La ville libyenne d’Ezzaouia intensément bombardée : Démonstration de force du gouvernement Dbeyba contre des milices de l’Ouest

28/05/2023 mis à jour: 11:49
1987
Photo : D. R.

Il a fallu l’intervention des drones turcs de la base aérienne d’El Watya, 160 kilomètres à l’ouest de Tripoli, pour calmer les ardeurs de certaines parmi les milices d’Ezzaouia, 50 kilomètres à l’ouest de la capitale libyenne. Les confrontations entre milices dans cette ville n’ont pas cessé depuis plusieurs semaines malgré les tractations dirigées par le gouvernement Dbeyba.

Les récalcitrants cherchant une part plus importante dans la contrebande de l’essence, sorti de la raffinerie de la ville qui traite 120 000 barils de brut par jour. Abdelhamid Dbeyba a fini par opter pour la manière forte afin de calmer le jeu. 

Le chef du gouvernement d’Union nationale veut montrer que sa présence à Tripoli ne dépend plus de l’aval de ces milices et qu’il dispose de la force qu’il faut pour imposer son point de vue. L’imbroglio libyen peine à trouver une issue permanente. 

Abdelhamid Dbeyba a cherché à envoyer un signal fort aussi bien aux milices de l’Ouest libyen qu’aux divers acteurs de la scène politique, pour leur signifier qu’il constitue un élément incontournable, surtout après les échos venant de la Commission 6+6 de Bouznika (Maroc), qui parlent d’un nouveau gouvernement pour préparer les prochaines élections. 

Il s’agit du scrutin annoncé pour fin 2023 par l’envoyé spécial de l’ONU, Abdallah Bathily, dans le cadre d’un énième projet de solution pour la crise libyenne. Les représentants du Parlement et du Conseil de l’Etat, égalitairement présents dans ce Comité 6+6, discutent à Bouznika le cadre juridique des prochaines élections. Les échos parlent des conditions pour les candidatures et certains ont déjà annoncé l’exclusion de Dbeyba, étant le chef de l’Exécutif. Absent des tractations de Bouznika, Dbeyba a voulu lancer un signal montrant sa présence sur le terrain avec ces raids aériens.

Cela fait déjà plus de sept ans, depuis les accords de Sekhirat (Maroc) du 17 décembre 2015, que les commissions de préparation des élections se succèdent et se ressemblent dans leur échec pour réaliser l’objectif de leur mission en Libye, celui de tenir des élections des élus qui vont leur succéder. Ainsi, représentants du Parlement élus en juin 2014 et ceux du Congrès général national (CGN) élus en juillet 2012 discutent depuis belle lurette dans des hôtels luxueux et sont gracieusement payés pour perpétuer leur mainmise sur le sort des Libyens. Ils ne se hâtent pas pour finir avec les générosités qui leur sont offertes. 

De leurs côtés, les représentants des pays ayant des intérêts en Libye ne se pressent pas pour faire des pressions puisque le pétrole coule à flot. Il y avait menaces lorsqu’il y avait blocage de la production et de l’exportation pétrolières. Mais, à l’état actuel des choses, Américains, Britanniques, Italiens, Français, Russes et Turcs obtiennent, chacun, leur part du gâteau libyen. Pour leur part, les milices se répartissent, elles-aussi, les quotas d’importation des produits subventionnés, comme le lait, le sucre, la farine ou la semoule. Seul, le bon peuple est opprimé. Mais, qui s’en inquiète !

Que s’est-il passé ?

Les milices libyennes se répartissent donc les bonnes grâces de la crise qui se perpétue indéfiniment. La principale part des groupes d’Ezzaouia, c’est l’essence, en raison de la présence d’une raffinerie transformant quotidiennement 120 000 barils. 

L’essence constitue l’un des piliers de la contrebande vers la Tunisie, le Niger, le Tchad et le Soudan. Le marché de la contrebande d’essence est estimé à plus de 50 millions de dollars. Et c’est la raison pour laquelle toutes les tentatives de vendre l’essence au prix coûtant ont échoué, malgré les promesses d’installation de primes alléchantes à l’intention des familles libyennes. 

Les lobbies de la contrebande d’essence sont très puissants et disposent de relais dans les centres de décision. Abdelhamid Dbeyba ne fait pas exception. Il a juste voulu lancer un signal disant qu’il est le maître du jeu à l’Ouest et que l’on devrait respecter ses décisions d’arrêt des surenchères. Histoire de dire aussi aux concurrents politiques qu’ils ne peuvent pas le chasser par l’intermédiaire des décisions des commissions.

Pour ce qui est des élections et de leurs commissions préparatoires qui n’en finissent pas, il est utile de constater que ce qui se passe en ce moment rappelle étrangement ce qui s’était passé en 2021, après l’installation du gouvernement de transition de Abdelhamid Dbeyba, le 15 mars 2021, et la promesse de tenir des élections le 24 décembre 2021. 

Tractations et tiraillements se sont poursuivis jusqu’à la veille de la date prévue du scrutin qui ne s’est finalement pas tenu. Pourtant, Dbeyba a finalement sauvé sa candidature grâce à la Haute cour. Mais, toutes les parties ont préféré ne pas se faire ridiculiser vu l’absence d’impartialité de part et d’autre. «Les forces armées n’étant pas neutres dans chacune des régions et il n’est pas concevable de tenir des scrutins dans cet état des lieux», remarque le juge libyen Jamel Bennour. 

Les divers intervenants en Libye préfèrent, en ce moment, garder leur part du gâteau à un éventuel scrutin avec des résultats imprévus. Et c’est le peuple libyen qui est le principal perdant.

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

Copyright 2024 . All Rights Reserved.