Les occidentaux y voient la seule option pour une paix durable et l’autorité palestinienne y est favorable : Quand la «solution à deux états» fait (presque) consensus

23/01/2024 mis à jour: 18:56
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Photo : D. R.

Si ce consensus international au niveau des déclarations d’intention constitue une avancée en soi pour la cause palestinienne, il est important que cela se traduise, comme le souligne le Premier ministre palestinien, par une feuille de route concrète.

Ce que nous voulons est bâtir une solution à deux Etats. Parlons-en !» La déclaration est de Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, faite hier à Bruxelles, alors que des ministres des Affaires étrangères de pays membres de l’UE devaient rencontrer séparément leurs homologues palestinien et israélien. Ils devaient échanger également avec les ministres des Affaires étrangères égyptien, saoudien, jordanien, de même qu’avec le secrétaire général de la Ligue arabe ,Ahmed Aboul El Gheith, indique l’AFP.

La déclaration de Joseph Borrell faisait écho à la position réitérée par Benyamin Netanyahu exprimant son rejet catégorique de la notion même de souveraineté palestinienne. «Quelles sont les autres solutions auxquelles ils pensent ? Faire partir tous les Palestiniens ? Les tuer ?» s’est interrogé avec une pointe d’ironie M. Borrell devant des journalistes, selon des propos rapportés par l’AFP. Pour lui, les Israéliens «sont en train de semer les graines de la haine pour des générations à venir».

Josep Borrell a remis un document de travail aux 27 pays membres de l’Union européenne dans lequel il développe une «approche globale» pour le règlement du conflit. Il y préconise, d’après l’agence de presse française, de préparer «dès maintenant» les conditions d’une paix durable au Proche-Orient, et cela passe justement par la mise en place d’une solution à deux Etats.

A cet effet, il a appelé à la tenue «au plus tôt» d’une conférence de paix «préparatoire» entre les Etats européens et un certain nombre de pays arabes, dont l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Jordanie.

La proposition recommande également d’inviter les Etats-Unis à cette conférence internationale. Force est de le constater : la «solution à deux Etats» revient depuis quelques jours de façon insistante dans la bouche de nombreux hauts responsables occidentaux. La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a affirmé à Bruxelles son plein soutien à la solution à deux Etats.

Elle fera remarquer que «ceux qui ne veulent pas en entendre parler n’ont jusqu’à présent proposé aucune alternative». Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a posté samedi sur le réseau X : «Les Palestiniens ont le droit à la souveraineté et à un Etat. La France restera fidèle à son engagement pour atteindre ce but.»

Joe Biden : «Ce travail doit commencer maintenant»

De son côté, le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, a déclaré avant-hier, dans une interview à Sky News, en réponse aux propos de Netanyahu déniant aux Palestiniens le droit d’avoir un Etat indépendant : «Il est décevant d’entendre cela de la part du Premier ministre israélien.» De l’avis de Grant Shapps, «il n’y a pas d’autre option qu’une solution à deux Etats pour résoudre le conflit dans la région».

Dans une tribune publiée dans le Washington Post le 18 novembre 2023, le président américain, Joe Biden, plaidait ardemment déjà pour la même option : «Une solution à deux Etats, écrit-il, est le seul moyen de garantir la sécurité à long terme des peuples israélien et palestinien.» Un tel processus, prévient le patron de la Maison-Blanche, «exigera des engagements de la part des Israéliens et des Palestiniens, mais aussi des Etats-Unis et de nos alliés et partenaires».

Et de souligner : «Ce travail doit commencer maintenant.» Commentant la position américaine, le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Radina, a déclaré ce dimanche: «Ce qui est attendu des Etats-Unis est la reconnaissance de l’Etat de Palestine et non pas juste d’évoquer la solution des deux Etats.» Une manière de mettre à nu la duplicité américaine qui, tout en se disant favorable à la création d’un Etat palestinien, ne fait rien pour stopper l’entreprise génocidaire de son poulain sioniste et n’entreprend aucune démarche pour relancer le processus de paix sur des bases saines.

