La famille de Merzak Allouache : Un prix d’interprétation féminine à Casablanca pour Hamida Aït El Hadj

06/07/2023 mis à jour: 03:55
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Hamida Aït El Hadj, dramaturge et formatrice de comédiens à l’ISMAS, s’est illustrée à la faveur de la 4e édition du Festival du film arabe de Casablanca en décrochant le prix d’interprétation féminine pour «la puissance de son jeu», selon le jury, dans El aïla, le dernier long métrage de Merzak Allouache. 

 

Ainsi, Hamida vient de renouer de façon éclatante avec son premier métier de comédienne au sein du fameux GAT d’Alger. Dans sa réaction à sa distinction, elle en renvoie le mérite à Merzak Allouache, et, «sans fausse modestie à mes partenaires acteurs et actrices, du plus petit rôle au rôle principal - car un film est le résultat d’un ensemble de créations orchestrées par le réalisateur. Je ne puis les citer tous, mais je tiens à partager ce prix avec eux et avec toute l’équipe technique ainsi que ses assistants car sans leurs talents et leurs compétences professionnelles, le bouclage du tournage d’un film de cette facture n’aurait pu être effectué au bout de 18 jours de tournage seulement». 

Ne connaissant pour notre part que le scénario et le teaser du film, limitons-nous à noter que Hamida y campe le personnage d’une mère d’une famille de la nomenklatura devenue oligarque ayant amassé  une fortune mal acquise. 
 

La débâcle momentanée du système sous le «bouteflikisme», à la faveur du hirak, pousse la famille à fuir le pays en essayant d’emporter le maximum de sa richesse. 

L’intrigue est corsée avec des rebondissements dans la panique d’un départ précipité et l’exacerbation des antagonismes entre les personnages. 

De la sorte, le plus prolifique réalisateur algérien, soit la performance d’un film tous les deux ans, parfois une année, depuis 1994, continue comme un sacerdoce à consacrer sa filmographie exclusivement à son pays et à ses convulsions qui n’en finissent pas. Cette ténacité de Merzak Allouache, malgré l’adversité économique qu’il affronte pour réaliser ses projets mérite le respect. Elle devrait censément favoriser l’extinction de l’adversité médiatique qu’il subit en son pays d’autant que ses films n’ont pas été vus par le public algérien pour en juger. 
 

Si une spécieuse lecture de son cinéma catalogué injustement «de l’urgence», a perdu de vue qu’il est question dans chacun de ses films d’un nouveau témoignage, certes à chaque fois à chaud, donc parfois discutable, il est temps que se dissiper le malentendu et qu’il ne soit plus question de lectures minées par l’atmosphère d’état d’urgence qui obnubilait les esprits. Car, avec le recul, Merzak Allouache n’a pas versé dans l’agit-prop au service d’une quelconque cause, comme on le lui reprochait. Il est également à parier que sa filmographie constituera à coup sûr pour les générations de cinéphiles à venir une autre histoire d’Algérie mais en mode 24 images/seconde. 
 

D’où la nécessité de rendre justice à Allouache, qui, incontestablement, loin d’être un simple tâcheron,  est véritablement un auteur avec toute la noblesse de ce que recouvre ce substantif. 

A cet égard, il n’est que de considérer son avant-dernier film Rih rabani (vent divin), un film dont l’esthétique le dispute en intérêt à sa thématique. Film prenant par sa densité et son épure, un dépouillement jusqu’à l’absence de couleurs, le noir et blanc y estompe ce que la couleur aurait donné comme rendu dans la région de Timimoun où le film a été tourné. Tout se concentre entre les deux protagonistes dans une forme entre huis clos et thriller. Nour, une binationale, terroriste aguerrie, rencontre dans un ksar, Amin, un apprenti terroriste local avec lequel elle doit accomplir un attentat suicide retentissant. 

Ainsi, loin des simplifications et des clichés, à travers les comportements de Nour, la louve affermie qui ne fait qu’une bouchée de Amin, l’agneau, Allouache dévoile la mécanique de l’endoctrinement des kamikases de la foi. 
Cela en fait un grand film, donc à voir ainsi que la filmographie de celui qu’il n’est plus permis de réduire injustement à son premier long métrage. 

A voir au cinéma et à la télé pour qu’on puisse avoir accès enfin à autre chose que cet empesé cinéma officiel qui détourne le public du cinéma réel du pays. 

Au fait, le Festival de Casa dédié au cinéma arabe, ne nous rappelle-t-il pas cruellement la question du devenir du festival d’Oran dédié au même créneau mais actuellement en situation comateuse ? Ce n’est pas Allouache qui fait du tort à son pays, bien au contraire…

 

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