Le 1er novembre 2024, prélude d’un quinquennat riche en réalisations

03/11/2024 mis à jour: 15:33
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 «Il faut relever ce peuple, il faut cesser de le parquer dans son Coran,  par tous les moyens possibles, il faut lui inspirer, dans ses enfants du moins, d’autres sentiments, d’autres principes, il faut que la France lui donne, je me trompe, lui laisse donner l’Evangile, ou qu’elle le chasse dans les déserts, loin du monde civilisé....    (C. Lavigerie: Lettre pastorale du 6 avril 1968)

Le  1er Novembre 1954. 70 ans se sont écoulés depuis mais la Révolution et son contenu sont inscrits dans l’ADN qui, de génération en génération, transmettent d’une façon épigénétique la douleur afin que nul n’oublie.  La christianisation forcée n’a pas réussie car l’Islam maghrébin et notre culture nous ont protégés.  L’Algérie a recouvré son indépendance le 5 juillet 1962. Après une guerre atroce où l’Algérie  a perdu 1,5 millions de ses enfants avec en face un pays qui persiste et signe dans ses louvoiements avec la nostalgie de l’empire.


L’Occident sûr de lui et dominateur commence à reconnaître ses fautes   

Pourtant, avec le temps, un nombre important des grands pays colonisateurs ont reconnu d’une façon ou d’une autre leurs fautes, qui sans aller jusqu’à aux dédommagements comme la pompe à finance constituée par la Shoah et dont parle l’écrivain Norman G. Finkelstein dans son ouvrage documentée : «L’industrie de l’Holocauste», il en est ainsi de l’Allemagne avec les Hereros de Namibie,  du Canada avec les peuples premiers et même les États-Unis pour ses atrocités au Vietnam. 


Ce pays a pu trouver les voies et moyens pour que le Vietnam actuel accepte de développer des relations normales mutuellement profitables avec les Etats-Unis. Mieux  encore, le président des Etats-Unis, Joe Biden, a  présenté vendredi 25 octobre 2024 dans la réserve amérindienne de Gila River, en Arizona, des excuses historiques pour les atrocités commises durant plus d’un siècle dans des pensionnats où des dizaines de milliers d’enfants amérindiens ont été placés et maltraités dans un but d’assimilation forcée. «Un péché qui entache notre âme.» L’objectif de ces pensionnats était d’effacer la culture, la langue et l’identité des Amérindiens. Ce chapitre est l’un des «plus sombres de l’histoire américaine», le président démocrate a également assuré que «le traumatisme» vécu par les enfants amérindiens dans ces institutions «hante aujourd’hui encore notre conscience». De même, les évêques catholiques américains ont formellement reconnu cette année le rôle de l’Eglise dans «les traumatismes» infligés aux Amérindiens. Lors d’une visite au Canada à l’été 2022, le pape François avait demandé «pardon pour le mal commis».


Crimes coloniaux : L’empire sur lequel la justice ne se couche (presque) jamais

Demeurent le Royaume-Uni et la France. Jane Anderson fait le point de la reconnaissance de l’Empire britannique dans les crimes coloniaux.  L’Empire britannique, écrit-elle, a été le plus vaste de l’histoire et a engendré de nombreux crimes coloniaux. Les Britanniques considèrent-ils encore leur ancien Empire comme positif⁄?  La proportion actuelle de cette opinion est encore élevée – dans cette enquête de 2020, l’attitude britannique contrastait avec celle des Allemands, dont seulement 9% se disaient fiers de leur rôle colonial. La prise de responsabilité réelle pour les crimes coloniaux britanniques est bien mince, face à une litanie d’atrocités connue, documentée et référencée. Sous la domination britannique, entre 12 et 29 millions d’Indiens sont morts de faim au cours de diverses famines, écrit l’historien américain Mike Davis, alors que des millions de tonnes de blé étaient exportées vers le Royaume-Uni. L’ancien Premier ministre Winston Churchill a eu une phrase célèbre : «Je déteste les Indiens. C’est un peuple bestial avec une religion bestiale. Ils sont responsables de la famine parce qu’ils se reproduisent comme des lapins.»  