La persistance d’Israël dans ses crimes doit beaucoup, faut-il le signaler, à l’appui américain au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU où les Etats-Unis ont opposé leur veto à tout projet de résolution visant à imposer un cessez-le-feu à Ghaza. «Le gouvernement israélien n’est pas attaché à l’établissement de la paix et à la stabilité.

Il continue à nier la vérité que la paix ne pourra se réaliser sans la constitution d’un Etat palestinien indépendant avec Al Qods-Est comme capitale sur les frontières de 1967», assène le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas. Et de marteler : «Le peuple palestinien ne renoncera jamais à ses droits légitimes, ni à Jérusalem et ses lieux sacrés, ni à la création d’un Etat palestinien indépendant. Et peu importe le temps que cela prendra !»

De son côté, le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh s’est félicité du «consensus international» autour du principe d’un Etat palestinien indépendant, rapporte l’agence turque Anadolu.

Au cours de la réunion hebdomadaire du gouvernement palestinien qu’il a présidée hier à Ramallah, M. Shtayyeh a déclaré : «Nous savons qu’il existe un consensus international sur la création de l’Etat de Palestine.» «Il y a une mobilisation importante autour de l’option d’une solution à deux Etats et nous disons que le monde ne devrait pas prêter attention à la position de Benyamin Netanyahu et son gouvernement qui rejettent cette solution.»

«Il faut que cela se traduise par des étapes concrètes»

«Le monde doit œuvrer pour mettre fin à l’occupation, reconnaître l’Etat de Palestine de manière bilatérale et voter pour la Palestine en tant qu’Etat membre des Nations unies», a poursuivi Mohammad Shtayyeh.

Si ce consensus international au niveau des déclarations d’intention est une très bonne nouvelle en soi, il est important que cela se «traduise par des étapes concrètes qui incarnent l’Etat sur le terrain pour mettre fin à l’occupation», a insisté le Premier ministre palestinien. «Le monde doit réfléchir à imposer des sanctions à Israël pour sa campagne d’agression et son entreprise de colonisation continues, ainsi que son rejet de la paix», estime M. Shtayyeh. «Il faut stopper cette machine à tuer et ces attaques acharnées contre la Bande de Ghaza et en Cisjordanie.

Il tombe sous le sens que la mise en œuvre d’une telle option, si elle venait à être concrétisée, demandera beaucoup de temps et d’habileté. La première difficulté tient bien sûr à la position intransigeante du bourreau Netanyahu. Comme l’expliquait Dominique de Villepin dans une récente interview : «La solution à deux Etats est sortie du logiciel politique et diplomatique israélien.» (Interview accordée à Apolline de Malherbe sur BFMTV le 27 octobre 2023). 

Et même si Israël consentait à discuter avec les Palestiniens dans le cadre d’un processus de paix renégocié, rien ne dit que Tel-Aviv tiendra ses engagements. En témoignent les Accords d’Oslo. L’un des plus gros écueils va être le démantèlement des colonies. Mais comme le dit Dominique de Villepin, le départ des colons israéliens de Cisjordanie est «le prix de la sécurité pour Israël».

Il s’agit ici d’un point crucial si l’on veut garantir un minimum de continuité territoriale audit Etat palestinien et en finir avec cette géographie en lambeaux héritée des Accords d’Oslo. Joe Biden lui-même le reconnaît dans sa tribune dans le Washington Post : il faut parvenir à «l’unification de la Bande de Ghaza et de la Cisjordanie sous une seule structure gouvernementale», prône le président américain.

L’opération va être extrêmement compliquée. Mais rien que le fait de voir autant de responsables occidentaux remettre au goût du jour la vieille question palestinienne et plaider pour un Etat palestinien indépendant constitue une avancée politique considérable. On remet enfin le politique au cœur du débat et cela, en soi, est une bonne nouvelle. 

 

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