Les effets pervers des Accords d’Oslo (2ème partie)

16/01/2024 mis à jour: 15:59
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La poignée de main historique entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat lors de la signature des Accords d'Oslo en 1993 à la Maison Blanche • © RON EDMONDS/AP/SIPA

Cela dit, le moins que puissent faire les pays «normalisateurs» est le renvoi et le rappel des ambassadeurs, et la Ligue arabe une action de protestation auprès des pays soutenant Israël, à leur tête les Etats-Unis, et une plainte au nom de la Ligue devant la CPI pour crimes de guerres et crimes contre l’humanité.

 A saluer cependant les manifestations populaires dans certains pays arabes et dans les autres continents appelant Israël à arrêter dans l’immédiat cette guerre, et le courage d’un groupe de pays et de quelques barreaux,  dont celui algérien, de saisir la CPI d’une plainte pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

Aux massacres commis dans les guerres évoquées à Ghaza s’ajoutent les tueries aveugles contre les manifestants palestiniens lors de la «Grande marche du retour» le 30 mars 2018 (70e anniversaire de la Nekba) dont le bilan s’est élevé, au 12 août 2019, à 320 morts et plus de 31 020 blessés. Israël rejeta l’envoi d’une force de police de l’ONU et rompit le cessez-le-feu conclu le 6 mai 2019 en envoyant ses F-16 contre les civils innocents. 

Outre les bombardements sauvages et répétés, Ghaza souffre aussi de graves contraintes résultant du blocus imposé en 2006. Manquant d’eau, d’électricité et de carburant, les secteurs primaires, secondaires et tertiaires sont durement touchés, réduits pour la plupart à l’arrêt. Aggravant le blocus, les Israéliens ont fermé en été de l’année 2018 les deux derniers passages vers Ghaza. Autre moyen entrant dans l’action militaire, le recours à la piraterie maritime. Ainsi, le navire turc Liberté, transportant des vivres à Ghaza, a été, à deux reprises, intercepté en 2010 par la Marine israélienne et conduit au port d’Ashdod où 17 activistes à son bord ont été arrêtés puis relâchés quelques jours plus tard. Les Israéliens récidivent en 2018 en arraisonnant deux navires portant des secours à Ghaza.

Ces différentes formes d’agression ont fini par ouvrir les yeux aux figures de la Résistance palestinienne, à l’image d’un dirigeant du FPLP qui affirme que l’Autorité palestinienne devrait se retirer des obligations d’Oslo. Nous partageons ce point de vue et estimons qu’il fallait remettre en cause, en amont, les dispositions d’Oslo en s’opposant à l’abrogation de la clause relative à la lutte armée si n’y figurent pas des garanties réelles sur l’instauration d’un Etat palestinien viable. 

Ce n’est qu’en 2019 que, buvant le calice jusqu’à la lie, que l’Autorité palestinienne s’aperçoit du désastre causé par des accords souffrant d’absence de garanties dans leur application et décide de geler les Accords d’Oslo, juste après la promesse de Netanyahu, dans sa campagne électorale, d’annexer une bande de la Vallée du Jourdain qui constituerait une zone tampon séparant à jamais les Palestiniens de la Jordanie pour les cantonner dans des poches disparates en Cisjordanie. Cela dit, la promesse du Premier ministre israélien, encouragé ouvertement par le président américain Trump est, moralement une trahison et juridiquement une violation des Accords d’Oslo qui vient s’ajouter à celle qui est déjà en cours, la légalisation des colonies sauvages.
 

2.1.2 – Les attentats ciblés, les arrestations arbitraires, les négligences criminelles et les traitements inhumains des malades 
 

Israël excelle dans la pratique des attentats ciblés devant l’indifférence d’une organisation internationale en quête de crédibilité. De 1972 à 2018, soit 46 ans, Israël a commis 17 assassinats ciblés déclarés, soit en moyenne 2,7 arrondi à 3 assassinats par an. 

