Le piège de la guerre en Ukraine : Un abcès de fixation créé par les Anglo-Américains

13/04/2024 mis à jour: 08:21
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Pour comprendre le contexte historique et les difficultés qu’éprouve la Russie dans la guerre en Ukraine, il faut remonter aux archives de la Seconde Guerre mondiale qui montrent l’implication des grands de la finance et de l’industrie, essentiellement anglo-américains, pour faire jouer à certains Etats ou idéologies le rôle de l’idiot utile ou de l’ennemi utile aux fins de servir leurs intérêts.

 Ainsi que l’expose le Dr Anthony C. Sutton : «L’apport fourni à l’Allemagne avant 1940, par le capitalisme américain, en vue de préparer la guerre ne peut être qualifié que de phénoménal. Il fut, sans aucun doute, décisif pour la préparation militaire de l’Allemagne. 

Des preuves permettent de comprendre que le secteur influent de l’économie américaine était, certes, lucide sur la nature du nazisme, prêt à l’aider et à le soutenir financièrement par intérêt personnel, pleinement conscient que cela finirait par une guerre où seraient impliqués l’Europe et les Etats-Unis.» On connaît aujourd’hui les colossaux profits engendrés par les USA, suite à la défaite de l’Allemagne nazie et du Japon. L’intérêt stratégique qu’en ont tiré les USA, grâce à leur intervention programmée dans les conflits européen et asiatique, est considérable. 

Ces conflits, d’une ampleur sans précédent, leur ont permis d’avoir la main mise sur ces continents par le maintien de troupes et de matériels de guerre sur ces continents depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à ce jour, sous la bannière de la «liberté et de la démocratie». La programmation de ce conflit mondial avait été matérialisée le 19 juillet 1940 par la signature de loi Vinson-Walsh, dite loi des «deux océans» prévoyant la construction de deux grandes flottes pour le Pacifique et l’Atlantique, préparatifs à une entrée en guerre dans ces deux parties du monde. Du côté Pacifique, un complexe géant, regroupant 30 arsenaux dans la baie de San Francisco, fut mis en place, devenant le plus grand complexe naval au monde, faisant travailler plus de 100 000 ouvriers. Pour avoir une idée de la puissance et du gigantisme de ces chantiers, il suffit de savoir qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les USA possédaient 95 porte-avions… et avaient fabriqué plus de 5000 navires. L’amiral Yamamoto, qui avait étudié aux USA, avait mis en garde l’empereur Hiro-Hito, lorsque la décision fut prise de déclarer la guerre aux Etats-Unis : «Vous allez réveiller un monstre !»


Les USA ont préparé l’URSS et l’Allemagne à se faire la guerre 


Les stratèges de l’industrie et de la Finance US ont toujours occulté le fait qu’ils avaient aidé l’Allemagne nazie à s’armer pour provoquer une guerre en Europe et favoriser ainsi l’entrée en guerre des Etats-Unis. De même qu’ils ont toujours occulté l’apport gigantesque US à l’URSS à partir de 1929 à 1932 pour l’édification de plus de 500 usines et ateliers. Tout devait être fait à partir de zéro. Staline avait déclaré : «Nous avons 50 à 100 ans de retard sur les principaux pays. Nous devons couvrir la distance qui nous sépare en dix ans.» Impressionné par la réussite et les méthodes de Ford, le gouvernement soviétique commande à Albert Kahn, en 1929, la conception et la construction de l’une des premières grandes entreprises industrielles de l’URSS, la fameuse usine de tracteurs de Stalingrad.


Cette usine a été construite aux États-Unis, démontée et transportée en URSS, puis réassemblée sur le sol soviétique en l’espace de six mois, sous la supervision d’ingénieurs américains. Entre 1930 et 1932, un contrat entre l’Albert Kahn Associates et l’Amtorg Trading Corporation (représentant de l’URSS aux États-Unis) fait de Kahn l’architecte conseil de l’Union soviétique. Il construit 531 usines sur le sol de l’URSS, à Kharkov et Moscou (automobiles), Kramatorsk (aéronautique), Tchéliabinsk et Stalingrad (tracteurs) et Magnitogorsk (acier). La rapidité de construction (6 mois pour Stalingrad) et les dimensions de ces usines (près de 284 000 m² pour Tchéliabinsk) emportent l’admiration des ingénieurs russes.


