Par Dr Ali Kahlane (*)
Cet article fait suite à une conférence donnée lors des Journées scientifiques internationales qui se sont tenues à l’Ecole supérieure d’économie d’Oran, du 9 au 11 décembre.
Le thème général de cette première édition est «L’intelligence économique à l’aune de l’intelligence artificielle : les enjeux pour la compétitivité».
En Algérie, l’adoption de l’Intelligence artificielle (IA) et de la Business intelligence (BI) dans la dynamique de la numérisation devrait devenir un levier-clé dans la transformation de la gouvernance. Ces technologies, dépassant la tendance, catalysent le changement en redéfinissant les paradigmes de gestion et de prise de décision, menant vers une gouvernance plus agile et réactif. La BI, synonyme restreint de l’Intelligence économique (IE) englobe des processus de collecte, d’analyse et de diffusion d’informations stratégiques.
l’IE va au-delà de la simple transformation des données brutes, elle vise l’analyse du contexte économique global, par la production des informations pertinentes grâce à veille stratégique et aussi par la sécurisation des informations produites et par les activités d’influences et de lobbying dans un environnement en constante évolution. De ce fait, l’IE s’impose aujourd’hui comme un puissant levier informationnel dans la gouvernance aussi bien publique que d’entreprises.
Elle englobe la Competitive intelligence (CI) et Organizational intelligence (OI) et le BI en constitue l’outil TIC et se place comme interface avec l’IA. Cet article vise à éclairer sur l’impact et les enjeux de l’IA et du BI dans la gouvernance algérienne. Nous examinerons comment ces technologies, en tant que vecteurs de transparence, d’efficacité et d’accélération de la numérisation, peuvent remodeler les fondements de la prise de décision et de l’administration.
L’analyse débutera par le potentiel de l’IA dans l’optimisation des processus décisionnels et administratifs. Elle sera suivie d’une étude sur le rôle du BI dans l’organisation des données pour une stratégie décisionnelle éclairée. Nous mettrons en lumière la synergie entre l’IA et le BI, soulignant leur capacité à enrichir la transparence et l’efficacité dans la gouvernance. Ce parcours analytique prendra en compte l’interaction entre l’intelligence économique et la Business intelligence, proposant des recommandations spécifiques adaptées aux défis de l’Algérie.
L’Impact du BI sur la gouvernance en Algérie
La Business intelligence (BI) présente un potentiel transformateur pour la prise de décisions gouvernementales en Algérie. Son intégration promet une gestion plus moderne et efficace, en phase avec les défis spécifiques du pays. Un domaine-clé d’application de la BI est l’analyse des dépenses gouvernementales, permettant d’examiner les budgets des différents secteurs et projets pour identifier les inefficacités et réallouer stratégiquement les ressources.
Dans les services publics, la BI est utile pour analyser l’utilisation de ressources vitales, comme l’eau et l’électricité. Par exemple, étudier les tendances de consommation d’eau dans diverses régions peut guider la prévention des pénuries et la planification d’infrastructures hydrauliques plus efficaces. Pour le transport public, l’analyse des données de mobilité urbaine via la BI peut mener à des améliorations significatives des itinéraires de bus, en les adaptant aux habitudes des citoyens et réduisant ainsi les temps de trajet.
En santé, la BI peut être utilisée pour analyser les données des hôpitaux et cliniques, révélant des tendances dans la demande de services de santé et permettant une allocation plus efficace des ressources médicales. Elle joue également un rôle crucial dans la gestion des ressources naturelles, telles que le pétrole et le gaz, en aidant à planifier l’exploitation et l’utilisation de ces ressources, tout en surveillant les impacts environnementaux.
L’utilisation de la BI pour publier des rapports sur les performances des services publics ou les résultats des initiatives gouvernementales peut renforcer la transparence et la confiance dans les institutions, offrant une plus grande clarté et responsabilité. L’intégration de la BI dans la gouvernance algérienne est une opportunité majeure pour moderniser l’administration et la prise de décisions. Pour maximiser son impact, il est crucial d’adapter son implémentation aux besoins locaux et de tirer pleinement parti de cette technologie.
