Dans un article publié le 11 janvier dernier sur Orient XXI, le journaliste Jean-Pierre Sereni explique que, finalement, l’accord a été vidé de son sens depuis belle lurette.
Il fait toujours l’objet de la surenchère politicienne en France. A chaque ouverture d’un débat sur la question de l’immigration dans ce pays, notamment à l’approche des rendez-vous électoraux, des voix s’élèvent pour réclamer l’annulation de l’accord algéro-français du 27 décembre 1968 sur le séjour et la circulation des travailleurs algériens.
Des acteurs de la droite et de l’extrême droite en font leur cheval de bataille pour, souvent, tenter de gagner à leur cause l’opinion publique française. Ces leaders politiques français, connus pour leur hostilité grégaire à l’égard des migrants, ne ratent aucune occasion pour demander l’abrogation du document qui, selon eux, «offre trop de privilèges aux Algériens». Leurs arguments sont-ils recevables ? Que reste-t-il de cet accord, 55 ans après sa conclusion ?
Durant l’année 2023, rappelons-le, la droite et l’extrême droite ont exercé un véritable forcing pour faire annuler le texte. En plus d’avoir mené une campagne médiatique des plus agressives, ils ont joué la carte du Parlement pour forcer la main à leur gouvernement qui, jusque-là, refuse d’aller dans le sens de leur démarche.
Le premier à avoir relancé la polémique autour de cet accord n’est autre que l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt. Le 25 mai 2023, le diplomate français s’est demandé, dans une publication, «Que faut-il faire de l’accord franco-algérien de 1968 ?» Il plaide, en guise de réponse, pour son abrogation.
L’ancien ambassadeur a emboîté ainsi le pas à l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne qui avait évoqué, fin 2022, son projet visant à réviser l’accord en préparant un 4e avenant, dont le contenu n’a pas été révélé. Des dirigeants de la droite française ne se sont pas fait prier pour saisir la perche.
Dans une interview accordée au Figaro, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe appelle «à l’abrogation de l’accord». Le 26 juin dernier, Bruno Retailleau, président du groupe des Républicains au Sénat, et plusieurs de ses collègues, passent à l’action et déposent une proposition de loi en faveur de l’annulation du document.
Des avantages minimes
En plein débat sur la nouvelle loi immigration, le groupe des députés Les Républicains à l’Assemblée nationale français dépose à son tour une proposition de loi plaidant pour la fin de l’Accord de 1968. La proposition a été examinée, le 7 décembre 2023, mais elle n’a pas reçu l’aval des députés (151 voix contre et 114 voix pour).
Que vise cette gesticulation ? Dans un article publié le 11 janvier dernier sur Orient XXI, le journaliste Jean-Pierre Sereni explique que, finalement, l’accord a été vidé de son sens depuis belle lurette. «Conçu pour faciliter l’immigration économique et pallier le besoin de main-d’œuvre des Trente Glorieuses, l’accord prévoyait la libre circulation entre les deux pays pour les ressortissants algériens.
Vidé de son contenu au cours des ans, le texte n’a aucune influence sur les flux migratoires ; pourtant la droite se mobilise pour l’abroger, ce qui lui permet d’agiter ses fantasmes sur l’invasion du pays», écrit-il. Aujourd’hui, ajoute-t-il, les Algériens ne profitent pas du traitement dérogatoire au Code d’entrée et de séjour des étrangers (Codesa).
«Sans accord équivalent, les Marocains, peu nombreux à l’époque (en 1968) en France, arrivent en plus grand nombre, rattrapent leur retard et font aujourd’hui jeu égal avec les Algériens», démontre-t-il. L’article rappelle aussi les décisions de l’ancien ministre français, Laurent Fabius qui a déjà supprimé, fin 1985, l’article 1 (l’admission de 35 000 travailleurs chaque année) et l’article 2 (concernant les 9 mois de séjour pour trouver un emploi).
Deux autres avenants lui succéderont en 1994 et 2001. «La partie ‘’entrée’’ de l’accord est désormais supprimée, la partie ‘’séjour’’ demeure partiellement en vigueur (…) le visa est instauré et devient la clé de l’entrée en France des étrangers. C’est le vrai régulateur pour les 800 000 étrangers qui entendent se rendre dans l’Hexagone.
Il éclipse un peu plus encore l’accord franco-algérien », souligne l’auteur de l’article, rappelant aussi la suppression de la carte de séjour qui a été remplacée par le certificat de résidence, dont bénéficient environ 600 000 Algériens établis en France depuis longtemps. Les Algériens ne gardent finalement que des avantages minimes, dont «l’accès immédiat au revenu de solidarité active (RSA) sans avoir à attendre plusieurs années comme les autres immigrés». D’où la question : qu’est-ce qui fait réellement courir la droite française ?