L’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 par les troupes nazies n’a pas inquiété le seul régime stalinien qui, après les premiers mois de l’opération Barbarossa, étaient aux portes de Moscou. L’Angleterre et les Etats-Unis ont compris le risque que représentait l’annexion des vastes territoires de l’URSS au profit du régime hitlérien. Pour les stratèges anglo-américains WASP représentant les magnats de l’industrie et de la finance, il ne fallait pas que les immenses réserves de minerai et de pétrole tombent entre les mains de l’Allemagne car cela remettrait en cause les desseins d’hégémonie que nourrissaient les USA sur le monde. Deux jours après le déclenchement de l’opération Barbarossa, les USA débloquèrent les avoirs russes qui étaient gelés dans les banques américaines pour garantir le remboursement de la dette de 631 millions de dollars que la Russie refusait de reconnaître, après la révolution d’Octobre. Le 26 juillet, Roosevelt obtient que le «Neutrality Act» ne soit plus applicable à l’URSS. Ceci impliqua que l’interdiction d’envoi d’armements à destination des pays totalitaires soit levée, l’autorisation pour la marine US d’accoster dans les ports d’URSS, la possibilité pour l’URSS d’acheter du matériel militaire. Le président Roosevelt délégua à Moscou son envoyé spécial Harry Hopkins pour s’enquérir de quel type d’aide l’URSS aurait besoin dans l’immédiat et durant quelques années. 


Le 31 juillet, le président Roosevelt reçoit la Mission militaire soviétique et lui annonce qu’il vient de donner l’ordre de livrer immédiatement 200 avions de poursuite «P 40» à l’Union soviétique. Les Anglo-Américains étaient convaincus que si la Russie n’était pas aidée, elle subirait une défaite et Hitler se tournerait contre eux en Occident. Pour les envoyés spéciaux, Harriman et Beaverbrook, il fallait «donner, donner et donner sans aucune prévision de remboursement». Le 7 novembre 1941, le Congrès américain décide de l’ouverture d’une première ligne de crédit de 1 milliard de dollars (de l’époque !). Plus de 18 millions de tonnes de matériels livrées à l’URSS durant 4 années représentent un transfert colossal jamais atteint entre deux pays. Pour avoir une idée sur ce que cela représente, il faudrait charger ce matériel sur des wagons de 20 tonnes chacun. On aurait un train composé de 902 806 wagons. Il s’étalerait sur 6319 km de longueur. Dans ce tonnage, il n’est pas tenu compte des matériels particuliers, comme les navires de commerce et de guerre. Sans vouloir discréditer la combativité et le sacrifice consentis par les soldats russes durant toute la durée de la guerre patriotique, il est néanmoins utile de rappeler l’extraordinaire aide fournie par les USA dès l’automne 1941. 


L’occultation délibérée de l’aide US à l’URSS


Dans le cadre du Lend-lease américain (LLA), l’URSS a reçu 409 526 véhicules individuels dont 43 728 Jeeps, 3510 amphibies, 4398 tracteurs (engins de transport de chars et d’entretien), 12161 véhicules de combat, dont 1239 chars légers et 4957 chars moyens, 14 798 avions, dont des avions de chasse, des bombardiers légers et moyens, des avions-cargos, des hydravions, des avions d’observation et d’entrainement, des stations de liaison et d’importantes quantités de grilles d’atterrissage et des équipements de communication ; 32 200 motocyclettes, 7570 tracteurs spéciaux (semi-remorques) avec 3216 moteurs de remplacement pour les engins de traction, 3,6 millions de pneumatiques et autant de chambres à air. Pour le déplacement de tous ces engins, les Etats-Unis ont fourni 1,4 million de tonnes de produits pétroliers et 1,3 million de tonnes de super octane pour avions.  Il est important de souligner que juste avant le tournant important qu’a constitué la bataille de Stalingrad, l’Armée rouge a concentré sur les aérodromes environnants 1115 avions du fait qu’avant le mois de novembre 1942, les Etats-Unis avaient déjà livré 1663 avions de qualité nettement supérieure à celle des avions soviétiques, notamment le Bell P-39 Airacobra, le Curtis P 40, et de bombardiers américains de type Douglas A-40 et des Hurricane et Spitfire britanniques. La maîtrise de ces avions ne posait pas de problème, du fait de l’envoi dès après l’invasion allemande, en automne 1941, de 200 avions de type P-40 qui ont permis aux pilotes russes de s’entraîner sur du matériel US.

 Il est important de souligner que l’URSS avait construit elle-même 115 596 avions entre 1941 et 1945, mais il est aussi juste de dire que ces avions n’étaient pas au niveau des avions allemands tels que les Focke-Wulf FW-190 et Ta-152, les Messerchmitts ME-109 et les Junker Ju-87. Les moyens de communication sans fil ne furent pas oubliés dans ce prêt bail. 35 800 stations complètes de radio-émetteurs, 5899 récepteurs, 348 appareils de localisation radio, 705 détecteurs directionnels, 538 altimètres, 800 compas-radio, accompagnés d’une grande quantité d’accessoires et d’outillage d’entretien et de réparation. Les services de communication de l’Armée rouge ont reçu 3400 km de câble marin, 1823 km de câble sous-marin et 1 535 484 km de câble télégraphique. 