- S’agissant de la qualité des personnes assassinées, 02 sont du Fath : Abou Djihad et Salah Khalaf, 02 du FPLP : Ghassane Kanafani et Ziad Abu Ain, 05 du Hamas (direction politique) dont Cheikh Ahmed Yacine, le fondateur du Hamas, 03 du Hamas (Branche militaire), 02 scientifiques et 01 personnalité politique libanaise, l’ancien chef du gouvernement Rafiq El Hariri
 

- Les arrestations arbitraires concernent la pratique de la détention administrative héritée du mandat britannique. Elle consiste en l’emprisonnement de personnes sans inculpation précise, donc au gré des soupçons. A septembre 2019, le nombre de détenus palestiniens s’élevait à 7000 dont 69 femmes, 400 enfants et 750 sont sous le régime de la détention administrative évoquée dont 32 journalistes palestiniens. Le total des prisonniers palestiniens depuis 1967 est 750 000 parmi lesquels 23 000 femmes et 25 000 enfants, soit 20% de l’ensemble de la population de la Cisjordanie.
 

- Les tortures sont monnaie courante dans les geôles israéliennes ; 215 prisonniers palestiniens sont morts dont 72 sous la torture.
 

- Sur le plan des négligences criminelles des autorités pénitentiaires sionistes sont morts en prison 143 prisonniers palestiniens faute de soins, 1800 malades dont 700 cas d’urgence attendaient des soins qui ne sont point arrivés. Ces tortures et négligences constituent des crimes de guerre aux termes des articles 8 (2) (A) «2»-1 pour le premier cas, et 8 (2) (A) «2»-2 pour le second, des règles de procédure et des règles des preuves du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
 

- Par traitement inhumain, on entend le recours excessif à l’isolement, privant les détenus de toute vie sociale et leur exposition aux mauvaises conditions d’hygiène. Plus grave sans doute est le prélèvement d’organes sur des cadavres de prisonniers décédés. Il s’agit carrément de vol d’organes, pénalement répréhensible et moralement et déontologiquement condamnable. Criminel, en outre, est le recours des Israéliens à l’utilisation de prisonniers palestiniens comme cobayes humains pour tester de nouveaux médicaments ainsi que de nouvelles armes. A ces pratiques sont applicables les deux branches de l’article 8 évoqué. C’est en raison de ces conditions inhumaines que plus de six (6) grèves de la faim ont été déclenchées de 1967 à 2022 par plus de 4000 prisonniers palestiniens. 
 

2.1.3 – Expropriation des terres et prolifération des colonies

La confiscation des terres palestiniennes va de pair avec la destruction des villages et l’installation effrénée de colonies. Rien que ces dernières années, 40 000 ha ont été confisqués dans la région d’Al Qods seulement, obligeant 1500 Palestiniens à rester sans toit. Cette pratique de dépossession allant crescendo, un plan israélien à long terme (2018-2028) prévoit la confiscation de 700 km2 de terres palestiniennes de 1948 au Néguev, conduisant 30 000 Palestiniens à quitter leurs terres. Sur le plan des atteintes aux propriétés bâties, depuis Oslo, il eut destruction par les sionistes de 30 000 habitations palestiniennes en Zone C seulement, constituant 60% de la Cisjordanie avec Jérusalem-Est, et ce, pour installer 400 000 colons pour atteindre 600 000 en 2019. On cite, à titre d’exemple, le village Khan al-Ahmer de 200 habitants rasé en 2018 avec la complicité de la justice sioniste qui rejeta le recours formé par les habitants et qui fit la sourde oreille aux appels des instances internationales. Les colonies poussent comme des champignons. 

En 2011, seulement, il eut un plan de construction à Jérusalem-Est de 60 000 logements. De 122 colonies de plus de 20 000 habitants en 1993, elles ont atteint 141 en 2000 et 1128 en fin 2018. Le nombre de colons installés depuis 1967 à Jérusalem-Est, qui était de 20 000, est passé à plus de 600 000 dont 78 000 depuis Oslo 1993. Il était prévu la construction d’un millier de logements en fin 2019. Avec la légalisation des colonies dites sauvages (tolérées en fait) depuis 2018, c’est le prélude à l’annexion tout court des terres qu’occupent les Palestiniens, mettant gravement en péril l’établissement de l’Etat palestinien. 
 