Synergie de l’IA et du BI dans la gouvernance en Algérie
La combinaison de l’Intelligence artificielle (IA) et de la Business intelligence (BI) en Algérie offre un potentiel énorme de transformation dans la gouvernance. Cette synergie peut améliorer significativement l’efficacité et la transparence gouvernementale, répondant aux besoins et défis spécifiques du pays. L’Algérie a déjà progressé dans le domaine de l’IA avec la «Stratégie nationale de recherche et d’innovation sur l’intelligence artificielle 2020-2030», adoptée en 2021.
L’Ecole nationale supérieure d’intelligence artificielle (ENSIA) et de nombreux laboratoires de recherche en IA témoignent de cet engagement. Il est important d’étendre ces efforts au BI et à l’intelligence économique pour développer les compétences locales dans l’analyse et l’utilisation stratégique des données. L’IA, avec ses capacités d’analyse avancée et de modélisation prédictive, complète parfaitement la BI, qui transforme les données en informations concrètes et exploitables.
Ensemble, elles peuvent accélérer la prise de décision gouvernementale et augmenter la transparence dans les processus administratifs.Dans la gestion des ressources hydriques, l’IA peut prédire les tendances de consommation d’eau et la BI analyser ces données, menant à une gestion plus efficace de l’eau, pour répondre aux préoccupations environnementales et climatiques. En santé, la combinaison de l’IA et de la BI peut améliorer la réponse aux crises sanitaires.
L’IA peut prédire les épidémies en analysant les données de santé publique, tandis que la BI évalue l’efficacité des campagnes de vaccination et la distribution des ressources médicales.Dans l’éducation, l’analyse des performances des étudiants et les tendances de réussite par l’IA et la BI permet d’ajuster les programmes éducatifs et de cibler la formation des enseignants. Cela optimise la distribution et l’employabilité des diplômés.
Pour une mise en œuvre réussie, il est indispensable d’adopter une approche stratégique comprenant le développement de compétences locales, l’investissement dans des infrastructures technologiques et la mise en place de cadres réglementaires appropriés. L’utilisation éthique de ces technologies, en accord avec les directives de l’Agence nationale de protection des données personnelles, est essentielle. L’adoption de cette synergie technologique en Algérie offre une occasion unique de moderniser sa gouvernance, la rendant plus réactive, efficace et transparente. Cette transformation nécessite un engagement solide, une planification stratégique et une collaboration étroite entre les acteurs gouvernementaux, publics, privés et la société civile.
La numérisation, l’IA et le BI
La numérisation, l’Intelligence artificielle (IA) et la Business intelligence (BI) forment une triade technologique essentielle pour la transformation numérique en Algérie, un processus fortement encouragé par les autorités, y compris le président de la République. Cette transformation est vue comme un moyen de modernisation et une nécessité pour le développement économique et social du pays. La numérisation, qui constitue le fondement de cette synergie, consiste à convertir les processus traditionnels en formats numériques, facilitant ainsi la collecte et le stockage des Big Data.
L’Algérie a réalisé d’importantes avancées dans ce domaine, notamment dans les secteurs de la sécurité sociale, de la justice, de l’identification et de la gestion des véhicules. L’introduction de la carte Chifa dans le domaine de la sécurité sociale est un exemple notable. Cette carte d’assurance maladie à puce facilite l’accès aux soins et l’identification des assurés. Dans le secteur de la justice, la modernisation a permis la demande et le retrait en ligne de la version électronique du casier judiciaire, simplifiant ainsi les procédures pour les citoyens.
En ce qui concerne les documents d’identité et de conduite, l’Algérie a mis en place des documents ultra sécurisés et conformes aux normes internationales.
La carte d’identité nationale biométrique, demandable en ligne, et la numérisation de la carte grise, avec un numéro d’immatriculation national unique et une puce intégrée, sont des avancées majeures. Ces initiatives montrent l’engagement de l’Algérie à moderniser et numériser ses services publics. Toutefois, elles se heurtent à des défis d’infrastructure, tels que la nécessité de datacenters performants et un accès Internet plus fiable et étendu.
L’adoption réussie de la numérisation en Algérie dépend non seulement de l’avancement technologique, mais aussi de la capacité à surmonter les résistances au changement. En abordant ces défis de manière directe et inclusive, l’Algérie peut s’assurer une transformation numérique efficace et profitable pour toute la société. L’IA et le BI sont essentiels dans ce processus. L’IA, dotée de capacités d’analyse avancées, permet de traiter et d’interpréter les vastes quantités de données générées.
