqué par une forte abstention de 25,14% et une désagrégation spectaculaire des deux partis historiques de l’histoire politique française, qui ont réalisé le pire score de leur histoire : avec moins de 5% pour Mme Pécresse, et moins de 2% pour la socialiste Anne Hidalgo. Illustration de cette débâcle, Valérie Pécresse a lancé un appel aux dons pour permettre à son parti de rembourser les frais de campagne et pour «la survie de la droite républicaine». La loi française prévoit en effet un remboursement des frais de campagne très limité pour un parti obtenant moins de 5% des suffrages.

Chasse aux électeurs

En principale ligne de mire des deux candidats, figurent les électeurs du candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième sur les talons de Marine Le Pen avec près de 22% des voix et qui apparaît désormais en position d’arbitre. M. Mélenchon, leader de La France insoumise (LFI) a répété dès dimanche soir que «pas une voix» ne devait aller à l’extrême droite, sans pour autant appeler à voter pour M. Macron. Une position réitérée hier matin par son numéro 2 Adrien Quatennens, ajoutant toutefois que «la responsabilité totale de ce qui va se passer au second tour incombe au principal protagoniste, Emmanuel Macron». L’ambition de LFI est désormais de se battre pour les élections législatives de juin et «imposer une cohabitation» politique à M. Macron, a-t-il précisé.

La chasse aux électeurs de gauche est lancée. Hier matin, M. Attal a insisté sur le bilan social de M. Macron, qui a pourtant du mal à se débarrasser de l’étiquette de «Président des riches». «On a beaucoup fait pour réduire les fractures», a assuré M. Attal. «Si Macron veut convaincre nos électeurs, qu’il travaille», avait lancé dès dimanche soir le directeur de campagne de La France insoumise, Manuel Bompard. Une consultation devrait être lancée au sein du mouvement pour décider entre consigne de vote blanc ou de vote Macron.

«Les candidats ne sont pas propriétaires de leurs électeurs et je pense que beaucoup de ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon ne veulent pas de la retraite à 65 ans, ne veulent pas remettre la politique de la France entre les mains de cabinets privés et voteront pour Marine Le Pen au second tour», a estimé pour sa part le représentant du Rassemblement national, Jordan Bardella.

Sur le papier, Marine Le Pen a une réserve de voix nettement moins importante que M. Macron. Elle pourra compter sur le soutien de l’autre candidat de l’extrême droite Eric Zemmour, aux alentours de 7%. Le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, aux alentours de 2%, a lui aussi appelé à voter Marine Le Pen.

Débat télévisé

Le moment clé des deux semaines de la nouvelle campagne qui commence sera le 20 avril, lors du traditionnel débat télévisé de l’entre-deux tours. En 2017, il avait été désastreux pour Marine Le Pen, apparue fébrile et ne maîtrisant pas les dossiers, et avait contribué à sa défaite face à Emmanuel Macron.

Mais cette année, la fille du sulfureux tribun Jean-Marie Le Pen – le premier à conduire l’extrême droite au deuxième tour en 2002 – semble nettement mieux préparée. Elle a conduit une campagne de terrain, axée sur le pouvoir d’achat, principale préoccupation des électeurs, tandis qu’Emmanuel Macron, accaparé par la guerre en Ukraine, s’est peu impliqué dans ce premier tour. «C’est un match retour totalement différent», estime le politologue Brice Teinturier pour l’AFP. Le président sortant «n’est plus le candidat nouveau qui a incarné une forme de fraîcheur», et Mme Le Pen «n’est plus celle qui génère beaucoup de rejet, elle a travaillé son positionnement en termes d’image, elle apparaît comme beaucoup plus en relation avec les Français», juge-t-il.

Une victoire de Mme Le Pen pourrait avoir d’importantes conséquences internationales, étant donné ses positions hostiles à l’intégration européenne et sa volonté, par exemple, de sortir du commandement intégré de l’Otan. L’élection de Marine Le Pen créerait une double première : première accession au pouvoir par les urnes de l’extrême droite et première femme présidente. AFP

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