Les récentes déclarations des autorités sur le niveau réel du PIB de l’Algérie, et qui n’a pas manqué de susciter alors sinon l’étonnement du moins toutes sortes d’interrogations, semblent être bien plus qu’un simple effet d’annonce.
L’Algérie vient, en effet, de revoir sa copie en matière de calcul de son Produit intérieur brut (PIB) pour le porter à un niveau supérieur. Le projet de loi de finances 2024 dévoile un peu plus cette question qui est restée un tant soi peu mystérieuse longtemps après les premières déclarations du Président Tebboune sur le sujet en août dernier, relayé par le Premier ministre, il y a un peu plus d’un mois, en septembre dernier.
Le PLF 2024 a, en effet, inscrit le nouveau montant du PIB de 2022, revu et corrigé. Retraçant le comportement de l’économie nationale en 2022, ce texte, abordant le volet de la croissance économique, note ce qui suit : «Il y a lieu d’indiquer que le Produit intérieur brut (PIB) a été réestimé et revu pour l’année 2022, sur la base des travaux de rebasage des comptes économiques, menés par les services de l’Office national des statistiques (ONS), en prenant comme année de base l’année 2001 au lieu de l’année1989.» Ainsi, on en sait un peu plus sur la volonté de l’Exécutif de «recalculer» le PIB. De ce fait, les chiffres, qui en découlent prennent en ligne de compte «le rebasage» dont il est question ici.
Le gouvernement explique plus loin, dans un encadré réservé à cet effet, sa démarche et les objectifs qui lui sont assignés. Il informe : «Conformément aux recommandations issues de la session extraordinaire du Conseil national de la statistique (CNS), des travaux concernant l’optimisation du processus de rebasage du Produit intérieur brut ont été entamés par les services de l’Office national des statistiques (ONS).» Résultat, «le rebasage a permis d’ajuster la valeur courante du PIB en 2022 qui s’est répercutée sur les perspectives des années 2023 à 2026. «Il est passé de 27 688,9 mrds de dinars (base 1989) à 32 028,4 mrds de dinars (base 2001), soit 233,4 Mrds $», peut-on y lire.
Ce montant, bien qu’il ne soit pas nouveau puisqu’il a été dévoilé par Aïmene Benabderrahmane, le 17 septembre dernier, à l’ouverture de la 47e réunion annuelle des gouverneurs des banques centrales et arabes, lorsqu’il a déclaré que, revu à la hausse, le PIB de l’Algérie en 2022 a atteint 233 milliards de dollars. Avant lui, le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé pour la toute première fois que le PIB du pays avoisinait les 225 milliards de dollars en 2022.
Une estimation somme toute minimale, avait-il indiqué, puisque le chiffre réel devant se situer entre 240 et 245 milliards de dollars en prenant en compte la part de l’activité informelle. «Le Produit intérieur brut (PIB) est l’agrégat fondamental de la comptabilité nationale élaboré selon les recommandations du Système de comptabilité nationale (SCN 2008) des Nations unies, selon trois optiques : - L’optique production ; - L’optique revenus ; - L’optique dépenses. Il est également élaboré en valeurs courantes (nominales) et en volume, dont la variation représente la croissance économique. Il est élaboré en périodicité annuelle et en périodicité infra annuelle (trimestrielle)», explique-t-on dans ce projet de loi de finances. Et d’ajouter : «(…) l’élaboration des comptes nationaux se fait par rapport à une année de base.
De manière générale, la construction d’une nouvelle année de base est réalisée par le biais d’opérations statistiques structurantes réalisées pour l’année de base et pour les années très proches ou voisines (…).» A l’instar de l’enquête sur les dépenses de consommation et le niveau de vie des ménages et l’enquête de structures auprès des entreprises appelée également enquête approfondie, les rédacteurs du projet soulignent que «l’élaboration d’une nouvelle année de base est également une occasion pour l’inclusion de nouvelles sources d’informations statistiques émanant généralement des fichiers administratifs permettant des évaluations plus détaillées de certains aspects particuliers, et ce, pour l’affinement de leurs traitements». Les explications sont légion sur ce qui motive le rebasage.
L’on cite le changement dans le comportement des secteurs institutionnels ; le changement structurel de l’économie nationale ; l’émergence de nouveaux phénomènes (meilleure appréciation du secteur informel), etc. «L’année de base des comptes économiques en Algérie remonte à 1989. Les travaux de rebasage consistent à reconstituer les nouvelles données des comptes économiques en prenant comme année de base l’année 2001 au lieu de 1989, dans une première étape ; l’année 2011 en seconde étape ; et l’année 2022 en troisième étape», note-t-on enfin.
Autant dire que l’opération sera recommencée deux autres fois. Ainsi, rappelle-t-on, la croissance du PIB en volume en 2022 a atteint un taux de +3,6%, contre +3,8% en 2021, en décélération modérée de 0,2 point de pourcentage par rapport à l’année 2021, tirée par une baisse de l’activité du secteur des hydrocarbures qui est passée de +10,5% en 2021 à –0,5% en 2022.
Dans le cadre des prévisions de clôture pour 2023, le PLF note que la croissance économique devrait progresser de 4,2%. «Le PIB a été estimé en prévision de clôture de 2023, en tenant compte du rebasage des comptes économiques en réalisation», souligne-t-on. «Ainsi, le volume du produit intérieur brut (PIB) en clôture de 2023 devrait, a-t-on ajouté, enregistrer une croissance de +4,2%, contre +5,3% prévue dans la loi de finances rectificative 2023, soit une révision à la baisse de 1,1 point de pourcentage résultant de l’actualisation des projections de la croissance du secteur des hydrocarbures qui a été revue à +1,9%, en prévision de clôture de 2023, contre +6,1% prévue dans la LFR 2023.» Idem pour les années 2024, 2025 et 2026.
Le Produit intérieur brut (PIB) a été estimé dans le cadre du projet de la loi de finances pour 2024 et projeté pour les années 2025 et 2026, pouvons-nous y lire, en tenant compte du «rebasage des comptes économiques en réalisation». Ainsi, la croissance économique devrait atteindre +4,2% en 2024, +3,9% en 2025 et +4,0% en 2026.
Reste, enfin, à savoir quelle est l’ampleur de cette entreprise qui touche au tableau de bord économique du pays. Le rebasage des comptes économiques en réalisation ? Quels sont les chantiers en cours ? Faut-il donc revoir, par exemple, les niveaux d’inflation et de chômage ? Quid de l’informel ? Autant de questions qui méritent d’être mises sous les projecteurs.