Joaquin Phoenix arbore le bicorne de l’empereur pour le très ambitieux Napoléon de Ridley Scott, un pari à près de 200 millions de dollars qui tente de mêler batailles homériques et vie sentimentale de Bonaparte et a droit à une sortie mondiale mercredi.
En 2h39, ce film à grand spectacle retrace le destin de cette figure de l’histoire française et européenne, depuis la Révolution française jusqu’à son exil à Saint-Hélène. Et insiste sur l’amour éperdu du Corse pour Joséphine, sa première épouse, incarnée par Vanessa Kirby. Production anglo-saxonne oblige, c’est dans la langue de la «perfide Albion» que sont tournées les pages de l’histoire de France. Y compris lorsque Tahar Rahim interprète un personnage clé de la Révolution, puis du Directoire, Paul Barras. Cinéaste de la démesure, féru d’histoire, le réalisateur de Gladiator, Blade Runner, Thelma et Louise, et créateur d’ Alien, avoue être captivé par le destin d’un dirigeant ivre de conquêtes, qui a mis l’Europe à feu et à sang.
«Sang versé»
«Clairement, l’homme a fasciné le monde, en tant que dirigeant, diplomate, guerrier, politique, et bien sûr comme dictateur. La dictature implique que du sang soit versé», a expliqué Ridley Scott lors d’une table ronde à Paris. Deux cents ans après sa mort, le Corse reste une figure clivante, certains louant son art de la guerre et d’autres dénonçant les millions de morts des campagnes napoléoniennes ou le qualifiant de fossoyeur de la Révolution. Le film refuse de trancher.
C’est évidemment à Paris, à deux pas du tombeau de Napoléon aux Invalides, qu’a été organisée l’avant-première mondiale de cette superproduction, en compagnie des acteurs. Une première depuis la grève des acteurs hollywoodiens qui a pris fin début novembre.
Avec Napoléon, Ridley Scott, dont certains films sont devenus des classiques mais qui n’a plus connu de succès marquant depuis Seul sur Mars en 2015 avec Matt Damon, joue gros. A 85 ans, c’est l’une de ses dernières chances de s’inscrire dans les pas de légendes du cinéma : Abel Gance, en 1927, avec une fresque de sept heures sur l’empereur français entrée dans l’histoire du 7e art, mais aussi Stanley Kubrick.
Le réalisateur de 2001, l’odyssée de l’espace et Orange Mécanique rêvait de tourner un Napoléon grandiose. Projet démesuré qu’il n’a pas pu mener à son terme avant son décès en 1999, mais dont le scénario demeure. Celui que met en images Ridley Scott suit Napoléon jusqu’à Moscou en proie aux flammes. Et s’autorise quelques libertés avec l’Histoire, Bonaparte assistant par exemple à la décapitation de Marie-Antoinette ou faisant tirer sur les Pyramides.
«Presque touchant»
Pour ressusciter en grande pompe la geste napoléonienne, des débuts avec la prise de Toulon à Waterloo en passant par Austerlitz, le réalisateur a pu compter sur les poches profondes d’Apple. Contrairement à Netflix, la firme à la pomme sort ses longs métrages en salles. Après avoir produit Martin Scorsese («Killers of the Flower Moon»), Apple se paye avec Ridley Scott un autre réalisateur qui compte. Pour plus de réalisme, le film a été tourné en grande partie en décors naturels, au Royaume-Uni.
L’argent se voit à l’écran, notamment avec une scène d’anthologie à Austerlitz, où Napoléon fait tirer au canon sur la cavalerie ennemie, noyée au fond d’un lac gelé.
Au parcours militaire de Napoléon, Ridley Scott veut ajouter une dimension sentimentale, en insistant longuement sur la relation entre Bonaparte et Joséphine. Le rôle est tenu par Vanessa Kirby, révélée en princesse Margaret dans la série The Crown et qui apporte une touche de modernité bienvenue au personnage - et au film. «Leur psychologie, à chacun d’eux, était tellement fascinante.
Au final, c’est comme si je ne les avais jamais vraiment compris», a déclaré Vanessa Kirby. «Ils étaient inexorablement attirés l’un vers l’autre, mais cela ne m’a jamais semblé sain et calme. C’était une obsession.»