Le BI, faisant office de pont entre les données et les décideurs, convertit ces données en informations exploitables, facilitant ainsi la prise de décision stratégique. La numérisation, l’Intelligence artificielle (IA) et la Business intelligence (BI) constituent des éléments fondamentaux de la modernisation en Algérie. Lorsqu’elles sont intégrées avec succès, elles ont le pouvoir de métamorphoser en profondeur les services publics, d’augmenter l’efficacité du gouvernement et de renforcer la transparence. Ces changements contribuent de manière significative au développement
économique et social du pays.
Quelques considérations et recommandations
L’intégration réussie de l’Intelligence artificielle (IA) et de la Business intelligence (BI) dans la gouvernance algérienne nécessite une adaptation aux particularités locales. Une première étape essentielle est l’évaluation du paysage technologique du pays, incluant la disponibilité des données, la connectivité réseau, et les ressources matérielles et logicielles. Cette analyse permettra de définir des objectifs réalistes et de planifier des améliorations infrastructurelles nécessaires.
Il est également crucial de se concentrer sur le développement des compétences et des formations en IA et BI. Investir dans la formation et le développement des compétences locales implique de créer des partenariats avec des universités, des programmes de formation continue pour les employés du secteur public, et des collaborations avec des experts nationaux et internationaux. Un autre aspect important est la conformité avec un cadre réglementaire et éthique robuste. L’Algérie doit adapter les réglementations qui encadrent l’utilisation de l’IA et du BI, en incluant et précisant des directives sur la protection des données personnelles, l’éthique de l’IA, et la prévention des biais algorithmiques. Il est vital de s’assurer que ces technologies sont utilisées de manière responsable et transparente et sont conformes à nos us et coutumes.
L’implication du secteur privé et de la société civile est également essentielle pour une mise en œuvre réussie. Cela peut inclure des partenariats public-privé, des consultations avec des associations et des organisations de la société civile, et des forums de discussion pour recueillir les retours des citoyens. Avant une mise en œuvre à grande échelle, il est judicieux de lancer des projets pilotes dans des domaines-clés, tels que la santé, l’éducation, ou les services communaux.
Ces projets permettront d’évaluer l’efficacité des technologies, d’identifier les défis spécifiques à l’Algérie et de développer des études de cas pour guider les futures initiatives. Enfin, il est important d’intégrer l’IA et le BI dans les plans de développement économique et social existants du pays. Cela garantira que l’utilisation de ces technologies est alignée avec les objectifs à long terme du pays et contribue de manière significative à son développement.
Conclusion
Au terme de cette exploration sur l’Intelligence artificielle (IA) et la Business intelligence (BI) dans la gouvernance algérienne, il apparaît clairement que ces technologies ont le potentiel de transformer profondément le fonctionnement du gouvernement. L’adoption de l’IA et du BI promet une prise de décision gouvernementale plus rapide, plus efficace et plus transparente.
L’examen des diverses applications de l’Intelligence artificielle révèle sa capacité à perfectionner les opérations gouvernementales et à améliorer les services publics, en renforçant par la même occasion la transparence. Quant à la Business intelligence, elle facilite une compréhension et une utilisation améliorées des données, conduisant à une gestion plus efficace et stratégiquement affinée. Pour l’Algérie, l’intégration de l’IA et du BI marque un pas vers une gouvernance moderne adaptée aux défis du XXIe siècle.
Cela implique un investissement conséquent dans les infrastructures technologiques, le développement des compétences et la création de cadres réglementaires. Une intégration réussie en Algérie nécessite l’évaluation de l’infrastructure technologique, le développement de compétences locales, la mise en place de cadres réglementaires éthiques, et l’implication du secteur privé et de la société civile. Des projets pilotes sont essentiels pour guider cette implémentation. L’implémentation de l’Intelligence artificielle et de la Business intelligence en Algérie est fondamentale et serait la bienvenue pour parvenir à une gouvernance caractérisée par son efficacité, sa transparence et sa capacité de réaction. Adopter ces technologies est indispensable pour surmonter les défis actuels et capitaliser sur les possibilités de développement et de progrès. Cela représente une voie vers une gouvernance innovante, résolument orientée vers l’avenir. A. K.
*Consultant-formateur en transformation numérique, cybersécurité et IA.
Vice-président du think tank CARE.
Ancien professeur à l’Ecole militaire polytechnique (ex-Enita)