Janet Anderson indique que ces reconnaissances à dose homéopathique ne règlent pas le problème de fond qui est celui de la reconnaissance de la faute : «Si la liste des préjudices est longue et variée, les initiatives concrètes de justice ont été rares. En 2013, les autorités britanniques ont versé des réparations à plus de 5000 victimes de la répression sanglante de la rébellion Mau Mau des années  (…)   Quelques débats sur les réparations, les excuses et les restitutions ont bien éclaté au cours des vingt dernières années. Les dirigeants britanniques se sont succédé pour présenter des excuses au coup par coup : en 2007, le Premier ministre Tony Blair a présenté des excuses pour le rôle du pays dans la traite des esclaves et, en 2011, pour la famine irlandaise ; David Cameron s’est rendu sur les lieux du massacre d’Amritsar ; le prince Charles a évoqué l’«injustice» de la traite des esclaves à Accra, au Ghana, en 2018.» 


Le livre noir de la colonisation française

La perfide Albion et la France sont les partenaires traditionnelles de toutes les expéditions coloniales  sanguinaires. Le décor est encore plus triste du côté de la France qui partage avec l’Angleterre  l’arrogance et la conviction qu’ils appartiennent à la race des élus. Mutatis mutandis, ce qui se passe actuellement à Ghaza n’est pas une singularité de déni de l’humanité. Souvenons-nous pendant la Révolution, le pouvoir colonial a parqué 2,5 millions de personnes pendant plus de quatre ans dans des conditions extrêmes. Cela rappelle un peu ce qui se passe à Ghaza depuis une année. En fait,  les crimes contre l’humanité exécutés par Israël ne sont pas une rupture avec un ordre moral, c’est au contraire une continuité dans l’ensauvagement de l’Occident dont parle si bien Aimé Césaire 

La France persiste toujours dans son amnésie sélective et signe sachant bien que l’histoire a déjà condamné la colonisation comme un crime contre l’humanité. Le tout est de savoir si elle fera le saut qualitatif qui lui permette de revenir en grâce partir d’actions sans arrière-pensée avec l’humilité  et la bonne foi requises. Ceci n’a rien à voir avec les tentatives actuelles vaines de gagner du temps  pour des échéances électorales. Il nous paraît évident que la Commission ne pourra pas avec sa meilleure bonne volonté rendre compte des 46 000 jours d’exactions depuis un 5 juillet 1830, avec un concentré d’horreurs pendant 2600 jours, durée de la Révolution de Novembre qui fut l’un des marqueurs  de l’aventure humaine contre la tyrannie au  XXe siècle. Des thèses de doctorat étaient soutenues aux Etats-Unis en pleine guerre d’indépendance. Le pouvoir colonial a toujours usé de la religion pour christianiser comme le martelait le cardinal Lavigerie. De plus, la laïcité ne fut jamais appliquée en Algérie. Il est donc malvenu de la brandir comme un horizon indépassable à moins d’être d’accord avec J. Ferry qui déclarait : «Les droits de l’homme ne sont pas valables dans nos colonies.»

Les jeunes Algérien(ne)s qui ne connaissent pas l’histoire de l’invasion coloniale ne savent pas que l’identité culturelle et cultuelle algérienne  a résisté pendant toute la colonisation aux coups de boutoir des conquérants messianiques qui ne désespéraient pas de faire retrouver à l’Algérien son substrat chrétien une fois que la gangue de l’Islam est enlevée, comme le martelait le cardinal Lavigerie. En fait, le corps social français travaillé par la droite et ses extrêmes se sert de la non-reconnaissance de la faute historique comme un bouclier pour flatter les pulsions les plus négatives  des contrebandiers de la politique pour des visions bassement électoralistes, renvoyant aux calendes grecques toute réconciliation dans l’égale dignité des deux peuples. 

La France comme l’Angleterre utilisent les mêmes subterfuges. Ainsi, deux présidents et deux ambassadeurs se sont rendus à Sétif à l’occasion de la commémoration des crimes de masse de plus de plusieurs milliers d’Algériens, sans plus. 

