Le double jeu de Netanyahu

06/02/2024 mis à jour: 20:18
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Photo : D. R.

Benyamin Netanyahu est-il réellement incapable de «contrôler» les ministres extrémistes de son gouvernement, ou ces derniers exécutent-ils une partition de rôles concertée ?

Le Premier ministre israélien est pour la énième fois interpellé ces derniers jours sur la nécessité d’instaurer plus de discipline dans son Exécutif, et l’appel vient cette fois de Benny Gantz, un des trois piliers du Cabinet de guerre israélien, instance d’exception mise en place quelques jours après les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023, pour organiser la riposte.

Outre Gantz, le Cabinet est constitué du Premier ministre et de Yoav Gallant, le ministre de la Défense. Deux autres membres observateurs complètent cet état-major de guerre, appelé également «gouvernement d’urgence et d’unité».

«Le Premier ministre devrait rappeler à l’ordre le ministre de la Sécurité nationale qui, au lieu de s’occuper des questions de sécurité intérieure, cause d’énormes préjudices aux relations étrangères d’Israël», a écrit Gantz dans un message sur la plateforme X.

L’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne réagissait il y a deux jours aux déclarations du ministre d’extrême droite chargé de la Sécurité intérieure, à propos des sanctions décidées par la Maison-Blanche contre des colons juifs pour leurs exactions répétées en Cisjordanie notamment.

L’opposition israélienne s’est pour sa part également élevée contre le désordre en cours dans l’Exécutif de Netanyahu et les conséquences qui peuvent en résulter sur les relations avec les «alliés stratégiques».

Point de départ de la tempête, le suprémaciste Itamar Ben Gvir, connu pour sa haine recuite des Palestiniens et grand partisan d’une guerre d’extermination contre la population ghazaouie, rejette non seulement les sanctions américaines mais s’attaque au président Joe Biden, affirmant regretter que Donald Trump ne soit pas aux commandes à Washington.

Dans une interview accordée au Wall Street Journal, il avait par ailleurs soutenu que la seule issue acceptable à la guerre de Ghaza serait le déplacement «volontaire» des populations palestiniennes, quitte à leur accorder des compensations financières, et l’occupation des lieux par un vaste programme de colonies.

«Israël n’est pas une étoile de plus sur le drapeau américain», a encore renchéri le ministre d’extrême droite, signifiant que l’Etat hébreu ne doit pas avoir de compte à rendre à Washington et surtout pas à l’administration Biden.

Faire durer la guerre pour sauver sa peau

Ces déclarations mettent théoriquement dans l’embarras les autorités israéliennes, de plus en plus isolées diplomatiquement, faisant face à l’hostilité grandissante des opinions publiques dans le monde et enlisées militairement dans les territoires dévastés de Ghaza, mais l’ambivalence de Benyamin Netanyahu laisse perplexe.

L’administration Biden qui, depuis quatre mois de guerre, apporte un soutien financier, militaire et diplomatique inédit à Tel-Aviv, paie pour sa part le prix de ce soutien inconditionnel, avec notamment un reflux de plus en plus prononcé de ses chances de se présenter en concurrent sérieux face aux républicains lors de l’élection présidentielle américaine à la fin de l’année.

Sa hantise de voir le conflit dégénérer en guerre régionale tend par ailleurs à devenir une réalité, avec un début de pourrissement sur les fronts irakien, syrien et yéménite surtout, appelant un effort militaire sur la durée que Washington n’est pas disposé à consentir.

Tous ces éléments poussent le staff aux affaires à la Maison-Blanche à imprimer une nouvelle trajectoire à la crise, en pesant de son poids pour arriver à une trêve de longue durée (quatre mois, selon des médias américains), ou carrément un cessez-le-feu, via le règlement définitif de la question des «otages» israéliens.

Les sanctions décidées contre les colons s’inscrivent dans le cadre de ces gages de bonne volonté que Washington se sent obligé de présenter au monde pour nuancer son alignement complet derrière Tel-Aviv.

Mais le Premier ministre israélien et les membres les plus fanatiques de son gouvernement choisissent décidément de compliquer l’existence à Joe Biden, selon un deal interne qui arrange les affaires immédiates du chef du Likoud et les calculs des extrémistes religieux.

Benyamin Netanyahu ne voudrait surtout pas d’une fin à court terme de l’effort de guerre à Ghaza ; celui-ci signifierait un retour à la vie institutionnelle à Tel-Aviv, des comptes à rendre sur sa gestion de la crise et des élections pour lesquelles les sondages le présente comme perdant.

Ses déboires avec la justice, remisés le temps que dure la guerre, devraient être également relancés. Les représentants de l’extrême droite, obsédés quant à eux par le fantasme d’une «terre promise» débarrassée jusqu’au dernier des Palestiniens, veulent tirer un maximum de bénéfices historiques de la guerre en cours, en anéantissant tout le potentiel de résistance à l’occupation et en étendant le plus possible le tissus des colonies israéliennes sur les territoires jusque-là épargnés.

Selon certains titres de la presse israélienne parue hier, Benyamin Netanyahu a instruit certains ministres issus de son parti, le Likoud, de multiplier les déclarations hostiles à la possibilité d’un nouvel accord avec le Hamas sur la libération des prisonniers et des otages, et la proclamation d’une trêve de longue durée.

Un projet que Biden dit suivre personnellement et sur lequel travaillent depuis des semaines les diplomaties médiatrices du Qatar et de l’Egypte. Les propos des éléments d’extrême droite sont certes plus directs et volontiers provocateurs, ils ne se croisent pas moins avec les intérêts d’un Netanyahu prêt décidément à prendre tout son monde en otage pour sauver sa peau. 

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