Le chef du Hamas au Caire pour discuter d’une nouvelle trêve : L’après-guerre de Ghaza peine à prendre forme

21/02/2024 mis à jour: 00:07
APS
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Photo : D. R.

Plus de 137 jours d’intenses massacres n’ont pas permis à l’armée israélienne d’anéantir le Hamas et de délivrer ses détenus retenus depuis le  7 octobre dernier.

Le doute plane sur l’aboutissement d’une invasion de Rafah par les troupes d’occupation israéliennes à des résultats probants concernant les otages, tout comme les invasions antérieures des villes de Ghaza ou de Khan Younès.

Les destructions sont certes apocalyptiques mais il est maintenant clair qu’Israël ne parvient qu’à maîtriser l’air et le terrain, alors qu’il n’est pas parvenu à accéder aux souterrains, ni à libérer ses détenus. Donc, de nouveaux massacres à Rafah ne signifieraient nullement qu’Israël va réaliser ses objectifs annoncés qui restent la libération des otages et la capitulation du Hamas.

Toutefois, si les Américains, les Européens et des pays arabes ont donné carte blanche à Israël et l’ont massivement soutenu pour anéantir le Hamas, nul ne s’attendait à pareille capacité de résistance des Palestiniens. En plus, le prolongement de cette guerre agace notamment le gouvernement américain en cette année électorale.

Les grandes manifestations contre le génocide perpétré en Palestine deviennent quasi quotidiennes à travers le monde et risquent d’impacter les opinions publiques occidentales et arabes. L’approche du mois de Ramadhan inquiète par ailleurs les gouvernants musulmans impliqués avec Israël, aussi bien en Arabie Saoudite, qu’aux Emirats arabes unis, en Jordanie et en Egypte.

Déjà, des manifestations sont quotidiennement organisées en Jordanie contre l’approvisionnement d’Israël par les Emirats arabes unis via des colonnes de semi-remorques. Israël se trouve donc face à un dilemme créé par cette guerre qui dure. Un cessez-le-feu en ce moment donnerait du répit au Hamas, selon les responsables israéliens.

«La poursuite de cet état de famine et de terreur ouvrirait la voie à la création de cellules de collaborateurs et permettrait de couvrir l’installation de nouvelles autorités dans la Bande de Ghaza», assure une députée israélienne. Toutefois, la poursuite de la guerre dérange les alliés occidentaux et arabes de Tel-Aviv, en l’absence de résultats tangibles sur le terrain.

D’où l’incertitude régnante au sein du cabinet de guerre israélien, alors que les tractations se poursuivent au Caire et à Doha concernant les conditions d’un éventuel deuxième cessez-le-feu temporaire. Les indécisions israéliennes portent aussi bien sur le moyen le plus efficace de poursuivre la guerre actuelle à Ghaza, que sur la gestion de l’après-guerre dans cette région, carrément détruite par les bombardements.

Pour le premier volet, Israël et ses alliés arabes et occidentaux veulent exterminer la résistance palestinienne. D’importants fonds de plusieurs dizaines de milliards de dollars ont été alloués aux Israéliens dans cet objectif. Toutefois, la déception est grande du côté occidental pour une double raison. D’une part, Washington s’attendait à une guerre ouverte rapide, d’un mois ou deux.

La guerre pourrait se poursuivre de manière plus ciblée, selon les premières estimations. Mais, voilà que c’est un embrasement qui se poursuit pour le cinquième mois consécutif, provoquant des réactions hostiles parmi les communautés nationales des alliés. D’autre part, les alliés d’Israël sont fâchés en raison de la faiblesse des services de renseignement sionistes.

Des interrogations surgissent partout sur l’énorme développement des capacités de la résistance palestinienne durant les dernières années sans que personne ne s’en rende compte. Par ailleurs, tout accord aujourd’hui d’échange pour libérer les otages signifie une victoire pour la résistance palestinienne, malgré le désastre subi dans la Bande de Ghaza.

Israël n’est pas parvenu à libérer ses otages et il ne veut plus d’un scénario similaire au premier accord d’échange. L’entité sioniste préfère donc ne pas faire d’autre accord. Mais, en l’absence de résultats concrets sur le terrain, hormis les destructions apocalyptiques et les dizaines de milliers de martyrs, le cabinet de guerre israélien n’a semble-t-il pas d’alternative à un accord avec le Hamas pour libérer ses otages.

Échiquier trouble

La guerre en cours à Ghaza a révélé des capacités de résistance qui ont fait peur à Israël et ses alliés à travers le monde, notamment les Américains et les Emiratis. Les premiers assurent des dizaines de milliards de dollars, les appareillages militaires les plus sophistiqués et des centaines de milliers de tonnes de munitions.

Quant aux Emiratis, ils garantissent un relais d’approvisionnement en vivres pour stabiliser le marché interne d’Israël via des colonnes interminables de semi-remorques traversant l’Arabie et la Jordanie alors que les camions de ravitaillement des Ghazaouis sont bloqués aux frontières égyptiennes. Pour ce qui est des alliés du mouvement Hamas sur le terrain, on ne peut citer que les manœuvres des Houthis au détroit de Bab El Mendab, à l’entrée de la mer Rouge, contre les navires se dirigeant vers Israël.

