L'Allemagne accusée de «complicité de génocide» par le Nicaragua : La sentence prononcée aujourd’hui par la CIJ

30/04/2024 mis à jour: 03:14
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Photo : D. R.

La Cour internationale de justice prononcera aujourd’hui son délibéré relatif aux demandes d’indication introduites par le Nicaragua contre l’Allemagne, accusée de «complicité de génocide» à Ghaza.

Les magistrats de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, rendront aujourd’hui leur ordonnance relative à la demande en indication de mesures conservatoires présentée le 1er mars par le Nicaragua contre l’Allemagne pour «complicité de génocide» à Ghaza.

L’audience est prévue en milieu d’après-midi au Palais de la paix, à La Haye, au cours de laquelle le juge Nawaf Salam, président de la Cour, procédera à la lecture de la décision.

Cette requête introductive d’instance contre l’Allemagne fait état de «manquements» par Berlin à ses «obligations découlant de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels, des principes intransgressibles du droit international humanitaire et d’autres normes de droit international général relativement aux Territoires palestiniens occupés, en particulier à Ghaza».

Dans sa requête de 43 pages, le Nicaragua a indiqué que «malgré les rapports de l’ONU, de l’Union européenne, de la Croix-Rouge internationale, des déclarations du secrétaire général de l’ONU, du haut commissaire aux droits de l’homme sur la situation humanitaire désastreuse à Ghaza», l’Allemagne «a apporté un appui politique, financier et militaire à Israël en ayant pleinement conscience, au moment où elle donnait son autorisation, que les équipements militaires pourraient servir à celui-ci pour commettre de graves violations du droit international et en méconnaissant ses propres obligations.

En particulier, le matériel militaire ayant permis à Israël de perpétrer des actes génocidaires et d’autres atrocités se composait notamment de fournitures destinées les unes à un usage immédiat et les autres à être stockées, l’Allemagne ayant, en outre, donné des assurances qu’elle continuerait de fournir des équipements tels que munitions, technologies et divers composants nécessaires à l’armée israélienne (…)», précisant que pendant ce temps, Berlin «a également suspendu l’aide qu’il apporte à l’Urwa (…).

Par conséquent, outre l’Allemagne qui soutient un Etat qui manque aux normes les plus fondamentales et les plus sacrées du droit international, sa décision de discontinuer le financement qu’elle assure à l’Unrwa compromet la possibilité d’apporter une assistance effective aux victimes des atrocités que commet ainsi Israël.

L’Allemagne est pleinement consciente des conséquences fatales que la suspension du financement de l’Unrwa aura pour les Palestiniens, surtout ceux qui se trouvent actuellement à Ghaza. 

La cessation ou la forte réduction des activités de cet organisme facilitera la commission et la dissimulation de graves violations du droit international. Non seulement cela revient en soi à manquer aux obligations de prévenir le génocide et de faire respecter par autrui les lois de la guerre, mais cela dénote aussi une plus grande implication dans la facilitation de ces activités illicites (…)». 

Lors des audiences des 8 et 9 avril dernier devant la CIJ, consacrées aux plaidoiries des deux parties, le collectif représentant le Nicaragua a demandé à la Cour «d'imposer des mesures temporaires» afin «d’empêcher» l’Allemagne de «fournir toute forme de soutien à Israël, y compris un appui militaire».

Berlin face à deux plaintes pour son soutien militaire à Israël

Ces mesures sont nécessaires et impératives, étant donné que «la vie de centaines de milliers de personnes est en jeu». Pour les plaignants, l’Allemagne «semble, de manière surprenante, incapable de différencier l’autodéfense et le génocide. Elle devient complice du génocide en continuant à fournir des armes à Israël.

L’excuse pathétique pour les enfants, les femmes et les hommes palestiniens de fournir l’aide humanitaire par parachutage, d’un côté, et, de l’autre côté, envoyer des armes et des équipements militaires pour les tuer et les annihiler».

Le Nicaragua a affirmé que l’Allemagne «a vendu à Israël 326 millions d’euros d’armements en 2023, devenant ainsi le 2e fournisseur d’armes pour Israël. Après 2023, elle a exporté pour 300 millions d’euros d’équipements militaires dont des armes. Ces ventes se sont poursuivies en 2024 malgré les nombreux rapports, mises en garde et les avertissements de hauts responsables de l’ONU et de la Croix-Rouge sur la situation humanitaire désastreuse à Ghaza».

Et de lancer : «Israël affirme que l’assistance à Israël fait partie de la raison d’Etat à cause du traitement du peuple juif sous le régime nazi. C’est une politique compréhensible et louable si elle était destinée au peuple juif. Israël, et particulièrement le gouvernement actuel, ne devrait pas être confondu et assimilé au peuple juif. Avec ce procès, il faut couper ce cercle vicieux parce que sans le soutien, Israël n’aurait pas agi avec autant d’impunité.»

Toutes ces accusations ont été balayées par la défense de Berlin, déclarant qu’elles «ne reposent sur aucun fondement en fait ou en droit». Le collectif d’avocats a expliqué que «l’Allemagne ne fournit des armes que sur la base d’un examen minutieux qui dépasse de loin les exigences du droit international» et «la fourniture d’armes et d’autres équipements militaires à Israël est soumise à une évaluation continue de la situation sur le terrain.

L’action de l’Allemagne dans ce conflit est fermement ancrée dans le droit international». L’Allemagne, faut-il le rappeler, fait également l’objet d’une autre plainte pénale, sur son territoires, pour les mêmes faits, déposée le 11 avril dernier, par cinq Palestiniens habitant à Ghaza qui ont perdu tous les membres de leurs familles dans les tirs de missiles israéliens.

Soutenus et accompagnés par le Centre européen pour les droits constitutionnels qui les représente à Berlin, leur plainte a été dirigée contre le gouvernement allemand et, à travers lui, le ministère de l’Economie qui a autorisé la livraison de 3000 armes antichars à Israël.

Ils ont demandé que ces livraisons soient déclarées illégales et stoppées dans le cas où elles sont en instance de livraison. Dans un communiqué, le Centre européen pour les droits constitutionnels a déclaré : «L’Allemagne ne peut pas rester fidèle à ses valeurs si elle exporte des armes pour une guerre où il est évident que de graves violations du droit international humanitaire sont commises.» 

Tout comme pour le Nicaragua, les plaignants palestiniens ont estimé que l’Allemagne n’a pas respecté ses obligations liées à la Convention de l’ONU sur la prévention et la répression du génocide de 1948, ainsi que les Conventions de Genève et les droits de l’homme. 

 

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