L’année 2021 ressemble aux décennies sombres post-indépendance marquées de pronunciamientos. Des dérives autoritaires ciblant des régimes fragiles et souvent contestés dans la rue par les populations.
Au cours des quatre décennies entre 1960 et 2000, le nombre global de tentatives de coup d’Etat en Afrique est resté constant, avec une moyenne d’environ quatre par an. Qu’en est-il de l’année 2021 ? La tradition demeure inoxydable en la matière.
Ainsi, quelques heures après l’annonce de sa victoire à l’élection présidentielle pour un sixième mandat, le président tchadien, Idriss Déby Itno, est décédé le 20 avril. Celui qui a dirigé le pays d’une main de fer depuis 1990 a succombé à ses blessures infligées alors qu’il commandait son armée dans des combats contre des rebelles dans le Nord. Un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux, présidé par l’un de ses fils, Mahamat Idriss Déby, lui-même général à 37 ans, a alors pris le pouvoir. L’héritier fait interdire «strictement» toutes les manifestations. Entre-temps, il a multiplié des signes d’ouverture aux groupes armés pour les faire participer à un dialogue national censé réconcilier les Tchadiens avant des élections «libres et transparentes» promises dans un délai de 18 mois. Il a, notamment, décrété en novembre une «amnistie générale» pour les rebelles et opposants condamnés pour «atteinte à l’intégrité de l’Etat». Cette mesure intervient pour permettre la participation des groupes armés au dialogue national.
L’homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a déchargé de leurs prérogatives, le 25 mai, le Président et le Premier ministre de transition, arrêtés la veille par les militaires, les accusant de tentative de «sabotage» de la transition. Début juin, il a prêté serment lors d’une cérémonie d’investiture à Bamako comme «Président de la transition». L’ancien chef d’un bataillon de forces spéciales, qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keita en août 2020, a assuré qu’il tiendrait l’engagement de rendre les commandes aux civils après des élections prévues le 27 février 2022. Réélu pour un troisième mandat controversé en 2020, le président de la Guinée, Alpha Condé, est arrêté par des militaires, qui s’emparent du gouvernement en septembre et annoncent la dissolution de la Constitution. A leur tête, le colonel Mamady Doumbouya, qui promet de rendre le pouvoir aux civils à l’issue d’une période de transition. Mais la durée de celle-ci demeure incertaine.
Dans la Corne de l’Afrique, le Soudan n’a pas failli à ses traditions de putschs. Après des semaines de tensions entre autorités civiles et l’armée, des militaires soudanais ont procédé, le 25 octobre, à l’arrestation du Premier ministre, Abdallah Hamdok, de nombreux de ses ministres et tous les membres civils du Conseil de souveraineté. Le général Abdel Fattah Al Burhane a ensuite dissous les autorités du gouvernement de transition, décrétant l’état d’urgence. Ce coup d’Etat a imposé l’arrêt de la transition démocratique et entraîné des manifestations massives. La répression de ces rassemblements a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés, selon un syndicat de médecins prodémocratie. Le 21 novembre, le général Al Burhane a rétabli le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, et annoncé des élections pour juillet 2023. Bravant les violences des forces de sécurité soudanaises et à l’occasion du troisième anniversaire de la révolution ayant évincé Omar El Béchir, des centaines de milliers de manifestants antipouvoir militaire se sont rassemblés, le 19 décembre, aux abords du palais présidentiel à Khartoum, pour protester contre la junte aux commandes du pays. A ce jour, le mouvement de protestation contre les militaires se poursuit. Le Soudan est le pays qui a connu le plus grand nombre de coups d’Etat et de tentatives de prise de pouvoir, soit 18, dont cinq ont abouti.
Le Nigeria est connu pour ses putschs dans les années qui ont suivi l’indépendance, avec huit coups d’Etat entre janvier 1966 et la prise du pouvoir par le général Sani Abacha en 1993.
Amnay Idir