Leur chef, Rached Ghannouchi, croupit en prison depuis 5 mois : L’heure des comptes a sonné pour les islamistes tunisiens

11/09/2023 mis à jour: 17:00
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De lourdes charges pèsent sur Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha - Photo : D. R.

Ghannouchi et plusieurs dizaines d’opposants tunisiens sont aux arrêts depuis des mois. L’affaire du financement occulte des islamistes d’Ennahdha et celle de l’envoi de jeunes Tunisiens en Syrie et en Libye reviennent également à la surface. Un air de reddition des comptes.

Le leader des islamistes d’Ennahdha et ex-président de l’Assemblée des Représentants du Peuple, Rached Ghannouchi, croupit en prison depuis le 17 avril 2023. Il a été arrêté pour avoir dit «la Tunisie sans l’islam politique, c’est un projet de guerre civile», lors d’une veillée ramadanesque. Propos qualifiés d’incitation à la discorde au sein de la population. Depuis, il a été associé comme accusé dans l’affaire de «complot contre la sûreté de l’Etat». Des charges ont été retenues contre lui dans les affaires Instalingo, Namaa Tounes et le dossier de l’envoi des jeunes en Syrie.

Il a été également condamné, le 15 mai dernier, par contumace, à un an de prison pour «apologie du terrorisme». Ghannouchi a refusé de se présenter à la justice dans la dernière affaire, considérant qu’il s’agit d’une affaire politique. Le leader d’Ennahdha a été l’un des derniers à avoir été arrêté bien qu’il avait été entendu à plusieurs reprises dans ces mêmes affaires.

Le leader d’Ennahdha a rejoint ainsi le banc des accusés dans l’affaire dite de «complot contre la sûreté de l’Etat» qui a vu l’arrestation, depuis mi-février 2023, d’une vingtaine de personnes, comme l’activiste politique KhiyamTurki, l’homme d’affaires et lobbyiste Kamel Letayef, le président du Parti républicain, Issam Chebbi, l’avocat et ancien dirigeant de NidaaTounes, Ridha Belhaj, l’universitaire et activiste politique Jawher Ben Mbarek, l’ancien dirigeant d’Ennahdha Abdelhamid Jelassi, l’ex-secrétaire général du Parti Ettayar, Ghazi Chaouachi, ainsi que d’autres activistes politiques comme l’ex-ministre de la Justice, le Nahdhaoui Noureddine Bhiri, l’ex-ministre de l’Intérieur LazharAkermi dans le gouvernement de 2011 de feu Béji Caïd Essebsi ou, encore, l’activiste et porte-parole du Front du salut national, Sheyma Aissa.

L’avocat islamiste Samir Dilou, membre du Comité de défense des accusés, a longtemps affirmé que le dossier était vide. «Il s’agit juste de rencontres fortuites ou de communications téléphoniques ne comportant aucune intention de nuire à l’Etat», n’a-t-il cessé de répéter, après chaque audition ou demande de libération.

Accusations

L’inculpation de Ghannouchi a évolué progressivement. En 2022, le juge d’instruction dans l’affaire Instalingo, du nom d’une société de production de contenu de la région de Sousse, avait déjà décrété l’interdiction de quitter le territoire à l’adresse du leader d’Ennahdha.

Instalingo est une société créée par HaythemK’hili, le gendre de l’ex-chef de gouvernement 2012-13, l’islamiste Hamadi Jebali. La société est accusée de blanchiment d’argent puisque ses activités ne traduisent pas les financements de plusieurs millions de dollars qu’elle a reçus depuis 2011. K’hili et son épouse sont en fuite en Turquie.

D’autres investigations ont également abouti à la société Namaa Tounes qui a disposé, elle-aussi, de millions de dollars, ayant servi à l’installation d’une grande imprimerie et l’achat de biens immobiliers. Tous ces biens ont été réquisitionnés, tout comme les avoirs financiers des membres de la direction de ces sociétés écrans, accusées de financer les activités illicites d’Ennahdha, comme l’envoi de jeunes Tunisiens en Syrie, Irak et Libye pendant les années 2012, 13 et 14.

Il est ainsi clair qu’il y a deux niveaux dans l’investigation des différentes affaires instruites par la justice contre Ghannouchi et ses compères au sein d’Ennahdha et des autres composantes de l’opposition en Tunisie.

D’une part, ce sont les différentes manœuvres de «l’appareil secret d’Ennahdha» qui serait derrière les opérations de financement et de logistique. A ce titre, il y a les sociétés écrans (Instalingo, Namaa, voire d’autres). Les tâches concernées sont secrètes comme l’envoi de jeunes Tunisiens dans les territoires de tension.

Les responsables concernés n’appartiennent pas, à part Ghannouchi, au premier cercle d’Ennahdha. Il s’agit, surtout, du fils de Ghannouchi, Moadh, de son gendre ex-ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem, de K’hili, le gendre de Hamadi Jebali. C’est la 2e génération des islamistes, disposant d’un fort potentiel en informatique et communication.

D’autre part, il y a la face publique, représentée par le Front du salut, qui devrait servir à reprendre le pouvoir, après le coup de force du 25 Juillet 2021 du président Saïed. Rached Ghannouchi chapeaute toutes les activités et détient les clés du coffre. Les autorités auraient mis fin à ses manœuvres. 


 

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