Pour pouvoir assurer un renouvellement régulier en hommes, et un approvisionnement en matériels et en nourriture sur des milliers de kilomètres, y compris pour les chars, les pièces d’artillerie lourde pour de longues distances, les Etats-Unis ont envoyé en URSS 1900 locomotives à vapeur, 66 locomotives diesel électriques, 9920 wagons plateformes, 120 wagons citernes, 1000 wagons à bascule, 35 plateformes pour les engins lourds, des engins spéciaux de construction de voies ferrées, de routes et d’aéroports et 635 740 tonnes de rails et d’accessoires dont 110 000 tonnes d’axes et de roues de wagons.  En ce qui concerne le domaine de transport maritime et de combat naval, les USA ont fourni 205 torpilleurs, 140 chasseurs sous-marins, 28 frégates, 109 bateaux de débarquement et 77 dragueurs de mines. En sus de ces unités navales, 14 277 moteurs marins à gaz butane, 3 320 moteurs marins diesel, 108 moteurs à gaz de bois, 2150 moteurs hors-bord à essence, 40 gros accumulateurs pour sous-marins.   


Pour ce qui est de la nourriture, les USA ont fourni à l’URSS plus de 5 millions de tonnes. Ceci correspond aux besoins nutritifs d’une armée de 7,7 millions de soldats durant un an, à raison de 600 grammes de denrées sèches par jour.  Sur le plan de l’habillement, l’URSS a reçu une quantité considérable de matières destinées à l’habillement, dont 55 millions de mètres de tissu de coton, 49,2 millions de mètres de tissus en laine, 12,3 millions de mètres de toile de sangle et 14 millions de mètres de tissus imperméables. Ceci sans oublier 46 161 tonnes de fils à coudre, de fibre de laine à tricoter ainsi que des boutons. Cette quantité a permis la confection de 34,5 millions d’uniformes d’infanterie et 20 millions de vêtements chauds pour l’hiver, 14,5 millions de paires de chaussures de cuir et de bottes militaires et 49 900 tonnes de cuir. 

Entre 1941 et 1945, les USA ont livré à l’URSS 2,6 millions de tonnes d’aciers spéciaux indispensables à la fabrication de roulements à billes et bien d’autres éléments clefs indispensables à l’industrie de l’armement, tout comme ils acheminèrent des équipements de la plus haute technologie de l’époque pour assurer la production de 2,5 millions de tonnes d’aciers spéciaux indépendamment des livraisons directes. En faisant le constat des forces en présence en URSS, avant l’opération Barbarossa, Hitler et son état-major n’avaient pas imaginé ni prévu que les Etats-Unis mettraient tout leur poids pour faire en sorte que l’URSS ne soit pas battue par les troupes nazies. Comme nous pouvons le voir, l’URSS a reçu une aide colossale de la part des USA. C’est cet apport considérable en matériels de guerre, véhicules de transport qui ont permis de transporter les 10 divisions russes organisées et assemblées dans le plus grand secret, loin de Stalingrad, qui leur a permis d’être transportées en Ford, Dodge et Studbaker sur plusieurs centaines de kilomètres en une seule nuit. Sans oublier les colossales fournitures de nourriture…
 

Faire croire à un déclin des USA 


Il est remarquable de constater que c’est dans le cadre de la stratégie du faire croire que les USA n’ont jamais mis en avant ces faits, en prenant soin de déclarer que c’est la seule Russie qui a vaincu l’Allemagne nazie, tout en occultant l’immense aide qui lui a été apportée. En fait, cette aide était indispensable car les Etats-Unis auraient perdu l’Europe si l’Allemagne nazie avait vaincu l’URSS, comme l’a déclaré le secrétaire d’Etat américain M. Welles : «Le renforcement de la résistance militaire soviétique à l’agresseur qui met en péril la sécurité et l’indépendance non seulement de l’Union soviétique mais également celles de toutes les autres nations, est dans l’intérêt de la défense des Etats-Unis.»

 Pour sa part, George Friedman, directeur du Council on Foreign Affairs de Stratfor, souligne que «l’intérêt primordial des États-Unis, pour lequel nous avons mené la Première, la Seconde guerre mondiale et la Guerre froide a été la relation entre l’Allemagne et la Russie, car unies, elles sont la seule force qui pourrait nous menacer. Et nous devons nous assurer que cela ne se produise pas».

 L’abcès de fixation créé de toutes pièces par les Anglo-Américains pour faire tomber la Russie dans le piège de la guerre en Ukraine a bien fonctionné. Les premiers bénéfices qu’ils en ont tiré sont la plus grande dépendance de l’Europe envers le bloc anglo-américain et le fait que la Finlande et la Suède se soient senties obligées de quémander leur adhésion à l’OTAN, encerclant ainsi la Russie dans un environnement hostile.
 

 

Par Khelifa Mahieddine , Avocat

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