Il n’y a de mon point de vue rien à attendre d’une France droitisée. La position vis-à-vis du dossier sahraoui est aussi un enjeu de politique intérieure en France. L’Algérie doit s’attendre à un bras de fer avec Paris sur la question migratoire, car la France - ayant renié son bréviaire des droits de l’homme blanc - mise sur le Maroc  car  elle  est en perte de vitesse au Maghreb et dans la région du Sahel. Au-delà de la reconnaissance du Sahara occidental – qui est politiquement  un coup d’épée sans l’eau. 

Car pour les Nations unies, le Sahara occidental est toujours un territoire non autonome comme vient de rappeler avec force la Commission des Nations unies comme étant marocain, ce qui n’a aucune incidence sur les relations commerciales de l’Union européenne avec le Maroc. Elle ne reconnaît pas les richesses sahraouies exportées en Europe. Nos relations avec la France ne seront jamais  banales,  voire normales, et c’est tant mieux ! Car 132 ans de compagnonnage douloureux font que la France a besoin de l’Algérie, de son savoir-faire et de sa profondeur stratégique. L’écume des événements actuels ne se résorbera que quand la France reconnaisse enfin sa faute.  
 

L’Algérie avant tout  pour la réussite du prochain quinquennat 


Depuis l’indépendance, nous nous sommes investis à juste titre dans la défense des causes justes. Cette époque a profondément changé dans le monde, les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui et à ce titre nous ne pouvons pas dire que nous avons déserté notre rôle, mais nous ne pouvons à nous seuls régler les problèmes que des ensembles autrement plus importants sur tous les plans que nous devons redoubler d’efforts pour mener à terme les grands projets structurants  (sidérurgie, transport ferroviaire électrique au Sud, hydrogène vert, sécurité alimentaire…).


  Le monde est dangereux, il serait peut-être venu  le moment de connaître d’une façon mieux affirmée nos intérêts en ne donnant  pas l’impression que nous sommes des donneurs de leçons ; J’ai mal à mon pays quand je vois que nous pouvons faire mieux si seulement nous déclarions «l’Algérie avant tout», comme le clamait Boudiaf.


Ce prochain quinquennat nous propulsera dignement dans le giron des pays émergents. Le premier quinquennat, malgré une situation objectivement difficile, a vu l’Algérie lancer de vastes chantiers structurants. C’est le cas notamment du fer et de l’industrie sidérurgique, seule industrie qui permette d’avoir une certaine autonomie. Cela ne sera pas facile. 

La volonté est là. A la fin du quinquennat, l’Algérie devrait être capable d’être auto-suffisante  dans le développement de son industrie. Mieux encore, tout doit être fait pour que ce qui était pour nous une utopie au début du quinquennat, à savoir une transsaharienne avec des trains électriques fonctionnant avec l’énergie solaire, deviendra une réalisation. 


La mise en œuvre d’un chantier porteur de développement que celui de la transsaharienne électrique permettra de donner une réelle dimension au transport, en créant des villes nouvelles avec la disponibilité de l’eau et la production progressive de l’électricité solaire. Imaginons un parcours Tam-Alger 2000 km ; un train à 160 km/h mettra douze heures. C’est toute une vision nouvelle du Sud qui sera mise en place par la circulation des voyageurs avec des trains électriques (énergie électrique photovoltaïque). Le programme de sécurité alimentaire recevra une accélération avec la disponibilité de l’eau et de l’électricité.

