Les Israéliens s’acharnent sur le patrimoine historique des Palestiniens : L’autre génocide à Ghaza

14/01/2024 mis à jour: 20:00
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Ghaza abrite plusieurs lieux de culte historiques, vulnérables face aux bombardements israéliens

Comme si les carnages perpétrés contre les populations civiles de Ghaza ne lui suffisaient pas, l’armée sioniste est déterminée à laisser l’enclave exsangue de son patrimoine archéologique et historique. Depuis le début de cette guerre barbare, plusieurs monuments et sites culturels ont été ciblés par les bombardements aveugles, suscitant l’inquiétude de nombre d’organisations internationales des droits de l’homme mais aussi et surtout celles œuvrant pour la protection du patrimoine mondial. 

Des voix continuent, en effet, de s’élever contre ce qui est qualifié de «génocide culturel» par l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme – Euro-Mediterranean Human Rights Monitor – (Euro-Med Monitor). En est-il ainsi du Conseil international des monuments et des sites (Icomos) qui estime que «(...)le patrimoine de Ghaza, avec ses plus de 3000 ans d’histoire, représente un carrefour stratégique de civilisations dont les traces – édifices religieux, bâtiments historiques, musées, sites archéologiques, quartiers traditionnels – peuvent être trouvées dans toute la Bande de Ghaza, mais surtout dans sa partie nord densément urbanisée, dans et autour de la ville de Ghaza». Et de déplorer : «Ce patrimoine a subi des dommages irréversibles et chaque jour de combat supplémentaire le met davantage en péril.» 

Outre les dénonciations, tous azimuts, faisant notamment état de «la destruction de la grande mosquée Omari, datant du VIIe siècle, et de frappes aériennes ayant touché l’enceinte de l’église Saint-Porphyre, datant du Ve siècle», l’ONG, engagée dans la promotion de la conservation, la protection, l’utilisation et la mise en valeur du patrimoine culturel mondial, mettra, par ailleurs, en garde contre les déplacements massifs de population ghazaouie et la destruction des maisons et des quartiers qui «auront un impact incalculable sur la culture vivante et le patrimoine immatériel des Palestiniens». 

Fort de 12 000 membres, plus de 100 comités nationaux, 30 comités scientifiques internationaux et plusieurs groupes de travail, l’Icomos rappellera, depuis son siège de Charenton-le-Pont (Ile-de-France), qu’elle ne peut rester insensible à l’égard de cette forme sournoise du crime de guerre, assurant : «Notre Comité scientifique international sur la préparation aux risques (ICORP) et son groupe de travail sur le suivi et la réponse aux crises suivent attentivement l’évolution de la situation, rassemblent des informations sur les impacts sur le patrimoine culturel et préparent des activités stratégiques de réaction et de relèvement». 

Et d’exhorter toutes les parties concernées à «respecter la lettre et l’esprit de leurs obligations en vertu du droit international, tant conventionnel que coutumier et en particulier la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux protocoles, la Convention du patrimoine mondial de 1972 et la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel». 

D’autant que, s’indigne le Conseil, «le ciblage intentionnel de sites culturels et religieux (qui ne sont pas des objectifs militaires légitimes et ne représentent pas de nécessité militaire impérative), comme d’autres biens civils, est spécifiquement interdit, en toutes circonstances, par le droit international humanitaire et est considéré comme un crime de guerre». 

Partant, il se dit disposé à offrir «son assistance scientifique et technique ainsi que sa coopération à toutes les personnes engagées dans la protection du patrimoine de la région ainsi qu’à celles et ceux encourageant l’adoption de voies favorisant le dialogue, le respect mutuel et la dignité des peuples et de leur patrimoine culturel partagé, éléments indispensables à la reconstruction de la paix». 

L’entreprise de destruction massive du patrimoine palestinien, à coups de raids, d’attaques aériennes et d’artillerie, menée par les troupes de l’occupant, et les ravages, la destruction et les dégâts considérables causés aux sites archéologiques, aux bâtiments historiques, aux lieux de culte et aux musées de la Bande de Ghaza -vestiges de l’église byzantine de Jabaliya ou de ceux du monastère Saint Hilarion, complétement rasés, ou encore les archives de la municipalité de Ghaza et ses milliers de documents historiques plus que centenaires détruits – n’étant autre qu’une violation caractérisée, criante mais outrageusement étouffée par les alliés d’Israël, de la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954). 

Instrument soumettant tous les Etats parties dont Israël, à «respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire que sur celui des autres Parties contractantes en s’interdisant l’utilisation de ces biens, celle de leurs dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard». 
 

 

Le droit international foulé aux pieds

La conformité à ce principe directeur du droit international, ses conventions et ses protocoles, le Conseil international des musées (Icom), basé à Paris, s’y attache, tout aussi vigoureusement. Dans une récente déclaration publique, il a tenu à réitérer son engagement à «préserver le patrimoine culturel et rappelle l’impératif pour toutes les parties de respecter le droit international et les conventions, y compris la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux protocoles». 

Mettant également en garde contre l’augmentation potentielle du trafic et de la destruction d’objets culturels dues au conflit dans la région touchée, il insistera sur «les obligations juridiques internationales qui visent à empêcher l’importation, l’exportation et le transfert illicites de biens culturels». 

Des crimes, qui, convient-il de le souligner, sont encadrés par la Convention de l’Unesco de 1970 et la Convention d’Unidroit de 1995 (Rome), notamment. 

A ce titre, l’Icom, l’unique organisation de musées et de professionnels de musées à l’échelle mondiale et dont la mission principale consiste à «promouvoir et protéger le patrimoine culturel et naturel, présent et futur, tangible et intangible», appellera à «un cessez-le-feu immédiat dans le respect du droit humanitaire international pour éviter davantage de pertes humaines et pour préserver le patrimoine culturel qui est essentiel à notre humanité collective». 

Et ce, tout en réaffirmant son engagement et sa mobilisation en faveur «des principes de paix, de compréhension et d’unité à travers la préservation et la protection du patrimoine culturel». 
 

C’est dire que le travail de destruction entrepris par l’armée d’occupation israélienne tendant à éradiquer tout ce qui symbolise l’histoire et la mémoire collective des Palestiniens n’est pas une nouveauté. Plusieurs édifices historiques et bien culturels, pourtant classés par l’Unesco comme «des infrastructures civiles, ils ne doivent donc pas être pris pour cible ni utilisés à des fins militaires», avaient été détruits pendant la seconde Intifadha (décembre 2000). 

Guerre durant laquelle, à en croire nombre d’historiens, l’armée d’occupation commencera par raser le Bureau central des statistiques, «l’une des toutes premières mesures prises par l’Autorité palestinienne au lendemain des Accords d’Oslo et la conduite d’un recensement de la population l’une de ses premières tâches (1997)». 

L’ennemi sioniste est loin d’ignorer l’attachement viscéral des Palestiniens envers leur démographie, leur patrimoine ainsi que leur histoire. 
 

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