L’Algérie a toujours été un pays sismique avec la même intensité depuis au moins 6 millions d’années. Selon le géologue Azzedine Boudiaf, qui se base sur les résultats de travaux de plusieurs décennies, tout le nord du pays est sujet à «une sismicité continue» et Béjaïa, qui est secouée ces dernières années par de forts séismes, ne peut échapper à cette règle.
En termes de sismicité historique, il est important, rappelle cet expert, de montrer que cette région n’est pas à son premier séisme. Toutefois, il faut noter, expliquent les géologues, que dans le recensement des séismes reportés sur le catalogue de sismicités historiques algériens anciens, seuls les dégâts des séismes terrestres étaient décrits, car à l’époque, on ignorait l’origine des sources sismiques.
En Algérie, la tectonique active est localisée, selon les experts du Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag) dont la mission est de surveiller les séismes et de les localiser, dans la région nord du pays, essentiellement dans le Tell.
Dans cette région, frontière entre les plaques africaine et eurasiatique, la déformation tectonique est l’expression de la convergence actuelle de ces deux plaques et se traduit par la fermeture progressive des bassins néogènes et par la poursuite de l’édification de la chaîne. Chafik Aidi, chef de service de surveillance des tremblements de terre, est allé dans les détails. Il précise que l’Algérie, comme beaucoup de régions du pourtour méditerranéen, est régulièrement confrontée à des séismes. Une activité sismique qui s’explique, dit-il, par le mouvement des plaques tectoniques, qui lui-même est provoqué par la chaleur qui provient des profondeurs de la Terre. «Ce sont les courants de convection qui font que les plaques tectoniques se rapprochent», affirme-t-il.
La situation géographique de l’Algérie, au point de rencontre des plaques africaine et eurasiatique, fait d’elle un théâtre régulier de secousses telluriques. Unanimement, les experts et géologues soutiennent que l’activité sismique ne s’arrête jamais.
Ainsi, l’Algérie enregistre une centaine de séismes par mois, mais la plupart des secousses sont de faible intensité, ce qui fait qu’on ne les ressent pas toutes. L’expert du Craag explique que les pays à l’est de la Méditerranée, à l’instar de la Turquie et de la Grèce, connaissent une plus forte activité sismique que les pays situés à l’ouest, comme l’Algérie et l’Espagne. Contrairement à l’idée reçue, la région ouest de la Méditerranée, selon le membre du Craag, est connue pour être «une zone stable» comparée à la zone est, qui enregistre souvent des séismes de très forte intensité.
«Concernant le nord de l’Algérie, l’activité sismique est due au rapprochement entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne. On enregistre environ 100 secousses par mois, en majorité de magnitude en-dessous de 3 degrés sur l’échelle de Richter. De sorte que les citoyens ne les ressentent pas.
Cependant, il arrive que des secousses dépassent la magnitude 3 et la population peut effectivement les ressentir», rassure M. Aidi. Faut-il rappeler dans ce sens qu’en janvier 2018, une secousse tellurique d’une magnitude de 4,3 degrés sur l’échelle de Richter a été fortement ressentie par les habitants de Blida, mais également par ceux des wilayas limitrophes, telles qu’Alger et Tipasa.
En 2017, une autre secousse de l’ordre de 3,6 avait secoué la même région. Abdelkrim Chelghoum, directeur de recherche en génie parasismique et numérique, confirme que le nord de l’Algérie est une zone d’activité sismique, aussi bien terrestre que marine, relativement élevée, comme l’attestent les différents séismes survenus à la fin du XXe siècle et en ce début de XXIe siècle. Il cite dans ce sens les séismes les plus récents et les plus meurtriers, notamment celui du 5 octobre 1980 à Chlef, de 1989 à Tipasa, de 1999 à Aïn Témouchent ou encore celui de 2003 à Boumerdès.
De l’avis des experts, le pli-faille du Sahel, qui s’étend de Tipasa à Boumerdès, fait partie des cinq failles actives identifiées dans la région. Le risque sismique dans cette région est, disent-ils, avéré.
Cette activité sismique discontinue, rassure M. Aidi, fait l’objet d’une surveillance accrue de la part du Craag, et ce, grâce à ses différents centres situés dans plusieurs régions du pays.
Le Craag dispose, selon ce responsable, d’une plateforme sismique numérique (Algerian Digital Seismic Network) composée de 80 stations fonctionnant selon les normes internationales en matière de surveillance des séismes. «Les données provenant de nos stations sont agrégées au niveau central et permettent l’identification et la localisation de toutes les secousses qui frappent le nord du pays, En cas de séisme, les experts du Craag analysent les données après localisation du lieu et de la magnitude du séisme, et répercutent immédiatement l’information via le site internet du Centre et sa page Facebook.»
Une loi sans texte d’application
«Le réseau national des stations de surveillance des séismes jouit d’une fiabilité par rapport aux centres internationaux. Nos centres peuvent détecter les séismes même de faible magnitude», a indiqué Chafik Aidi. Les experts du Craag appellent ainsi les citoyens à vivre avec ces nombreuses secousses, mais également à se rappeler des mesures à prendre pendant et après la survenue de ces catastrophes naturelles. Il indique également que certaines habitations et constructions ne sont pas conformes aux normes de sécurité et c’est parfois pour cette raison qu’elles s’effondrent facilement. A ce propos, beaucoup d’experts évoquent l’impérieuse nécessité d’avoir des constructions qui répondent aux normes sismiques.
Pour ce faire, il faudra que la loi n°04-20 du 25 décembre 2004, relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes, censée fixer l’ensemble des règles et procédures visant à atténuer la vulnérabilité à l’aléa concerné et à prévenir les effets induits, soit rigoureusement appliquée.
En effet, la loi n° 04-05 du 14 août 2004, modifiant et complétant la loi n° 90-29 du 1er décembre 1990 relative à l’aménagement et l’urbanisme, prescrit, dans le cadre de la prévention, lors de l’élaboration des plans d’aménagement et d’urbanisme, la reprise des prescriptions des plans généraux de prévention des risques majeurs et l’identification, entre autres, des zones sismiques classées selon leur degré de vulnérabilité.
Pour les experts, les risques majeurs sont une question qui relève de la sécurité nationale en termes de vision, stratégie et de politique.
Ainsi, la réglementation sous-tendue par l’arsenal législatif existe, à plusieurs niveaux, depuis plus d’une décennie, pour encadrer l’urbanisation. Cependant, il manque l’essentiel : sa mise en œuvre avec son application sur le terrain.