Pour ce qui est des frontières directes, le Hezbollah libanais observe en tirant, de temps à autre, quelques obus en direction des plaines de Chabaâ, occupées. Cette milice a le mérite de bloquer une partie des forces israéliennes. Les Syriens sont occupés avec leurs propres problèmes internes alors que la Jordanie et l’Egypte ont normalisé avec Israël.

Sur le terrain politique, le camp opposé ouvertement à la normalisation avec Israël regroupe la Tunisie, la Libye, l’Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen et l’Algérie. Alger ne ménage aucun effort pour défendre la cause palestinienne au Conseil de sécurité de l’ONU.

Elle œuvre également avec l’Afrique du Sud à activer les mesures provisoires rendues par la Cour internationale de justice (CIJ) et à essayer de réaliser les objectifs d’arrêt de l’agression israélienne, de protection des civils et d’acheminement des aides humanitaires, comme mentionné dans le communiqué commun publié le 16 février courant suite à la récente rencontre à Addis-Abeba du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, avec son homologue sud-africaine, Naledi Pandor.

L’après-guerre

Les échos distillés des sphères de négociation sur une éventuelle trêve, aussi bien à Doha qu’au Caire, montrent bien que l’option de poursuite de la guerre l’emporte chez les Israéliens et leurs alliés. Le Dr Mustapha Barghouthi, président du Croissant-Rouge palestinien, a assuré, au micro de la chaîne Al Jazeera, qu’il «existe un plan de nettoyage ethnique et de déplacement forcé des Palestiniens» et que «ce plan est appuyé par les alliés occidentaux et arabes des Israéliens, à commencer par les Américains».

Les Israéliens veulent choisir une option qui n’accorde pas de répit au Hamas, même si les otages israéliens perdent la vie, comme l’a laissé entendre le chef du gouvernement sioniste, Benyamin Netanyahu, à plusieurs reprises. C’est pour cela que les négociateurs israéliens n’ont pas cédé aux requêtes des Palestiniens au cours des négociations. «C’est la vie de vos chefs (ceux du Hamas de l’intérieur) contre la libération de nos otages.

Sinon, que tout le monde perde sa vie sous la terre, de faim ou sous les décombres», a expliqué un Israélien sous le couvert de l’anonymat. En attendant, ce serait, éventuellement, la poursuite de l’apocalypse avec l’invasion de Rafah et ses conséquences ravageuses en termes de pertes humaines. Une fois cette sale tâche réalisée et qui semble malheureusement celle choisie par Israël et ses alliés, sauf imprévu, Tel-Aviv compte édifier des camps le long des côtes à l’intérieur de Ghaza et y entasser les Palestiniens.

Ces édifices formés de tentes et encerclés de barbelés seraient loin de toute ancienne zone urbaine, pour éviter d’offrir des issues de secours pour les souterrains, où se trouvent les otages ainsi que les combattants palestiniens et leur direction. Des discussions se poursuivent concernant la partie palestinienne qui serait alors le vis-à-vis des Israéliens.

Les Emirats avancent leur homme : Mohamed Dahlen, ancien conseiller de Yasser Arafat, alors que le Qatar préfère quelqu’un de la mouvance de Mahmoud Abbas, l’actuel président de l’Autorité palestinienne. Le nom de Marouane Barghouthi, leader du Fatah en Cisjordanie, est également proposé, avec l’option de pouvoir gagner des élections, puisqu’il est actuellement dans les geôles israéliennes.

Le choix Barghouthi semble toutefois écarté pour le moment, car les Israéliens préfèrent quelqu’un de beaucoup plus docile. Beaucoup d’acteurs régionaux commencent déjà à penser l’après-guerre de Ghaza sans même tenir compte de l’avis du peuple palestinien. Le drame est là.

Washington oppose son veto à un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu

Les Etats-Unis ont opposé leur veto hier à un projet de résolution soumis par l’Algérie au Conseil de sécurité de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu «immédiat» à Ghaza, leur troisième veto depuis le début de l’agression israélienne en cours contre cette enclave palestinienne.

Déposé il y a quelques jours par l’Algérie, membre non permanent du Conseil de sécurité, le projet de texte, qui exige «un cessez-le-feu humanitaire immédiat qui doit être respecté par toutes les parties», a recueilli 13 voix pour, une contre et une abstention (Royaume-Uni).

Ce projet de résolution intervient alors que Ghaza est victime d’une agression israélienne barbare ayant fait plus de 29 000 martyrs et des dizaines de milliers de blessés, en majorité des femmes et des enfants. Chaque jour qui passe ne fait donc qu’augmenter le nombre de martyrs, d’où l’appel à un cessez-le-feu «immédiat».

Le vote sur ce projet de résolution intervient après la décision fin janvier par la Cour internationale de justice (CIJ) qui a appelé l’entité sioniste à arrêter de cibler des civils palestiniens, de sanctionner les responsables sionistes incitant à la violence et d’autoriser l’entrée sans obstacles de l’aide humanitaire dans la Bande de Ghaza, un verdict prononcé par rapport à la requête déposée par l’Afrique du Sud affirmant que l’entité sioniste a commis des «crimes de génocide» dans l’enclave palestinienne assiégée.

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