Giorgia Meloni a été élue par les Italiens en septembre 2022 sur une promesse de fermeté contre la recrudescence des traversées irrégulières de la Méditerranée, notamment à partir de la Tunisie.
C’est donc pour exécuter son programme électoral qu’elle se déploie avec férocité pour éviter la faillite de la Tunisie, synonyme d’un afflux migratoire incontrôlé. Meloni l’a récemment montré à Hiroshima lors du sommet du G7 et auprès du FMI, la Banque mondiale et l’UE, afin d’assouplir les conditions d’accord avec la Tunisie. Elle essaie d’asseoir une stratégie concertée avec la Tunisie sur la question migratoire, à travers les visites successives de responsables italiens, dont la plus récente fut celle du ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, le 15 mai dernier.
La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a répondu favorablement à l’invitation du président Saïed, qui s’inquiète également à propos de la question migratoire en Tunisie. Le président tunisien refuse l’idée que son pays devienne une destination finale et non une étape de transit vers le Nord.
Son inquiétude vient du fait qu’une bonne proportion de Subsahariens a accepté de s’installer en Tunisie, comme l’indique l’aménagement de crèches, tribunaux, voire même de petits marchés pour les produits spécifiques de cette communauté. Kaïs Saïed a affirmé, à plusieurs reprises, que les Subsahariens sont les bienvenus dans le respect des législations tunisiennes, comme c’est le cas dans tous les pays d’accueil. Giorgia Meloni vient donc en Tunisie avec l’espoir de trouver écho auprès de Kaïs Saïed sur la question de limiter les traversées à partir de la Tunisie. Les Italiens pourraient servir d’équipementier dernier cri pour les gardes-côtes tunisiens. Les derniers équipements ont déjà fait leurs preuves avec les multiples interventions réussies des Tunisiens.
Il n’empêche que les Tunisiens ne trouvent pas leurs comptes, puisque ces Subsahariens, repêchés en mer, vont se retrouver de nouveau en Tunisie, pour tenter de nouvelles traversées. Les autorités tunisiennes ne disposent pas de camps spéciaux pour les accueillir. Ces migrants irréguliers ont refusé les offres de rapatriement chez eux, lancées à grandes pompes par certains de leurs ambassadeurs à Tunis. Cela s’est résumé à un voyage en Côte d’Ivoire fin février dernier. Meloni doit aider la Tunisie à trouver une solution à ce problème.
Les statistiques indiquent que le nombre de migrants arrivant en Italie par voie maritime a connu une hausse spectaculaire de 317% durant le 1er trimestre 2023.
Recrudescence
Ce nombre est passé durant cette période de 6400 en 2022 à 26 800 en 2023, selon le Haut-Commissariat des réfugiés en Italie (HCR). L’hiver a été relativement doux par rapport aux normales saisonnières, permettant la poursuite des traversées, selon la même source. La Tunisie est passée en tête des sources de traversées avec 58% de migrants, contre 38% pour la Libye. La politique italienne en Libye de soudoyer les milices impliquées dans le réseau a commencé à donner ses fruits, semble-t-il.
Concernant les origines des migrants en provenance de Tunisie, 17% viennent de Côte d’Ivoire, 16% de Guinée, alors que 9% du Bangladesh et 8% du Pakistan.
Les autorités tunisiennes annoncent, elles-aussi, des statistiques rassemblées par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES).
Ces chiffres indiquent que, durant les trois premiers mois de 2023, le nombre de migrants intercepté en haute mer s’élève à 3453, alors que le FTDES déplore 127 morts ou disparus. Pas plus tard que la semaine dernière, les trois derniers jours du mois de mai, le porte-parole de la Garde nationale, Houssemeddine Jebabli, a déclaré que la Garde marine a mis en échec 26 opérations de franchissement illégal des côtes et secouru 656 migrants irréguliers, dont 134 Tunisiens.
Quatre corps ont, par ailleurs, été repêchés. L’écrasante majorité de ces opérations se déroule aux larges de Sfax. Meloni vient donc en Tunisie pour essayer de contrer ce flux migratoire, venu essentiellement de Tunisie, mais également de Libye et de Turquie. Sa tâche ne sera point aisée puisque les Tunisiens attendent une proposition qui sauve leurs intérêts dans cet épineux dossier.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami