L’oeuvre de l’écrivain, anthropologue et linguiste, Mouloud Mammeri, disparu il y a 23 ans, est «un legs incommensurable», a considéré vendredi l’universitaire, Hacène Hellouane, du département de la langue française de l’Université de Tizi Ouzou.
La bibliographie de Mouloud Mammeri «riche et diversifiée, témoigne de la grandeur intellectuelle de l’homme qui a accomplit en une seule vie un travail titanesque qui en demande plusieurs», souligne l’universitaire dans un bref entretien à l’APS à la veille de l’anniversaire du décès de l’écrivain, disparu la nuit du 25 au 26 février 1989 dans un accident de voiture à Aïn Defla.
Rappelant ses différentes facettes de linguiste, anthropologue et d’homme de lettre, Hellouane a affirmé qu’en tant que linguiste, Mammeri a posé les fondements nécessaires à la préservation et au développement de la culture et de l’identité amazigh en comprenant, tôt, l’importance de l’écrit, qui a fait la grandeur de toutes les nations, pour parer au risque de disparition inéluctable qui les guettait. «Il a, alors, entamé un travail de collecte et nous a offert la méthodologie en incitant à revenir sur ce qu’ont fait et dit les anciens, et qui constitue un réceptacle, et s’est employé à mettre en place les règles (lexique et grammaire) et à constituer un vocabulaire, qu’il était allé chercher dans les différents dialectes, pour concevoir son dictionnaire, l’Amawal», a souligné l’universitaire.
Mammeri a pu préserver d’énormes pans de l’histoire. Ce travail, non seulement a permis de préserver d’énormes pans de notre Histoire et notre culture faite d’oralité, à travers la transcription de différents travaux constitue, également, aujourd’hui, poursuit Hellouane, la «base incontournable» de tous les travaux qui se font en cette langue. En tant qu’homme de lettre, Mammeri, a intégré l’universalité sans jamais se départir de sa culture, fait-t-il remarquer, relevant qu’»il était allé acquérir la culture de l’autre et est revenu développer la sienne avec».
Ce cheminement choisi par Mammeri était motivé par deux éléments principaux, «ses capacités intrinsèques et sa conscience de la nécessaire préservation et développement de sa culture, a-t-il dit.
Loin de se renfermer sur soi, Mammeri a été «un homme d’ouverture qui a su apporter sa part à l’édifice de l’humanité sans se renier où se départir de sa culture», a relevé M. Hellouane. Illustrant son propos, l’universitaire souligne que son roman La Colline oubliée, qui «d’apparence décrit un village oublié et paisible est, en fait, le reflet de tous les bouleversements qui secouait le monde à l’époque».
Aussi, ajoute-t-il, Mammeri, comme Kateb Yacine et d’autres écrivains de leur génération, «se servant de leurs savoir, se sont employés à faire vivre à travers leurs oeuvres leurs langue et culture, brisant ainsi le cliché de la suprématie des cultures savantes sur les cultures vécues».