Le ministre des Finances le qualifie de «viable et rentable» : Le projet du gazoduc transsaharien séduit la BAD

27/05/2023 mis à jour: 00:11
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Photo : D. R.

Le gazoduc transsaharien s’inscrit dans une vision globale de l’Algérie pour une meilleure intégration africaine et pour des échanges intra-africains plus accrus.

La Banque africaine du développement (BAD) est visiblement prête à apporter sa contribution à la concrétisation du gazoduc transsaharien, qui reliera le Nigeria à l’Algérie en passant par le Niger pour alimenter l’Europe.

En effet, les propos tenus le 22 mai par le président du groupe de cette institution financière la plus importante du continent, Akinwumi Adesina, en marge des 58es Assemblées annuelles de la BAD, représentent pour le ministre des Finances, Laaziz Fayed, «une manifestation d’intention» de cette banque à financer ce mégaprojet gazier. «Il n’y a d’ailleurs pas de raison pour ne pas soutenir un projet viable et rentable», a affirmé M. Fayed dans une déclaration jeudi dernier à l’APS, en marge de sa participation aux 58es Assemblées annuelles de la BAD.

Défendant la viabilité, la soutenabilité et la rentabilité économique de ce projet, le ministre des Finances a estimé que «les sources de son financement ne peuvent être que bancaires». Le grand argentier du pays a assuré que «des études seront effectuées sur ce mégaprojet pour l’examiner dans toutes ses dimensions et choisir le mode de financement le plus approprié», n’écartant pas dans ce sillage la participation de la BAD au financement de la réalisation de ce gazoduc, estimé à plus de 10 milliards de dollars.

Le président de la BAD, le Nigérian Akinwumi Adesina, a clairement exprimé son soutien ainsi que celui de l’Union africaine à la construction de ce gazoduc qui est, à ses yeux, un investissement «très important». Créée en 1964, la BAD, qui dispose d’un capital de 200 milliards de dollars, a déjà financé plus de 2800 projets en Afrique pour un total de 47 milliards de dollars. L’Algérie est le 3e contributeur de cette banque et le sixième pays en termes de pouvoir de vote au sein de son conseil d’administration.

Le Nigeria, qui est le principal associé de l’Algérie dans ce projet, a le plus de pouvoir de vote au sein de cette banque, qui est d’ailleurs présidée depuis 2015 par un Nigérian. Adoubé par l’Union africaine, le projet du gazoduc transsaharien est ainsi bien placé pour bénéficier du financement de la BAD, qui compte en plus des 54 pays africains, 27 pays membres contributeurs issus des autres continents, dont les Etats-Unis et le Japon.

Par ce soutien franc des instances africaines, l’Algérie a ainsi gagné la bataille face au projet concurrent : le Nigeria Morocco Gas Pipeline (NMGP), porté par le Maroc depuis 2016. En réalité, en lançant l’idée du projet NMGP, le Maroc cherchait à profiter du blocage que connaissait le gazoduc transsaharien envisagé par l’Algérie et le Nigeria au début des années 1980.

Mais l’Algérie en a décidé autrement en relançant ce mégaprojet d’une portée stratégique pour l’Afrique et pour l’Europe, dans un contexte marqué par une forte demande internationale de gaz et de pétrole provoquée par la guerre en Ukraine. Un mémorandum d’entente de concrétisation de ce mégaprojet long de 4128 km a été conclu en juillet 2022. D’une capacité de 30 milliards de mètres cubes, ce gazoduc permettra d’acheminer du gaz nigérian vers l’Europe mais aussi d’alimenter des pays du Sahel.

L’Algérie a déjà entamé les travaux de réalisation de certaines parties de ce projet et se dit prête à prendre en charge le tronçon qui traversera le Niger. De son côté, le Nigeria a lancé la construction de ce gazoduc qui traversera le pays du sud vers le nord.

Intégration régionale

Le gazoduc transsaharien s’inscrit dans une vision globale de l’Algérie pour une meilleure intégration africaine et pour des échanges intra-africains plus accrus. Une vision partagée par le Nigeria. Les deux pays, qui jouissent d’une entente politique parfaite au sein de l’Union africaine, ont décidé de renforcer leur coopération économique à travers, notamment, la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf).

L’Algérie exporte actuellement du pétrole raffiné, des engrais, des produits métalliques et agroalimentaires vers le Nigeria. Ces exportations sont appelées à augmenter durant les prochaines années pour toucher le textile et les produits manufacturiers et pharmaceutiques. Le renforcement de la coopération économique avec le Nigeria est de nature à faciliter à l’Algérie l’accès au marché africain. D’autres projets ont été également lancés par l’Algérie pour augmenter ses échanges commerciaux et économiques avec les pays de la sous-région et de l’Afrique de l’Ouest.

Ainsi, l’on peut citer le projet de réalisation de la route reliant Tindouf à Zouerate en Mauritanie, qui vise ainsi à faciliter la circulation des marchandises entre les deux pays. L’Algérie ambitionne, dans ce sillage, de renforcer son partenariat avec la Mauritanie pour atteindre le marché de l’Afrique de l’Ouest à travers l’ouverture, en février 2022, de la ligne maritime desservant les deux pays. Autre projet porté par l’Algérie en faveur de l’intégration africaine : la route transsaharienne d’une longueur de 10 000 km allant d’Alger jusqu’à Lagos en passant par Agadez, qui constitue un autre couloir économique important. La Tunisie, la Libye et le Tchad sont également connectés à cette route en grande partie opérationnelle.

A cela s’ajoute également le projet multinational de la fibre optique, appelé la «Transsaharienne à fibre optique». Ce projet, qui a reçu l’appui de l’Union européenne, vise l’interconnexion entre le Niger, l’Algérie, le Nigeria et le Tchad à travers un linéaire à fibre optique de 1510 km.

«Le projet s’inscrit dans le prolongement naturel de la Route transsaharienne (RTS). Il a été rattaché au projet de la route transsaharienne en vue de connecter toutes les concentrations de populations, sur son trajet, par voies routières aux autres régions du pays et, au-delà, au monde», a expliqué la BAD dans une note descriptive du projet.

Outre sa coopération intense avec le Nigeria, l’Algérie s’attelle à renforcer ses échanges avec d’autres pays africains. C’est dans ce cadre que le ministre des Finances, Laaziz Fayed, a eu plusieurs entretiens bilatéraux avec ses homologues africains.

«Je vais également saisir l’opportunité pour avoir des entretiens avec un certain nombre d’homologues africains. Je viens d’ailleurs de m’entretenir avec le ministre des Finances de l’Afrique du Sud, avec lequel j’ai abordé nos relations bilatérales, qui sont des relations historiques remontant à plusieurs décennies», a-t-il affirmé, tout en soulignant le potentiel de coopération existant entre les deux pays.

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