Les voix dénonçant la surenchère des extrémistes qui enveniment les relations entre l’Algérie et la France se multiplient. Après différentes personnalités françaises, c’est au tour des binationaux, des Franco-Algériens de prendre la parole pour dénoncer leur marginalisation et leur stigmatisation.
Publiant, vendredi dernier, une contribution dans le journal Le Monde, les signataires, dont le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, le diplomate, Karim Amelal, le professeur en médecine Sadek Beloucif, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie, Aicha Mokdahi et Karima Khatim, tirent la sonnette d’alarme. Ils dénoncent, ce faisant, la normalisation de «l’idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d’autres en seraient les dépositaires naturels».
Poursuivant, ils condamnent «la violence de cette époque qui, à défaut de nous comprendre, tente de nous contraindre à choisir entre nos origines respectives et la France, comme si choisir signifiait renoncer à une part de nous-mêmes». «La crise entre Paris et Alger démontre à quel point nous sommes au cœur de cette tension entre les nations.
Comme si notre existence, façonnée par le dialogue entre nos identités, devait se soumettre à l’injonction du soupçon, à l’exigence d’une loyauté exclusive, à la remise en cause incessante de notre attachement à la France», souligne les auteurs de cette tribune.
Dans ce sens, ils refusent d’être réduits à «des pièces détachables de nations concurrentes», comme c’est le cas de la crise actuelle entre la France et l’Algérie. Les signataires citent, dans la foulée, «l’exemple des binationaux algéro-français, pris en tenaille par la crise actuelle», ce qui «démontre à quel point nous sommes au cœur de cette tension entre les nations». «Lorsqu’un conflit éclate, nous en ressentons les répliques dans notre chair», soutiennent-ils.
Pour eux, les voix qui font aujourd’hui de l’identité une forteresse et un rempart contre ceux qui refuse d’abdiquer leur dimension plurielle «ne sont pas seulement celles de l’extrême droite». «Elles s’infiltrent insidieusement dans le discours public, normalisant l’idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d’autres en seraient les dépositaires naturels», déplorent-ils.
«Le poids de ces conflits»
Enchaînant, les auteurs de cette tribune affirment qu’en France, «les binationaux sont les premiers à éprouver le poids de ces conflits». Les polémiques actuelles autour de l’immigration, de la laïcité, de l’identité nationale, indiquent-ils, «ne cessent de leur rappeler que leur présence dérange, que leurs noms, leurs visages, leurs traditions sont perçus comme des fissures dans l’unité de la France». «Plus grave, ces pensées s’invitent désormais dans les couloirs du pouvoir, dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision.
Et au lieu de profiter de la capacité unique de cette catégorie à faire le lien entre les peuples, on nous soupçonne, on nous somme de choisir, on nous intime de prouver une fidélité qui ne devrait jamais être mise en doute», condamnent-ils, soulignant que leur double appartenance n’est pas un péril, mais plutôt une chance.
Et d’ajouter : «En France, les binationaux sont les premiers à éprouver le poids de ces conflits. Et pourtant, certains nous demandent de nous justifier à chaque événement qui secoue nos pays d’origine.» Selon eux, au lieu d’être pointés à chaque fois, «les binationaux sont toujours disposés à apporter leur contribution à déchiffrer les nuances des langues et des cultures, à désamorcer les crispations là où d’autres dressent des murs».