2.1.4 – Poursuite de la profanation des Lieux Saints, lieux de culte et destruction des sépultures

L’incendie criminel de la Mosquée d’Al-Aqsa en 1969 a été l’inauguration de la profanation par Israël des Lieux Saints. Cette ignoble pratique s’est poursuivie de plus belle depuis 2000 avec l’imposition d’âge minimum pour l’entrée des Maqdisis et des Arabes de 1948 dans la Mosquée d’Al-Aqsa, et surtout depuis 2014 avec la permission donnée aux colons d’entrer dans l’esplanade de la Mosquée avec agressions des fidèles et des étudiants des écoles annexes. Ces agressions sont systématiques aujourd’hui comme nous l’avons écrit infra. 

A  titre d’exemple, 75 agressions ont été commises en juillet 2019 et 30 le mois précédent, faisant 61 blessés parmi les fidèles. Outre les agressions, les colons ont, en août 2017, volé d’importants documents relatifs au waqf (mainmorte) des terres d’Al-Aqsa. Parmi les autres lieux de culte profanés, citons la Mosquée de Rahet au Néguev détruite en 2020.

Quant aux sépultures, on note la destruction en août 2020 de plus de 350 tombes du cimetière Ma’manu Allah, le plus grand et le plus ancien cimetière d’Al-Qods, célèbre pour avoir abrité plus d’une dizaine de Souhaba (compagnons du Prophète QSSL, inhumés sous le règne de Omar Ibnu Al-Khettab, ainsi que deux figures de l’Islam dont l’un est un des plus grands conseillers du Sultan Salah Ad Dine Al Ayoubi. 
 

2.1.5 – Étouffement économique de l’Autorité palestinienne
 

Le blocus imposé à Ghaza depuis 2007 touche les différents secteurs d’activité dont la plupart sont à l’arrêt faute de carburant indispensable à leur fonctionnement ainsi que de pièces de rechange. Au moins 60 000 litres de carburant sont exigés pour les secteurs vitaux. Déjà en 2018, l’ONU avait demandé aux autorités de Tel-Aviv l’entrée immédiate de carburant d’urgence acheté de surcroît par cette organisation au profit de Ghaza, mais Israël fit la sourde oreille. Que dire alors aujourd’hui au vu de la guerre d’extermination que mène Israël à Ghaza depuis plus d’un mois et qui constitue l’un des plus grands génocides de l’Histoire.

En 2014, Israël avait décidé de geler le transfert de 06 millions d’euros perçus au titre de droits de douanes en représailles à l’adhésion de l’Autorité palestinienne à une vingtaine de conventions internationales, en particulier celle portant Statut de la Cour pénale internationale (CPI). La somme bloquée était destinée au paiement de milliers de fonctionnaires en Cisjordanie et à Ghaza. Israël récidive en 2019 en bloquant une enveloppe de 138 millions de dollars perçus également au titre des droits des douanes.
 

2.1.6 – De la judaïsation de fait à celle institutionnalisée de la Palestine

Cette pratique est allée grandissant depuis pratiquement 2010. C’est cette année en effet que la Knesset israélienne (le Parlement) a voté une loi obligeant dans l’avenir les gouvernements israéliens à soumettre les résolutions onusiennes au référendum populaire, à défaut d’une majorité des 2/3 quand il s’agit de tout retrait des territoires occupés. Plus scélérate est la loi votée le 19 juillet 2018 déclarant Israël «Etat du peuple juif». 

C’est le summum du racisme et de l’impérialisme. Cette mesure, lésant gravement les droits du peuple palestinien, est condamnée par certains pays arabes - ça devrait être par tous ces pays - dont l’Algérie qui a demandé le 21 juillet au Conseil de sécurité de l’ONU et à la communauté internationale de s’opposer à cette loi inique. Parmi les instances onusiennes, seul le Haut-commissaire aux Droits de l’Homme a condamné cette loi.
 

2.1.7 – L’ Accord du siècle  

Cet «accord» visant à construire le «nouveau Moyen-Orient selon la vision américano-israélienne a été élaboré entre les Etats-Unis et Israël. Les Palestiniens, contre tout bon sens, n’y sont ni associés ni même tenus au courant des tenants et des aboutissants de ce projet alors même que leur cause est au cœur du problème du Moyen-Orient. 
 

Cet «accord» appelé encore «Accords d’Abraham» renferme deux volets : l’un économique et l’autre politique. 

à suivre
 

Par Abdelhamid Zeroual , avocat
Ancien magistrat, ancien journaliste, auteur
E-mail : zeroualabdelhamid [email protected]


 

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