Le quatrième jour du festival a été incontestablement celui de la cinéphilie qui s’affiche. Il a coïncidé avec le samedi, jour férié, en après-midi, où cinq courts métrages concouraient pour l’unique sacre consacré par le festival au profit de ce seul genre.
Le public est ainsi venu en masse, pleinement mixte, bigarré et de tout âge, démontrant à l’évidence, à l’issue de ses sept éditions, que la manifestation n’est plus celle des seuls festivaliers.
Aussi, s’il y a un parallèle à faire, c’est avec ce qui s’est passé par rapport au théâtre durant la décennie 1990 où les villes de l’intérieur du pays avaient accaparé l’activité théâtrale nationale et permit au théâtre algérien de connaître sa mue à travers une salutaire refondation.
De la sorte, la parole chez le public saïdien s’est libérée. Ainsi, il n’y a plus essentiellement que les forts en thème et les artistes pour prendre la parole et débattre des films. Dans les propos entendus, il y a du bon et du moins bon, et cela est normal pour un début. Néanmoins, ce qui est incontestable, c’est les faits que les codes cinématographiques commencent à être assimilés, ce qui a permis que les échanges se soient démocratisés et devenus fructueux.
Ainsi, en l’absence d’un ciné-club qui existait à Saïda durant la décennie 1970, et qui diffusait une culture cinématographique, la cinéphilie y est renaissante grâce au festival. Vivement donc que les pouvoirs publics en tirent des leçons. Du menu de samedi, revenons sur trois des cinq courts métrages présentés.
Remarquons d’abord que pour quatre d’entre eux, leurs intrigues portant sur l’époque de la lutte de Libération nationale n’ont plus principalement pour cadre au maquis et les grandes agglomérations comme l’habitude en a été prise, mais des dechras surtout. Commençons par «le drapeau» de Ahmed Aggoune.
Ce CM a quelque peu dérouté par son approche relevant du tragi-comique et de l’absurde, une approche qui vient à Aggoune d’une précédente activité à la Chaîne III de chroniqueur politique déroulée sur le mode satirique. Elle s’est traduite dans Le drapeau par une vision naïve de la guerre au point de friser la fantaisie, le réalisateur s’étant mis dans la peau d’un enfant, un écolier, pris dans les contradictions entre l’école, comme institution éducative, mais aussi entreprise de dressage à l’idéologie colonialiste. «J’avais envie de sortir du carcan habituel sous lequel le cinéma aborde la guerre d’indépendance», confie-t-il. Les enfants, présents ans la salle, ont applaudi le film autant que les adultes.
Par ailleurs, Ahmed Agoune étonne encore à travers une réponse à El Watan sur le non-recours au kabyle comme langue du film, contrairement à l’habitude prise, militance identitaire oblige, dans les films tournés en Kabylie. Sa réponse est révélatrice sur bien des mutations en germe à travers le pays : «Les Kabyles comprennent la darja, mais ceux qui parlent cette dernière ne comprennent pas le kabyle. Utiliser la darja, c’est pour moi un consensus.»
Autre curiosité du film, c’est l’usage du format 4/3, un format historique avant la généralisation du cinémascope : «C’est l’urbanisation anarchique dans les villages qui a nécessité un cadrage resserré des plans de façon à exclure ce qui est indésirable dans le champ visuel», nous a-t-il répondu. Le film suivant Mahjhoul pour «numéro inconnu» au téléphone, est de Ahmed Zitouni.
Il porte sur le thème de l’addiction au smartphone, tous les dialogues du film s’effectuant d’ailleurs congrument par téléphone. Incisif, comme sait le faire tout bon court métrage, il use d’un suspense à la Hitchcock et d’une atmosphère dense celle d’un huis-clos nimbé d’étrangeté. Majhoul est un superbe moment de cinéma. Enfin, Zaïr eddalam, de Ahmed Ryadh, est un moyen métrage, ne répondant pas aux critères du court. Il postule même au statut de long métrage sans en être un.
Pourtant, il existe une version en format court. Pour quelle raison, en a-t-il privé le public sur précisément le terrain sur lequel il était attendu ? On ne le sait pas. Toujours est-il qu’il porte sur un conflit entre deux frères, l’un inféodé au pouvoir colonial et l’autre qui lui est viscéralement opposé.
Saïda
De notre envoyé spécial M. Kali