 

La formation de l’élite : condition sine  qua non  pour une intégration par le haut dans les BRICs


En fait, un nouveau monde est en train de se dessiner, celui de la technologie. Il faut revoir fondamentalement le baccalauréat en créant  en portant le chiffre de 2% de bacheliers maths  à  au moins 20% à la fin du prochain quinquennat . Cela nous permettra à cette échéance de «produire au moins 50.000 ingénieurs (contre quelques milliers actuellement). Nous allons relever ce défi, en formant graduellement des dizaines de milliers d’ingénieurs si on veut rejoindre dans de bonnes conditions le train des BRICS qui sera pour nous un immense accélérateur du développement et nous permettre de sortir enfin de l’emprise de l’Union européenne, avec  laquelle nous n’avons que des problèmes pour ne pas savoir plier l’échine. La création des écoles de mathématiques et d’intelligence artificielle à Sidi Abdellah est une rupture que nous saluons, car elle consacre dans ce XXIe siècle de tous les dangers la prééminence de la connaissance. Il est important de continuer sur la lancée en mettant en œuvre les six autres écoles  (notamment de physique, de biotechnologie et de médecine).  


Le vivre-ensemble pour un projet de société rassembleur

Devant  les difficultés du monde actuel, les actions à mettre en œuvre pour améliorer la qualité de vie mais aussi l’éducation et la santé, il est nécessaire de mobiliser les forces vives du pays. Pour cela,  un seul remède : le parler vrai et l’information réelle dans le cadre de débats et de la justice. De plus, il s’avère plus que jamais nécessaire de tout faire pour le vivre-ensemble. Des secteurs comme l’enseignement supérieur par une répartition harmonieuse des disciplines scientifiques nationales permettra le brassage des étudiantes et étudiants qui apprendront à se connaître. Il en est de même du service national, immense creuset de l’identité algérienne. Il y a un train à prendre, celui de la modernité, du développement scientifique et technologique.

 Il s’agit des fondations d’une Algérie nouvelle qui aura fort à faire dans un environnement impitoyable où seul le savoir compte. Le chemin vers l’excellence est un itinéraire difficile, mais c’est le prix à payer pour de bonnes défenses immunitaires. Beaucoup de chantiers ont été lancés. La moisson devrait être importante, le tout est de pas changer de cap mais aussi consolider la transition énergétique qui pourrait être une véritable source d’économie du gaz. Songez que les 3000 MW lancés permettront dès l’années prochaine d’épargner l’équivalent de 1,5 milliard de mètres cubes. Ce qui incite à ne pas ralentir l’investissement dans le solaire à au moins cette cadence de 2000 MW/an  avec un financement IPP.


 L’Algérie  fête le 70e anniversaire du 1er Novembre en renouant avec une tradition, le défilé de l’armée. Un âge de raison ! Un devoir d’inventaire s’impose pour mesurer le chemin parcouru et lancer une réflexion sur le futur en tenant compte des contraintes objectives, de la nécessité d’un aggiornamento pour pouvoir  avoir une visibilité dans un monde de plus en plus ensauvagé à la fois sur le plan économique où les faibles périssent de différentes manières. Il semble qu’il n’y ait plus de barrière, que tout est permis, l’éthique étant absente à l’international. Le nouvel ordre économique plus juste auquel avait appelé le président Boumediène à la tribune des Nations unies, il y a quarante ans, n’est toujours pas en place. Au contraire, la lutte est pour l’Occident d’imposer le statu quo. Les  efforts des BRICS pour un monde  multipolaire commencent à avoir leurs effets, même si l’Occident est plus arrogant que jamais.  

Ce qui arrive aujourd’hui à Ghaza est une tache à la face des nations, ce qu’Israël a fait relève d’une Shoah continue. En clair, c’est la guerre dans toutes ses dimensions, économiques, religieuses (l’Islam est devenu le Satan de l’Occident), mais aussi scientifiques, technologiques, cybernétiques et, enfin, militaires.

Nous sommes avertis ! Nous ne devons compter que sur soi-même. Il est plus que jamais utile de mobiliser toutes les forces vives du pays. Tout faire pour mettre en place et pour faire de l’Algérie un vaste chantier où tout ce qui a été semé sera moissonné. Le Sud aura un rôle central dans l’Algérie de 2030. Amen ! Gloire à nos martyrs ! Bonne fête de l’indépendance aux Algériennes et Algériens qui devraient retrouver le feu sacré des pionniers de l’indépendance.

 

Par Chems Eddine Chitour , Professeur à l’Ecole polytechnique 1925-2025 
 

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