L’Algérie du possible sur internet : Un film vertueux

17/04/2023 mis à jour: 04:19
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Viviane Candas - Photo : D. R.

Viviane Candas vient de mettre son film L’Algérie du possible sur Internet, un documentaire qui nous concerne parce qu’il parle de notre histoire. A voir absolument avant qu’il ne disparaisse comme cela se produit sur le Net.

En plan fixe, plongée vertigineuse sur les gorges du Rummel et ses eaux agitées par l’impétueux courant qui les charrie. Tout en bas, par-dessus elles, des véhicules empruntent un pont.

Le deuxième plan est tout aussi fixe : un train entre en gare. A son arrêt, un commentaire débute. La voix de femme qui s’exprime, confirme que c’est bien la ville des ponts : «Au matin du 16 mai 1966, en gare de Constantine, un homme descend du train». Alors que les voyageurs débarquent des wagons, la voix off reprend : «A 42 ans, Yves Mathieu a fait une guerre, de la prison et une Révolution.» Le troisième plan fixe cadre obliquement les passagers descendus, se dirigeant vers la sortie de la gare.

Alors que le quatrième plan suit par un lent panoramique latéral les voitures vides s’enfonçant plus loin en gare, le commentaire avoue : «Cet homme, c’est mon père. Je l’ai peu connu.»  Silence suivi d’un regret : «Je n’ai aucun enregistrement de sa voix, juste quelques images.

Et puis cette lettre». Changement de décor, sur un virage accentué en voiture, la voix off lit la lettre du père justifiant à la petite fille qu’elle était, avec des arguments qu’elle pouvait entendre, les raisons impérieuses de son absence au service d’un engagement militant, au profit d’une Révolution.

Nul pathos. La voix est posée, presque apaisée. Néanmoins, l’émotion sourd malgré l’effort de sobriété auquel s’astreint la narration filmique et sa volonté de se limiter aux faits, rien que les faits. Seule la bande son est dans la fébrilité à travers une percussion quelque peu enfiévrée.

Viviane Candas, la réalisatrice dont c’est l’histoire familiale intimement liée à la grande histoire, respecte scrupuleusement, durant les 120mn de son documentaire, la ligne éditoriale quelle s’est imposée. Même le titre du film est dans la retenue, bien que d’aucuns ne lui auraient pas reproché un titre du genre L’Algérie de l’utopie.

D’évidence, le refus de desservir la mémoire d’Yves Mathieu a prévalu. Elle recueille les témoignages de ses anciens compagnons dont, entre autres, Ben Bella, Meziane Cherif, Jean Marie Boeglin, Jacques Vergès et Mohamed Harbi. C’est qu’Yves Mathieu, un natif d’Annaba, s’est engagé dans la lutte anticoloniale en Afrique subsaharienne au début des années 1950 pour ensuite se mettre au service de l’indépendance nationale en tant qu’avocat du FLN.

Une fois arrachée la souveraineté nationale, il se positionne dans le parachèvement de la Révolution. Il s’implique au plus haut niveau de l’Etat dans la rédaction des Décrets de mars sur les biens vacants et l’autogestion. Ces textes promulgués en 1963 marquent un tournant majeur dans l’orientation politique du pays, ce qui n’est pas sans risque pour celui qui les a fait aboutir dans la période trouble d’alors.

C’est ce qui n’en rend que plus suspectes les circonstances mal élucidées de sa mort dans un accident de la circulation. La réalisatrice mène l’enquête. Le film malgré sa pondération est poignant. Un film vertueux comme peut l’être un cinéma citoyen. A voir avec le lien suivant : https://www.facebook.com/watch

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